BCE : lentement mais sûrement

par Frederik Ducrozet, économiste au Crédit Agricole

  • La BCE a laissé son taux directeur inchangé au niveau « approprié » de 1%, tout en poursuivant la normalisation graduelle de sa politique non-conventionnelle de gestion de la liquidité. 
  • Les opérations de refinancement à une semaine et à un mois restent illimitées au moins jusqu'en octobre, mais les appels d'offres à trois mois sont conduits à taux variable et en quantités fixes.
  • La BCE soutient désormais explicitement la Grèce après l'annonce cette semaine de mesures fiscales supplémentaires de réduction du déficit, à hauteur de 2% de PIB.

 

La décision de la BCE de maintenir le taux Refi à 1% lors de sa réunion du 4 mars semble aller de soi, d'autant que le jugement de la banque centrale sur l'état de l'économie n'est modifié qu'à la marge. Les taux directeurs restent donc à un niveau « approprié » depuis le mois de juin 2009. La reprise, bien qu'en marche, est toujours jugée fragile et inégale entre pays.

Les pressions inflationnistes restent limitées à moyen terme. La croissance de la masse monétaire est qualifiée de « faible ». En résumé, les hausses de taux ne devraient pas être d'actualité dans l'immédiat. Notre scénario central table toujours sur une première hausse du taux Refi en décembre 2010.

Cette approche prudente de la BCE est justifiée par les nouvelles prévisions du staff. La croissance est toujours attendue à 0,8% en 2010 après les mauvais chiffres du T4 09 en zone euro (+0,1% t/t). En revanche, le PIB progresserait de 1,5% en 2011 (contre 1,2% prévu en décembre dernier), grâce à une croissance mondiale plus vigoureuse. La révision est modeste, mais pas négligeable pour autant. Enfin les prévisions d'inflation ne sont ajustées qu'à la marge, en tenant compte de la récente faiblesse de l'euro. A 1,5% en 2011, l'inflation resterait inférieure, mais pas si proche, de la définition de la stabilité des prix par la BCE.

Normalisation des conditions de liquidité

Une fois encore, l'attention des observateurs et du marché s'est concentrée sur la politique non-conventionnelle. Le Conseil des Gouverneurs (CG) a annoncée une série de mesures visant à graduellement normaliser les opérations de refinancement de la BCE, et à en réduire la maturité moyenne. Rappelons qu'avant la crise, deux tiers environ de la liquidité offerte aux banques l'était sous forme de prêts à une semaine, et un tiers seulement via les appels d'offre à trois mois. L'objectif du CG reste le même (le retour à la normale sur le marché monétaire), mais les étapes de sortie se veulent particulièrement prudentes, et le calendrier moins serré qu'initialement. M. Trichet a d'ailleurs précisé qu'il ne s'attendait pas à une remontée des taux interbancaires dans l'immédiat.

En effet, les appels d'offres principaux à la semaine et les opérations spéciales à un mois resteront illimitées (et à taux fixe) aussi longtemps que nécessaire, et au minimum jusqu'en octobre 2010. En revanche, les opérations à 3 mois seront conduites à taux variable et dans des quantités limitées, mais probablement abondantes, dès le 28 avril. Enfin, le taux d'intérêt du dernier appel d'offres à 6 mois le 31 mars prochain sera indexé au taux directeur de la BCE, comme lors de la dernière opération à un an. Toutes ces mesures visent à fournir les outils aux banques afin d'assurer une transition sans heurt vers des conditions de marché normales. A ce titre, la BCE a également annoncé la mise en place d'une opération de refinancement de « fine-tuning » dont les dates coïncideront avec l'arrivée à échéance au 1er juillet 2010 des 442 milliards d'euros du premier prêt à un an accordé à l'été 2009.

Grèce : en bonne voie

Interrogé sur les questions fiscales et sur la Grèce en particulier, M. Trichet s'est contenté de lire le communiqué officiel de la BCE publié la veille. La BCE accueille favorablement les dernières mesures annoncées par le gouvernement grec, qui devraient selon elle permettre au pays d'atteindre ses objectifs de réduction du déficit et de la dette. Un changement de ton majeur par rapport au mois dernier. Le président de la BCE a exclu toute intervention du FMI, mais il n'a fait aucun commentaire sur la question des collatéraux pris en pension par la BCE. Selon les règles actuelles, et si la notation souveraine de la Grèce était dégradée de deux crans par Moody's, la dette grecque ne serait plus éligible lors des opérations de refinancement de la BCE en 2010.

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