Bilan 2013 : tapering !

par Marie-Pierre Ripert, économiste chez Natixis

Le tapering1 restera probablement le mot-clé de l’année 2013 pour les marchés financiers, en première place devant la « forward guidance », le fiscal cliff, le shutdown, les Abenomics ou encore l’union bancaire. En effet, à partir du 22 mai, les marchés financiers ont été principalement guidés par les fluctuations des anticipations sur le comportement de la Fed.

Sur le front de la croissance, l’année 2013 aura été caractérisée par une reprise modeste de la croissance mondiale en deuxième partie d’année et par un certain rééquilibrage en faveur des pays développés alors que les grands pays émergents ont peiné à redémarrer en 2013 après le net ralentissement de 2012. Certains d’entre eux ont souffert de l’affaiblissement du prix de certaines matières premières (métaux, agricoles), d’autres de la persistance du risque inflationniste, d’autres de leur déséquilibre courant.

Conséquence de l’annonce de la possible réduction des achats par la Fed, les pays émergents enregistrant des déficits courants (en particulier l’Inde, l’Indonésie, le Brésil, l’Afrique du Sud ou encore la Turquie) ont subi d’importants retraits de capitaux conduisant à des crises de change. En Chine, la croissance est restée modérée (7,5%) avec l’objectif de transition vers un nouveau modèle de croissance.

Par ailleurs, l’année 2013 aura été marquée par l’arrivée des nouveaux dirigeants chinois qui ont annoncé de nouveaux pas vers la libéralisation de l’économie et l’internationalisation du yuan. Du côté des pays développés, la croissance japonaise aura été soutenue (1,8%) par les politiques économiques mises en œuvre par le nouveau premier ministre Abe, les « Abenomics », visant à sortir le pays de la déflation (objectif d’inflation à 2%), notamment en annonçant le doublement de la base monétaire de la BoJ en deux ans. Par ailleurs, les Etats-Unis auront été résilients face au fiscal cliff (réduction du déficit public) avec une croissance de 1,8% en 2013 grâce à l’expansionnisme de la politique monétaire menée par la Fed (effets richesse). L’actualité américaine aura également été marquée par les imbroglios budgétaires à partir de septembre qui ont conduit à la fermeture de l’administration (« shutdown ») pendant trois semaines en octobre et par les discussions sur le plafond de la dette.

Enfin, les perspectives se sont quelque peu éclaircies en zone euro avec la poursuite des ajustements des balances courantes dans les pays périphériques, les avancées sur l’union bancaire (Cf. Flash n°2013-914 « Le futur Single Resolution Mechanism (SRM) prend forme… difficilement ») et la sortie de récession mi-2013 (croissance annuelle de -0,5%), grâce à un début de changement de stratégie concernant les politiques budgétaires et la forte désinflation. Toutefois, le risque de déflation est revenu sur le devant de la scène, la baisse de l’inflation ayant un effet haussier sur les taux d’intérêt réels rendant très difficile le nécessaire désendettement.

Les politiques monétaires sont restées très expansionnistes dans les pays développés avec le maintien des taux d’intérêt directeurs à un niveau proche de 0 (et même deux baisses de 0,25% du refi BCE en mai et novembre). La liquidité mondiale a continué de progresser en 2013, les grandes banques centrales des pays développés poursuivant leurs politiques quantitatives, à l’exception de la BCE qui a vu la taille de son bilan diminuer (de 3000Md€ fin 2012 à 2300Md€ fin 2013) en raison des remboursements anticipés de VLTRO2. La Fed a finalement poursuivi son QE3 pendant toute l’année (annonce du tapering le 18 décembre) impliquant une hausse de son bilan de 2900Md$ fin 2012 à 4000Md$ fin 2013. Les premières discussions en mai sur un possible début de réduction des achats ont provoqué de fortes tensions sur les marchés. Les banques centrales ont également introduit et/ou développé leur forward guidance.

Après une tendance baissière en début d’année, les taux longs ont augmenté à partir du mois de mai, conséquence des premières annonces de la Fed. La hausse a été marquée aux Etats-Unis avec des taux 10 ans qui terminent l’année plus de 100pb au-dessus du niveau de fin 2012 (2,9% vs 1,75%). L’impact sur les taux européens s’est révélé modéré, en raison du décalage cyclique mais également de la foward guidance mise en place par la BCE, les taux 10 ans allemands et français n’ont finalement augmenté que de 40/45pb sur l’année (à respectivement 1,9% et 2,5%). Avec l’amélioration en zone euro, la détente des taux des pays périphériques s’est poursuivie avec une baisse de 115pb en Espagne (à 4,13%) et 40pb en Italie (à 4,08%).

Guidés par les politiques monétaires expansionnistes et l’amélioration des perspectives de croissance, les marchés actions ont bien performé en 2013, le S&P500 a progressé de 26%, le Dax de 22% et le CAC de 14% ! Enfin, contre toute attente, l’eurodollar s’est renforcé cette année pour finir à 1,36 (vs 1,32 en début d’année). Il a fluctué dans une fourchette 1,28/1,38, avec une forte appréciation en début d’année avec un pic à 1,38 début février puis une période de dépréciation (mention par la BCE du change, crise chypriote), suivie d’une tendance haussière au second semestre lors du report du tapering en septembre et du shutdown américain en octobre.

NOTES

  1. Tapering: réduction des achats de titres par la Réserve Fédérale américaine
  2. VLTRO : Very Long Term Refinancing Operations

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