par Nadine Trémollières, Directeur Primonial Portfolio Solutions
Cet été 2023 a ressemblé étrangement à celui de 2022, la volatilité en moins. Après un très beau mois de juillet, le mois d’août a été marqué par une baisse qui a effacé les gains du mois précédent. Ainsi, l’indice des actions mondiales a progressé d’à peine 0,95 % (MSCI World, en USD) au cours de ces 2 mois, avec un marché américain (+1,55 % sur le S&P 500, en USD) un peu plus fort que l’Europe, qui abandonne un peu de terrain (-0,50 % sur le MSCI Europe). Les investisseurs ont pris des profits en attendant la grande messe de Jackson Hole fin août, qui en définitive a révélé peu de surprises par rapport à l’année dernière.
Rappelons-nous que c’est déjà au cours de ce symposium que Jérôme Powell avait tenu un discours très restrictif en 2022, entrainant cet extraordinaire resserrement monétaire qui aura vu la FED monter 11 fois ses taux monétaires en 15 mois. Cet été, le discours fut plus mesuré car le mouvement de désinflation mondial est bien engagé sans que pour autant le patron de la Banque centrale américaine siffle la fin de la partie.
Des destins différents entre les zones géographiques
Ces dernières années, la dynamique économique des différents grands pays affichait une certaine synchronicité, mais aujourd’hui la situation nous parait plus hé té rogè ne . Les États- Uni s vont vivre une année 2023 avec une croissance plus faible que précédemment. Toutefois, le scénario tant redouté d’une récession semble s’éloigner. L’Europe, de son côté, semble plus engluée dans un marasme économique qui touche principalement les pays du nord plus industriels. Ceux du sud bénéficient du retour en force du tourisme.
Enfin, l’économie chinoise peine à se remettre de sa quasi-fermeture pendant la pandémie. Le consommateur chinois ne vole pas au secours du secteur industriel qui voit la demande mondiale diminuer. Cependant les autres pays émergents semblent garder une dynamique plus positive.
À tout seigneur, tout honneur, l’économie des États-Unis continue de tenir un rythme de croissance supérieure à 2 % grâce à la conjonction de trois facteurs : un marché du travail toujours solide et résilient ; un consommateur qui, malgré la hausse des tauxd’emprunts et la baisse de ses liquidités, continue à dépenser ; et enfin des grandes entreprises qui ont gardé un niveau de marge robuste. D’un point de vue sectoriel, l’activité manufacturière est en légère récession mais elle est compensée par le secteur des services qui continue à afficher une belle résistance. Le point d’attention pour les États-Unis se situe au niveau des déficits budgétaires qui continuent à se creuser, ce qui a été le déclencheur du « downgrade » par Fitch Ratings cet été. De plus les besoins importants de financements de l’état américain ne seront plus compensés par l’augmentation du bilan de la FED qui va accélérer progressivement sa réduction.
L’Europe vit une situation plus complexe avec une conjoncture qui se dégrade plus qu’anticipé même si la zone devrait échapper à une récession. En août, en glissement annuel, la croissance atteint péniblement 0,6 % contre 2,4 % l’année précédente. De plus, les attentes pour 2024 paraissent toujours trop élevées et constituent un point de fragilité pour les prochains mois.
En termes de pays, l’atonie de l’économie allemande pénalise l’ensemble de la zone, à peine compensée par la meilleure santé del’Espagne et dans une moindre mesure par la France. Les indicateurs récents d’activité (PMI, IFO, enquête de l’Insee…) n’encouragent pas à l’optimisme : la dégradation des conditions financières, la baisse de la consommation et de l’investissement logement des ménages, et le repli général des carnets de commandes des entreprises vont affecter durement la croissance de la zone. De plus la remontée des prix du pétrole observée depuis quelques semaines pourrait ralentir le phénomène de désinflation et reporter les baisses de taux.
La Chine connait aussi de son côté un ralentissement de sa croissance qui reste inférieure aux attentes ; les exportations se contractent (-12 % sur un an), les ventes au détail continuent de ralentir, l’investissement privé et immobilier est faible et le chômage des jeunes atteint un niveau inégalé en dépassant 21 %. La réponse des autorités a été plutôt inefficace jusqu’à maintenant. Même si les mesures annoncées en juillet par le Politburo ont engendré un bref mouvement d’achat, elles semblent plus viser un effet positif en 2024 que de nature à réinstaurer la confiance à court terme.
Que faire dans cet environnement ?
Les investisseurs sont pris en tenaille entre la relative résistance économique des États-Unis, qui engendre des valorisations plutôt élevées sur les actions, et l’atonie économique de l’Europe qui n’est pas complètement intégrée dans les cours, et des révisions bénéficiaires qui pourraient décevoir les investisseurs. Mais de façon générale les marchés actions se heurtent au rendement des autres actifs notamment obligataires, la prime de risque des actions étant la plus faible depuis 15 ans. Nous réitérons notre positionnement, plus obligataire qu’actions, avec une exposition marquée aux obligations d’entreprises dans un contexte où la récession serait, dans le pire des cas, plutôt légère et ne devrait pas engendrer des vagues de défauts.
Cela dit, l’argument des valorisations plaide aussi en faveur de certains marchés émergents qui, au-delà de la situation chinoise, bénéficient d’un rebond de l’activité manufacturière grâce à la redéfinition des chaines de production au détriment de la Chine. Enfin l’immobilier d’entreprise souffre logiquement des durcissements des conditions financières mais ses caractéristiques de décorrélation par rapport aux actifs financiers, sa durée d’investissement et ses coûts d’acquisition militent pour son maintien dans nos portefeuilles.