par Marie-Pierre Ripert, économiste chez Natixis
Finalement l’été n’aura pas été si terrible qu’attendu pour les marchés financiers. Ces derniers se sont plutôt bien comportés. L’aversion pour le risque a fortement baissé reflétant un retour des investisseurs sur les actifs risqués. Les marchés action ont bien performé (12% sur le CAC, 14% sur le DAX et 6% sur le SP500 depuis le 28 juin).
Parallèlement, les tensions sur les dettes souveraines européennes se sont quelque peu atténuées, les taux courts (2 ans) sur l’Espagne et l’Italie perdant respectivement 170pb et 130pb alors que les taux longs se détendaient de 40pb. L’euro s’est également réapprécié pour revenir vers 1,25 après un point bas à 1,20 en juillet.
Si le Sommet Européen du 28 juin a été l’événement déclenchant du regain de confiance des investisseurs, ce dernier aurait probablement été de très courte durée en l’absence de plusieurs autres facteurs : tout d’abord, les nouvelles macroéconomiques en provenance des Etats-Unis ont été plutôt favorables avec des statistiques positives du côté de l’immobilier et un rebond des créations d’emploi en juillet (163K) ; par ailleurs, de nouvelles mesures de soutien de la croissance chinoise ont été annoncées suggérant une reprise de cette dernière en deuxième partie d’année. Enfin, les banques centrales américaine et européenne ont laissé entendre à diverses occasions qu’elles allaient continuer d’assouplir leur politique monétaire mais n’ont rien « délivré » à ce jour. Ainsi, la bonne tenue des marchés financiers de cet été repose en partie sur des « paroles », les investisseurs attendant désormais les actes.
Du côté de la Banque Centrale Européenne, Mario Draghi a déclaré, lors d’un discours à Londres puis à nouveau lors de la conférence de presse suivant le Conseil des Gouverneurs du 2 août, que la BCE ferait tout ce qui est nécessaire pour sauver la zone euro et que l’euro était irréversible. Il a également spécifié que la BCE était prête à mettre en place un programme d’achat de titres souverains pour aider les pays en difficulté mais que celui-ci serait conditionnel à une demande officielle d’aide des pays auprès de la Facilité Européenne de Stabilité Financière (FESF). Ces déclarations ont rassuré les marchés. Les détails de ce plan seront dévoilés au prochain Conseil le 6 septembre.
Par ailleurs, la BCE a laissé la porte ouverte à une nouvelle baisse de taux qui devrait se matérialiser dès cette prochaine réunion. Enfin, la BCE pourrait également annoncer de nouvelles mesures pour soulager l’accès à la liquidité pour les banques (notamment périphériques) dans un contexte de persistance du dysfonctionnement du marché interbancaire (nouvel élargissement des collatéraux et nouveau VLTRO ?). Au total, les décisions de la BCE porteraient sur trois niveaux : l’économie, les Etats et les banques.
Concernant la Réserve Fédérale américaine, les Minutes du dernier FOMC publiées se sont révélées très « dovish », les membres étant globalement favorables à davantage d’assouplissement de la politique monétaire. Les différentes options d’assouplissement ont d’ailleurs été discutées, notamment la communication, en reculant encore la date jusqu’à laquelle le FOMC pense laisser les taux inchangés et un nouveau programme d’achat de titres (QE3). A court-terme, c’est l’option « communication » qui devrait selon nous être retenue avec une date reportée à mi-2015 (actuellement fin 2014) lors du prochain FOMC le 13 septembre.
Au-delà de ces décisions de politique monétaire, d’autres facteurs incitent à la prudence :
- L’agenda européen est chargé en septembre avec comme événements majeurs la décision de la Cour de Karlsruhe sur le Mécanisme Européen de Stabilité (MES) le 12 septembre et la proposition législative d’union bancaire le 11 mais aussi les rapports du FMI sur le Portugal et l’Irlande.
- Les nouvelles macroéconomiques vont rester dégradées dans la zone euro, rappelant que cette dernière s’enfonce dans la récession et que les politiques mises en œuvre sont contreproductives.
- Aux Etats-Unis, la croissance pourrait être affectée par l’attentisme des agents économiques dans la période électorale. En effet, l’incertitude est forte sur l’issue des élections et en corollaire sur les mesures qui seront prises sur le front budgétaire1, les Etats-Unis faisant face à des coupes automatiques de dépenses début 2013 et de nombreuses baisses d’impôt arrivant à échéance fin 2012 (« fiscal cliff »).
- A suivre enfin la hausse récente du prix des produits alimentaires qui constitue un facteur de risque supplémentaire, pouvant affecter notamment la croissance des pays émergents.
NOTES
- CF. Flash 2012-562 « Elections américaines 2012 : Obama, Romney et la falaise budgétaire ».