Chine : quelle lecture de la crise de liquidité interbancaire ?

par Bei Xu, économiste chez Natixis

Une crise de liquidité est survenue sur le marché interbancaire durant le mois de juin et a atteint sa phase la plus aigüe pendant la semaine du 17. Le Shibor (taux interbancaire) overnight dont le niveau fluctuait principalement autour de 2,5% depuis janvier, est passé rapidement à 7% lors de la deuxième semaine du mois et a atteint un record historique de 13,44% le 20 juin.

Les informations officielles ont suggéré ultérieurement un risque de cessation de paiement de certaines banques dont les noms ne sont pas communiqués, la banque centrale ayant confirmé son aide apportée à ces établissements. Surgissant dans un contexte d’endettement trop élevé de l’économie chinoise (200% du PIB), cette crise de liquidité soulève des interrogations sur la solidité du système financier et sur les risques d’une crise financière en Chine.

Il faudrait d’abord préciser qu’il s’agit d’une tension de liquidité et non de solvabilité des banques chinoises. En ce mois de juin, il y a eu à la fois une baisse de l’offre de liquidité interbancaire due essentiellement à une moindre entrée de devises (la fin du QE se précisant de plus en plus, la pression à l’appréciation du RMB s’inversant) et une montée importante des besoins de liquidités liée à des aspects techniques et réglementaires (évaluation semi-annuelle de différents ratios des banques, paiements des réserves obligatoires ou encore paiements des taxes des entreprises entraînant un déplacement de liquidité des banques commerciales à la banque centrale où l’administration détient son compte).

Cette crise de liquidité était donc liée à une gestion peu scrupuleuse de liquidité qui révèle 1. une expansion trop rapide des activités dont la distribution de crédit notamment par le système shadow banking ayant pour but de contourner la réglementation, et 2. plus fondamentalement un manque de discipline reposant sur un comportement d’aléa moral. En effet, d’une part les établissements bancaires sont quasiment de nature publique en Chine, l’Etat en étant l’actionnaire dominant. D’autre part, l’Etat chinois dispose d’importantes ressources financières dont notamment les 3400 milliards de dollars de réserves de change, d’où la capacité d’éviter une crise systémique et financière. Ceci constitue aussi la raison pour laquelle nous pensons qu’un scénario extrême de crise financière n’est pas à l’ordre du jour en Chine mais que cela a aussi largement contribué à une gestion peu prudente de liquidité en présence des comportements d’aléa de moralité.

Si l’Etat chinois peut venir au secours des banques en cas de problème, pourquoi lors de cet épisode de crise de liquidité, le taux d’intérêt s’est-il quand même envolé (signe de l’absence d’aide dans un premier temps) et pourquoi l’Etat a-t-il fait clairement savoir qu’il ne viendrait pas en aide au début de cet épisode ? Deux lectures peuvent se voir proposées :

  • le délai d’intervention est pour nous expliqué bien sûr par la réticence de l’Etat chinois de créer davantage d’aléa moral, mais il peut surtout être interprété par la volonté de l’Etat de tester la résistance du système bancaire face à une tension de liquidité. Le résultat du « test » montre bien que les réformes sont nécessaires, et que celles-ci devraient s’opérer de manière urgente mais avec une certaine progressivité.
  • ne pas intervenir rapidement et tenter d’imposer une vraie discipline chez les banques chinoises suggère qu’au sein de la prise de décision de l’Etat chinois, les réformistes sont en train de s’affirmer et de monter en puissance. Cela aura pour conséquence une grande libéralisation du marché financier et de l’économie chinoise en général favorisant le changement du modèle de croissance. A court terme, cela impliquera moins de stimulus public. Nous nous attendons donc à un ralentissement de la croissance économique qui serait plutôt autour de 7,5% au lieu de 8% en 2013.

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