par Sébastien Galy, Stratégiste Macro Senior chez Nordea Asset Management
Un récent sondage de la banque d’investissement américaine Merryll Lynch indique que les investisseurs se montrent extrêmement prudents avec des niveaux élevés de positions en cash, au sein de leurs allocations d’actifs : un signe certain de marché baissier. Toutefois, le sentiment de marché et son positionnement tendent à suggérer que le pire pourrait en effet être derrière nous. La question est de savoir ce que les investisseurs choisiront de faire au cours de cette prochaine phase du marché. Si certaines entreprises, de haute qualité, issues du secteur technologique devraient finir par afficher de meilleures performances boursières que le reste du marché, la grande majorité des investisseurs préféreront les entreprises offrant un profil « Value » et des revenus stables.
- Une préférence pour les styles « Risque faible », « Value » et « Qualité »
Bien que les nombreux chocs soient finalement plus près de leur point culminant sur les marchés, ils continuent d’avoir un impact sur l’économie par une multitude de canaux, avec des intensités et des durées différentes. Cela qui peut, à terme, avoir des répercussions sur les marchés financiers. Pour le moment, la hausse de l’inflation continue de sévir. On le constate avec la dernière déception concernant la décevante publication de résultats de la société américaine Target, spécialiste de la grande distribution. Les consommateurs les moins fortunés ne veulent pas et ne peuvent pas supporter la hausse des coûts.
Historiquement nous savons que lors de cette phase du cycle économique, les fonds obligataires sous-performent, tandis que les actions, elles, présentent des tendances moins évidentes. Comme toujours la comparaison n’est pas une justification, mais elle reste très instructive. Face à un environnement aussi complexe, nous devrions voir les investisseurs opter pour un positionnement prudent sur le marché des actions. D’autant plus qu’une partie des secteurs technologique ou immobilier demeure chèrement valorisée. Une des questions clé est jusqu’où les banques centrales remonteront leurs taux directeurs, tant pour la Fed que pour la BCE. Cet aspect demeure très incertain et difficile à évaluer. La Fed devra-t-elle resserrer encore plus strictement ses conditions monétaires, ce qui entraînerait une récession, comme beaucoup l’affirment ?
- L’effet de levier : le problème majeur
L’une des raisons pour lesquelles le marché financier ne s’est pas encore stabilisé est très probablement le haut degré d’effet de levier sur le marché. Ceux qui le pouvaient ont sans doute emprunté pendant des années en misant sur la hausse des actifs, du secteur de l’art à celui de la technologie, et tous ne peuvent pas se permettre de subir des pertes.
Par exemple, les SPAC (sociétés sans activité opérationnelle, qui achètent des entreprises) ont connu leur heure de gloire en février 2020, sans conséquences plus graves. Mais cela devrait finir par affecter le luxe, l’immobilier et d’autres secteurs. Ces investisseurs s’appuient généralement sur des produits dérivés pour « vendre » de la volatilité et l’énorme bond de la volatilité des actions au cours du mois de mars 2020 (Covid-19) en est probablement le symptôme. Lentement mais sûrement, ils se sont à nouveau endettés et une partie d’entre eux sont de plus en plus réticents et détiennent désormais des actions réputées plus « défensives » comme Coca-Cola ou Air Liquide.
Par ailleurs, sur une période de plusieurs mois, la hausse des taux d’intérêt devrait avoir un impact sur le marché du logement. Selon Zillow, déjà 75 % des acheteurs de logements « post-subprime » regrettent une décision d’achat précipitée et trop coûteuse. Lorsque ce marché finira par se refroidir, il devrait avoir une incidence négative sur la croissance et les marchés financiers, avec un risque accru de récession.
Alors que nous transitons actuellement entre la dernière étape d’un rallye baissier et une séquence plus incertaine en termes de tendance, la combinaison de plusieurs stratégies est nécessaire pour un positionnement d’attente avant la prochaine phase de marché.
- L’avantage de combiner plusieurs stratégies
Une stratégie fonctionne bien lorsqu’elle anticipe clairement un mécanisme économique et la tendance du marché. En cas d’incertitude économique et financière beaucoup plus importante, les profils de titres à « Faible risque », « Value » et « Qualité » (quand celle-ci n’est pas « chère ») sont généralement plébiscités par les investisseurs.
Pourtant, une combinaison de ces 3 profils a probablement plus de sens, si l’on soustrait les entreprises qui sont encore loin dans le spectre de la maturité et de l’obsolescence. Plus nous élargissons l’univers des stratégies combinées, plus nous avons la possibilité de détecter des situations plus complexes.
Quels enseignements ?
In fine l’objectif est d’augmenter la protection du portefeuille, quelles que soient les situations de marchés : si les marchés chutent, les investisseurs bénéficient de la protection apportée par les titres au profil « Faible risque » ; si l’inflation et les rendements restent élevés, ils seront moins affectés par la hausse des taux d’intérêt en raison de l’exposition au segment « Value » ; et si les choses s’améliorent, ils disposent d’excellentes sociétés à forte valeur en portefeuille. La combinaison des styles « Value », « Qualité » et « Faible risque » (souvent présents dans les solutions d’investissement flexibles) permet d’attendre la fin de cette phase de marché et de préparer à la suivante.
Retour sur terre pour le style « croissance »