Croissance mondiale : la reprise se fait attendre

par Marie-Pierre Ripert, économiste chez Natixis

La reprise de la croissance mondiale se fait attendre. Elle est à nouveau reportée. Les révisions en baisse se multiplient. Même les Etats-Unis, jusqu’à présent résilients face à leur falaise budgétaire, commencent à montrer des signes d’affaiblissement. Parmi les grands pays, le Japon fait figure d’exception avec des révisions en hausse liées au changement de politiques économiques.

Depuis longtemps déjà, nous mettons en garde contre un excès d’optimisme sur les perspectives de croissance pour 2013 mais également pour 2014. Notre prudence repose sur l’idée que la croissance des pays développés continuera d’être affectée par les ajustements en cours des bilans des agents (publics et privés) et qu’il ne faut pas non plus attendre une forte reprise dans les grands pays émergents du fait de marges de manœuvre de politiques économiques limitées. Les indicateurs publiés récemment semblent aller dans notre sens.

  • Le news flow macroéconomique américain s’est révélé négatif ces dernières semaines avec la publication de plusieurs statistiques nettement en deçà des attentes (ISM, créations d’emplois, ventes au détail, confiance des ménages,…). Ainsi, après un premier trimestre encore bien orienté – le PIB progresserait de 2,9% en rythme annualisé selon nos estimations – la croissance américaine va sensiblement ralentir au deuxième trimestre sous l’effet retardé des différentes restrictions budgétaires (hausses d’impôts et coupes de dépenses « sequestration »), mettant fin à l’embellie sur le marché du travail. Le trou d’air pourrait durer deux trimestres avant un retour à une croissance proche du potentiel.
  • Les nouvelles en provenance des grands pays émergents n’ont guère été enthousiasmantes : finalement, la croissance chinoise s’est révélée plus faible que prévu au premier trimestre 2013 (7,7% sur un an) et les signes de reprise tardent à se confirmer. La Chine fait toujours face à un dilemme de politiques économiques : elle souhaite redynamiser sa croissance mais sans accentuer les déséquilibres macroéconomiques (endettement, prix immobiliers, inflation,…) et dans un contexte de transition de modèle économique, ce qui lui laisse finalement peu de marges de manœuvre. Au Brésil, les mesures en faveur de la croissance prises en 2012 n’ont pas eu l’impact escompté, la croissance restant faible. Par ailleurs, la politique monétaire se durcit pour lutter contre l’inflation.
  • En zone euro, les dernières enquêtes ne montrent aucune amélioration de la conjoncture. Comme nous le mettions en avant au cours des derniers mois1, la situation va rester difficile cette année et les perspectives de reprise pour 2014 restent bien incertaines. Les pays périphériques malgré des ajustements macroéconomiques significatifs – ils enregistrent maintenant des excédents courants – sont enfermés dans le cercle vicieux austérité/récession. Malgré un assouplissement des contraintes avec un délai accordé sur les ajustements des finances publiques, le désendettement public reste un frein à la croissance et s’opère avec difficulté étant donné les conditions de financement toujours défavorables. Parallèlement, le désendettement privé se poursuit, hypothéquant toute reprise de la demande intérieure. Certains pays misent sur une amélioration de leur compétitivité via l’ajustement à la baisse des salaires et des prix, mais c’est un processus lent et à court terme insuffisant pour tabler sur une reprise de la croissance par l’offre.

Au total, la vague de révisions à la baisse des prévisions de croissance devrait se poursuivre dans les mois qui viennent, le consensus comme les institutions internationales restant, selon nous, trop optimistes sur l’ampleur de la reprise notamment en 2014.

Dans ce contexte, les banques centrales vont rester sur le devant de la scène. Leur tâche restera ardue entre le souci de soutien à la croissance et la volonté d’éviter la montée de forts déséquilibres financiers que peut engendrer la progression de la liquidité mondiale. Aux Etats-Unis, la question des « exit strategies » qui avait refait surface depuis quelques mois pourrait laisser la place au maintien du QE3 sur une grande partie de l’année 20132. En zone euro, la BCE devrait également assouplir davantage sa politique monétaire, une baisse de taux dès la prochaine réunion début mai étant loin d’être exclue.

NOTES

  1. Cf. Edito du 15 février « zone euro : la vague de révisions en baisse va se poursuivre » et du 1er mars « le long chemin du désendettement ».
  2. CF. Edito du 1er février « Exit strategies, vous avez dit exit strategies ? ».

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