par Marie-Pierre Ripert, économiste chez Natixis
Une fois n’est pas coutume, la croissance de la zone euro est ressortie au-dessus des attentes au premier trimestre 2012. Mais ne nous y trompons pas, le PIB a stagné sur le trimestre alors qu’un recul de 0,2% T/T était anticipé… Ceci constitue toutefois une amélioration comparé à la fin d’année 2011 où le PIB avait baissé de 0,2% T/T.
Cette stagnation ne marque pourtant pas le chemin vers la reprise : la croissance de la zone euro devrait être à nouveau négative au deuxième trimestre 2012 avant de progresser très légèrement au second semestre1. Austérité budgétaire et baisse du crédit vont rester les principaux facteurs à l’origine de la faiblesse européenne.
La stabilité de la croissance dans la zone euro masque d’importantes divergences entre les différents pays de la zone. On peut classer ces derniers en trois groupes : les pays qui s’en sortent bien (l’Allemagne ou encore la Finlande), les pays qui sont sur le fil du rasoir (la France) et les pays qui restent en récession (en particulier l’Italie et l’Espagne).
– L’Allemagne, après un bref passage dans le rouge (-0,2% T/T au T4-11), enregistre une croissance de 0,5% T/T au premier trimestre et constitue le principal facteur à l’origine de la « bonne » surprise sur le PIB zone euro. La croissance Outre-Rhin a bénéficié de la reprise des exportations après le net ralentissement au second semestre 2011 mais également d’une progression de la consommation des ménages traditionnellement très faible. Rappelons que l’Allemagne se trouve dans une configuration très différente de celles des autres grands pays de la zone euro : sa croissance est en grande partie tirée par le commerce extérieur, la demande intérieure et notamment la consommation étant faibles. Le ralentissement de la croissance allemande au second semestre 2011 était principalement lié à la décélération du commerce mondial et à la faiblesse des autres pays européens. Si ce dernier point est toujours vrai, les exportations mondiales se sont retournées à la hausse début 2012. Contrairement aux autres grands pays européens, l’Allemagne ne souffre pas de l’austérité budgétaire ni de la faiblesse du crédit…
– A l’image de la zone euro dans son ensemble, la croissance française est stable au premier trimestre 2012 après avoir été légèrement positive fin 2011 (0,1%). Les dépenses de consommation progressent légèrement (0,2% T/T) mais l’investissement recule sensiblement (-0,8% T/T). La baisse de l’investissement des entreprises (-1,4%) doit être nuancée car elle intervient après une hausse exceptionnelle de 1,9% au T4-2011 (matériel de transport). En revanche, le recul de l’investissement des ménages (-0,2% T/T) s’inscrit dans une tendance plus durable de retournement du marché immobilier français2, en partie liée à la détérioration des conditions d’octroi de crédit.
– L’Espagne et l’Italie restent en récession avec des contractions du PIB de respectivement 0,3% et 0,8% T/T. Dans les deux cas, le rythme de contraction de l’activité est peu ou prou similaire à celui enregistré fin 2011. Ces deux pays souffrent de l’austérité budgétaire : l’Espagne s’est engagée à réduire son déficit à 5,3% du PIB cette année (après -8,5% en 2011) soit une réduction de trois points. L’Italie, quant à elle, a annoncé un déficit de 1,7% (après -3,9% en 2011), soit un recul de 2pts…Dans les deux cas, ces objectifs nous semblent difficilement tenables dans le contexte actuel, un dépassement par rapport à la cible nous paraît plus probable. L’Espagne et l’Italie risquent fort de rester en récession toute l’année 2012 pour ne revenir en territoire positif que début 2013. Le rythme de dégradation devrait s’accentuer au T2-2012 en Espagne3 alors qu’il devrait se réduire en Italie.
L’évolution de la croissance début 2012 reflète bien l’hétérogénéité de la zone euro qui, en l’absence de politiques coopératives, aboutit aux difficultés rencontrées actuellement par la zone. Rappelons en effet que la zone euro dans son ensemble n’a pas de problème de financement extérieur : certains pays ont un excédent courant alors que d’autres sont en déficit. Cette configuration ne poserait pas de problème si l’intégration politique permettait de compenser ces déséquilibres. En son absence, les stratégies coopératives pourraient passer par un effort des pays déficitaires (mais qui resterait supportable) accompagné de politiques plus expansionnistes dans les pays excédentaires. Or la voie aujourd’hui choisie est celle très coûteuse de l’ajustement de chaque pays pour retrouver son équilibre courant, suggérant que les écarts de croissance entre les pays vont perdurer et que le chemin de la reprise européenne risque de rester sinueux.
NOTES
- Cf. Que s’est-il passé cette semaine ? « La zone euro évite la récession ».
- Cf. Flash n°2012-199 « Immobilier France : la pie rre va-t-elle dans le mur ? »
- Cf. Que s’est-il passé cette semaine ? « Trois possibilités pour l’Espagne »