De l’intérêt des stratégies « actions protégées »

par Denis Lehman, Directeur de la gestion d’actifs valeurs mobilières Swiss Life Asset Managers France

Intégrer une stratégie dite « d’actions protégées » en portefeuille permet de limiter les pertes potentielles, en échange d’une participation moindre aux phases haussières toutefois atténuée par la vente d’options. Cette approche permet aussi d’optimiser la consommation de capital qu’« impacte » habituellement l’investissement en actions, sous la Directive Solvabilité 2.

Après une longue décennie caractérisée par des marchés boursiers tendanciellement haussiers depuis la Grande Récession de 2008, il est utile de s’interroger sur l’approche d’investissement à privilégier au sein des portefeuilles. Aujourd’hui, les conditions de marché justifient plus que jamais d’ériger en priorité la visibilité sur le profil de rendement ajusté au risque. En effet, les investisseurs doivent faire face concomitamment aux incertitudes relatives à la sortie de la crise sanitaire, au retour de l’inflation et à la rotation sectorielle boursière des derniers mois. Sans compter des niveaux de valorisation globalement élevés, comme l’illustre le P/E du S&P 500, proche de 21,5 fois les résultats attendus à 12 mois contre un ratio moyen d’environ 16,5 sur les 20 dernières années*. Ces facteurs sont de nature à favoriser un regain de volatilité.

En somme, les actions constituent toujours un actif prometteur sur un horizon de long terme, mais leur potentiel de retournement a augmenté avec le temps, après un rallye quasi ininterrompu de plus de 10 ans. En réponse à ces perspectives, les stratégies dites « d’actions protégées » semblent particulièrement indiquées pour immuniser les portefeuilles contre de possibles « drawdowns ». Ces stratégies reposent généralement sur l’intégration d’outils de couverture dynamiques (ou « overlays ») : il s’agit usuellement de recourir à l’achat d’options « put », moteur de l’amélioration du profil rendement/risque de la poche actions, et à la vente d’options permettant le financement partiel de cette protection. De plus, l’overlay assimilable à un effet cliquet permet de renouveler l’exercice d’options, afin de préserver les gains une fois qu’ils sont acquis.

Cette approche permet ainsi de limiter les pertes potentielles, en échange d’une participation moindre aux phases haussières toutefois atténuée par la vente d’options. Le résultat est un portefeuille avec un profil rendement/risque optimisé, présentant un modèle de gain asymétrique. Sur l’ensemble d’un cycle, l’objectif de telles stratégies est d’obtenir un rendement comparable à celui du marché actions, mais avec moins d’amplitude dans ses fluctuations. Il aussi possible, en complément, d’y associer d’autres méthodes de gestion du risque à l’image de la « minimum variance » ou de l’optimisation du risque, visant à réduire encore davantage l’exposition à la volatilité.

Outre son caractère « défensif », le concept des actions protégées n’est pas dénué d’intérêt d’un point de vue prudentiel pour les investisseurs institutionnels. Cette stratégie est ainsi largement adoptée par les grandes compagnies d’assurance, car elle permet d’optimiser la consommation de capital qui charge habituellement l’investissement en actions, sous la Directive Solvabilité 2. Car la couverture d’une position longue en actions par l’acquisition d’une option de vente permet à la fois de réduire le risque de perte et de limiter l’exigence de capital réglementaire (selon le ratio SCR « Solvency Capital Requirement »).

Ainsi la plus-value apportée par une stratégie d’actions protégées réside dans l’arbitrage entre le coût de la couverture, le choix de la bonne maturité, du prix d’exercice et la réduction de SCR engendrée ou souhaitée. Pour naviguer dans les eaux désormais tumultueuses de marchés actions hautement valorisés et face aux contraintes du cadre réglementaire, les investisseurs ne peuvent plus faire l’économie d’une telle réflexion. 

NOTE

*Source : Morningstar, Juin 2021