Dette et inflation, deux grandes stars mondiales

par Philippe Delienne, président de Convictions AM

Les marchés financiers ont vécu au rythme de la dramaturgie grecque tout au long du mois de juin. Le FMI et l’Union européenne ont refusé de débloquer la tranche de 12,5 milliards de prêts comprise dans le premier plan de sauvetage du pays tandis que le gouvernement grec a été contraint de faire appel à un nouveau renflouement, se trouvant dans l’incapacité de revenir sur les marché du crédit en 2012 et 2013 comme cela était initialement prévu. A partir de là les tensions se sont exacerbées.

La Banque centrale européenne a opposé un refus clair et net à tout mécanisme de sauvetage qui se traduirait par une restructuration de la dette grecque tandis que les pays d’Europe du Nord, l’Allemagne en tête, ont conditionné toute aide supplémentaire à une contribution des créanciers privés, donc des banques porteuses de titres d’emprunts grecs. Dans le même temps les agences de rating ont indiqué qu’un rééchelonnement de la dette serait assimilé à un incident de crédit et que la note de la Grèce serait abaissée au rang de défaut sélectif, une note attribuée lorsqu’un pays est en cessation de paiement.

Quant au gouvernement grec, il a été contraint d’élaborer un nouveau plan d’austérité comprenant de nouvelles mesures d’économies et un vaste programme de privatisations. Ce plan a été adopté par le parlement mais il suscite une vive opposition au sein de l’opinion publique.

Les banques européennes ont de leur côté proposé un système de roll-over sur les titres grecs qu’elles détiennent en portefeuille. Si nombre de spécialistes se demandent si le second plan de sauvetage de la Grèce sera suffisant pour ramener l’économie du pays sur le chemin de la croissance, le FMI, l’Union européenne et la BCE ont voulu à tout prix éviter un défaut du pays. Il aurait provoqué un effet de contagion au Portugal, à l’Irlande, voire à l’Espagne et à l’Italie. Dans un tel scénario c’est la zone euro même qui aurait implosé provoquant un cataclysme mondial bien supérieur à celui provoqué par la faillite de Lehman Brothers.

Mais l’Europe n’est pas le seul foyer de tensions sur les marchés. Aux Etats-Unis les négociations difficiles entre Républicains et Démocrates pour relever le plafond de la dette américaine de 2500 milliards de dollars avant la date butoir du 2 août prochain, suscitent beaucoup d’inquiétudes. En effet, si aucun compromis n’était trouvé entre les deux camps, le gouvernement fédéral se retrouverait en situation de défaut technique et sa note pourrait être très rapidement abaissée par les agences de rating.

Dans un tel contexte les marchés actions ont fortement baissé. Certains indices des pays développés, tels que l’Euro Stoxx ou le CAC 40, se sont repliés de 12% à 15% en un mois et demi. Seul le S&P 500 a montré une certaine résistance. Dans les pays émergents, les marchés actions ont aussi marqué le pas, impactés par la poursuite de l’inflation et des resserrements monétaires. Sur le marché des changes, le dollar s’est renforcé par rapport à l’euro à 1,41. 

Mais on est cependant loin de la très forte appréciation du billet vert, lors de la première crise grecque voici un an, où il s’échangeait pour 1,18 euro. Une chose est certaine désormais, le dollar ne joue plus le rôle de valeur refuge comme auparavant. Le franc suisse a pleinement bénéficié de la crise européenne tandis que l’euro n’a pas été remis en cause. La monnaie unique a aujourd’hui acquis un véritable statut de monnaie de réserve même si elle est encore loin de rivaliser avec le dollar. Les devises émergentes ont connu une correction vis-à-vis du dollar en raison du trou d’air observé sur les marchés actions et des conséquences de la dégradation de la situation économique du Japon.

Les matières premières ont connu deux vagues de baisse à commencer par le baril de pétrole. Les révisions en baisse de la croissance américaine et les craintes d’un ralentissement de l’économie chinoise ont fait chuter le prix du baril de brut qui s’est ensuite repris. Mais la décision de l’Agence Internationale de l’Energie de prélever 60 millions de barils sur les stocks stratégiques de pétrole a eu un impact important sur les cours du pétrole qui ont baissé jusqu’à 90 dollars sur le WTI et 94 dollars sur le brent avant de se réapprécier légèrement. Le prix de la tonne de cuivre s’est aussi replié sous la barre de 9000 dollars tandis que les cours des matières premières agricoles sont restés volatils.

Sur le marché des taux, les inquiétudes suscitées par l’arrêt fin juin du programme d’assouplissement quantitatif (QE2) aux Etats-Unis n’ont pas engendré une hausse des rendements sur les bons du Trésor, le président de la Reserve Fédérale Ben Bernanke ayant réussi à catalyser les anticipations de hausse des taux. Comme durant le mois précédent les taux allemands se sont détendus.

Les rendements des taux grecs sont toujours à des niveaux stratosphériques de près de 30% à 2 ans et plus de 20% à 5 ans. L’Espagne pour sa part n’a pas franchi la barre fatidique des 6% de rendement pour les emprunts à 10 ans. La crise des pays périphériques a en effet démontré que dès que ce seuil de rémunération était atteint ou franchi, il s’ensuivait une crise de confiance dans la solidité du pays et un emballement sur les rendements des obligations souveraines.