par Philippe Ithurbide, Directeur Recherche, Stratégie et Analyse
Les mois se suivent et se ressemblent pour ce qui concerne la dette souveraine euro. Les périodes d’accalmie cèdent rapidement la place à des phases de crise aiguë, et à des tentatives d’apaisement initiées par des mesures et déclarations des officiels européens. Rien de bien nouveau depuis maintenant plus de deux ans.
Ce qui frappe désormais, c’est également le clivage qui existe entre les anticipations de marché et les discours officiels. Les opérateurs de marché ont tendance à privilégier un scénario de restructuration plutôt rapide de la dette grecque, alors que les seconds mettent l’accent sur la possibilité d’éviter un tel événement. Un clivage banal parce qu’habituel, diront certains, mais on ne peut qu’être frappé par la virulence des propos des banquiers centraux et officiels de gouvernements qui – pas tous cependant – voient dans une restructuration de la dette grecque un « scénario de l’horreur » (Ch. Noyer), un «scénario catastrophe pour la zone euro ».
Pourquoi une telle virulence ? Certes, il y va de leur crédibilité et de celle des mécanismes mis en place pour éviter une restructuration, il y va aussi de la crédibilité de la zone euro … mais plus que cela, c’est de risques de contagion dont il s’agit. Les craintes de voir la crise se propager vers des pays comme l’Espagne et l’Italie dominent.
Les systèmes bancaires restent une préoccupation centrale pour les gouvernements et banquiers centraux. Il faut dire que la performance de ce secteur est encore très intimement liée à celle des souverains correspondants, et que la situation que nous avons connue lors des tout derniers trimestres n’est pas en leur faveur. Nous montrons que l’impact d’une restructuration avec décote reste gérable quand il s’agit des périphériques tels que la Grèce, l’Irlande ou même le Portugal, mais que cela devient vite un risque systémique pour peu que cela concerne également de grands pays comme l’Espagne et l’Italie. A la lumière de ces résultats, on comprend mieux pourquoi gouvernements et banquiers centraux feront tout pour circonscrire le problème aux trois premiers pays, mais on comprend mieux aussi l’urgence de régler les difficultés de ces pays.
Le resserrement des spreads observé ces derniers mois est impressionnant, et ce sont les financières qui restent les plus rentables de l’univers des obligations Investment Grade. Autrement dit, les valorisations actuelles ne reflètent pas de scénario de risques liés aux événements extrêmes dans le domaine de la dette souveraine, mais plutôt une issue plus favorable sur les marchés à court terme.
L’observation des spreads de crédit souverains montre que les anticipations de marché restent encore extrêmement réservées. Le plan de sauvetage en faveur de la Grèce ne se traduit pas par un repli des taux et des écarts de crédit. Par rapport au début du mois de mai, les spreads se sont de nouveau élargis. Par exemple, sur le secteur 10 ans, le spread grec a progressé de 150 points de base, le spread portugais de plus de 100 points de base, et le spread espagnol de plus de 50 points de base. Au total, les taux 10 ans grecs se situent à près de 16%, et le 2 ans dépasse désormais la barre des 25%.
En ce qui concerne le Japon, on ne parle pas encore de véritable cycle haussier. La révision en baisse de la croissance pour 2011 a une nouvelle fois montré la fragilité de l’économie et le caractère structurel de la catastrophe qui a frappé le Nord-Est de l’île. Cela ne remet pas en cause les bonnes perspectives de l’économie, mais cela aura lieu plus tard que prévu, c’est-à-dire en 2012. En attendant, ruptures d’approvisionnement et difficultés à exporter vont demeurer des préoccupations importantes. Nous avons ainsi révisé à la baisse les prévisions de croissance du PIB pour 2011 (-0,7% au lieu de +0,7%) et pour 2012 (2,5% vs 2,8%).
Sur le marché des changes, à l’instar du franc suisse, les devises nordiques ont fait preuve d’une belle performance depuis quelque temps. Les couronnes norvégienne et suédoise ont retrouvé leurs niveaux d’avant-crise, et leur appréciation devrait se poursuivre. Parmi les facteurs porteurs, nous avons retenu plus spécialement une conjoncture économique plus favorable que celle de la zone euro d’une part, mais aussi une politique monétaire plus agressive d’autre part … deux gages d’appréciation à venir.