par Caroline Newhouse-Cohen, économiste chez BNP Paribas
L'intégration européenne n'a jamais été un long fleuve tranquille, et c'est souvent à l’occasion de crises que les avancées les plus significatives ont été obtenues. La date du 28 novembre 2010 aura ainsi marqué une étape. Elle ne restera pas seulement celle du déclenchement de l’aide à l’Irlande. Elle consacre aussi le principe, jusqu’alors exclu par les traités, d’assistance financière mutuelle au sein de l’Union. C’est le Mécanisme européen de Stabilité (MES) sur lequel l’Eurogroupe est parvenu à s’entendre et qui se substituera au Fonds européen de Stabilisation financière (FESF) à expiration de ce dernier, mi- 2013. Le MES sera pérenne, aura la même dotation en capital que son prédécesseur, et octroiera des crédits selon les mêmes conditions strictes que celles du FESF.
Il pourra aussi, le cas échéant, impliquer le secteur privé. A expiration du FESF, après 2013, les nouvelles émissions d’obligations d’Etat comporteront, en effet, des « clauses d’action collective » permettant à une majorité de créanciers (70%) de décider des mesures à prendre en cas de difficultés financières d’un Etat. Leur participation ne sera pas requise automatiquement mais seulement au « cas par cas ».
La réaction des marchés a été mitigée, le rendement des obligations d’États « périphériques » de la zone euro finissant tout de même par baisser en fin de semaine (voir notre première page ainsi que la revue des marchés). La détente la plus significative a été enregistrée sur la dette du Portugal, où le parlement vient d’adopter un plan de consolidation budgétaire d’une rigueur sans précédent. Il porte sur EUR 5 milliards d’économies financées pour deux tiers par des coupes budgétaires et pour un tiers par des augmentations de recettes fiscales (une hausse de 2 points du taux de TVA à 23%, entre autres). Le déficit public devrait ainsi être ramené de 7,3% du PIB cette année à 4,6% en 2011, mais probablement au prix d’un retour en récession.
La correction à la baisse des rendements obligataires est également à mettre au compte de la réunion de la BCE. En effet, les marchés financiers attendaient le maintien, voire l’extension, des mesures non conventionnelles mises en place pendant la crise. La Banque centrale a annoncé le prolongement de ses opérations de prêts à taux fixe et en quantité illimitée au moins jusqu’à la fin du premier trimestre 2011. Par ailleurs, le Président Trichet a signalé un recours accrû au Programme du marché des valeurs de la BCE (Security Market Program ou SMP), remis à l’honneur, en octobre dernier. En novembre, les autorités monétaires ont racheté pour environ EUR 4 milliards de titres de dette souveraine sur le marché secondaire. Au total, ses achats se montent à 67 milliards depuis mai 2010. Enfin, la BCE a publié ses nouvelles projections en matière d’inflation (1,8% en moyenne en 2011) et de croissance (à 1,4% pour 2011), laissant ainsi entendre qu’il n’y aurait pas de hausse des taux l’année prochaine.