Economie américaine : ajustements et trajectoires

par Phlippe Waechter, Directeur recherche économique de Natixis Asset Management

Au sein de l’économie globale, les États-Unis apparaissent comme un élément apportant une certaine stabilité même si leur croissance reste modeste.

Généralement, dans une période de reprise de l’activité consécutive à une récession, les rebonds sont nettement plus marqués. On peut donc s’attendre à ce que l’économie américaine se recale sur une trajectoire de croissance robuste et proche de 3 % en moyenne.

Dans la période de post-récession actuelle, la reprise a été modérée et n’a engendré ni accélération de l’activité, ni convergence vers une trajectoire haute en raison de la nature du choc subi.

  • Une crise financière telle qu’observée aux États-Unis à partir de 2007 est toujours très longue à se résorber. En cela, elle ne peut se comparer à une récession liée à un choc de matières premières puisqu’elle altère les comportements dans la durée. La dette privée accumulée doit se résorber. Cela prend du temps et oblige à des réallocations de ressources. Cette dynamique allonge le temps de la reprise.
  • Dans ce contexte de reprise modérée après une crise financière, l’État fédéral joue un rôle majeur pour tenter de compenser les modifications de comportement des acteurs privés, tels que les consommateurs. Au moment du choc de 2008, il a ainsi laissé filer son déficit public ce qui a engendré une hausse spectaculaire de la dette publique.

Cet arbitrage n’a pas été remis en question depuis 2008. En témoigne le solde budgétaire pour l’année fiscale octobre 2011 / septembre 2012 qui s’inscrit à – 7 % du PIB, ainsi que le ratio de dette publique sur PIB voisin de 100 % (102 % à fin juin 2012).

Deux obstacles à une reprise rapide

  • La durée longue de l’ajustement face à une crise financière implique une croissance modérée sans que les instruments habituels de la politique économique permettent de retrouver une trajectoire plus robuste, préalable à une dynamique plus vigoureuse sur l’activité et l’emploi. La politique budgétaire fédérale très accommodante n’a pas réussi à créer de décalage salvateur.
  • L’endettement des ménages se réduit et celui des entreprises se stabilise, mais celui de l’État progresse rapidement. La hausse de l’endettement de l’État correspond à une mutualisation des risques pris par le passé. L’État accepte de s’endetter pour que les autres acteurs de l’économie puissent se désendetter et son intervention permet de modifier les profils de risque. Cela devrait permettre aux ménages de retrouver progressivement des marges de manœuvre et cela sera d’autant plus perceptible que le marché immobilier, la contrepartie majeure de leur endettement, retrouve une allure plus positive.

La banque centrale américaine va également, par des opérations “non orthodoxes”, prendre la dette publique à sa charge et émettra de la liquidité en contrepartie.

Cela permet de “lisser” la dette dans le temps afin qu’elle pénalise le moins possible l’instant présent, mais sa résorption va prendre du temps.

Premiers signes d’amélioration ?

Certains ajustements semblent s’achever comme dans le cas du marché immobilier. Depuis fin 2006, ce marché était en effet en difficulté et pénalisait les ménages dont la maison reste le principal bien patrimonial. Ces derniers avaient des engagements financiers élevés et la valeur de leur contrepartie était en berne.

Mais la crise de l’immobilier s’estompe : la construction de maisons avait tellement reculé que les stocks de logements disponibles se sont réduits face à la croissance de la population et qu’il faut de nouveau construire. Le patrimoine des ménages devrait donc se revaloriser avec, à terme, un impact positif sur la consommation des ménages et donc un retour de l’incitation à investir du côté des entreprises.

Elles avaient en effet réduit leurs investissements depuis le printemps compte tenu de la dégradation de l’environnement international. Et si la dynamique interne se renforce outre-Atlantique via la consommation et le marché immobilier, les entreprises pourraient être encouragées à investir de nouveau pour solidifier cette phase d’expansion.

Nouveaux choix pour un modèle de croissance redéfini

De nouveaux choix plus structurels émergent au sein de l’économie américaine. On a ainsi noté que le terme de “ré-industrialisation” était évoqué de façon récurrente aux États-Unis en mettant l’accent sur la baisse des coûts de l’énergie via l’utilisation du gaz de schiste. Cette ressource énergétique très bon marche redonne de la compétitivité à plusieurs segments de l’industrie américaine, puisque, dans ce secteur, ce type de coût est essentiel au développement. Les entreprises devraient donc privilégier une dynamique interne qui sera in fine créatrice d’emploi.

Les États-Unis se positionnent ainsi selon un modèle de croissance un peu différent visant à retrouver de l’autonomie sans pour autant remettre la globalisation en cause. Pour disposer d’une croissance robuste, forte et durable, il faut en effet être capable d’être autonome dans ses choix. C’est la voie choisie outre-Atlantique même si cela peut être problématique, à moyen terme, sur le plan écologique.

Conclusion

L’économie américaine prend le temps de s’ajuster à un environnement nouveau alors même qu’elle aurait pu adopter une cadence plus soutenue pour retrouver plus rapidement une croissance vigoureuse. Elle a fait le choix de s’inscrire dans une dynamique certes longue, mais sans choc, qui a permis de définir un modèle de croissance plus autonome.

À l’Europe de trouver désormais sa propre trajectoire de croissance afin de retrouver une dynamique de l’emploi plus satisfaisante à terme.