Economie mondiale : d’un bon pas, plus ou moins cadencé

par Philippe d’Arvisenet, Chef économiste de BNP Paribas

Crise de la dette souveraine en Europe, chômage aux Etats-Unis, « guerre des monnaies » : les sujets d’inquiétude qui alimentent le débat économique du moment sont nombreux et en feraient presque oublier la robustesse des indicateurs de conjoncture. Ceux-ci permettent de repousser l’idée d’un double dip aux Etats-Unis et annoncent, avec certes des divergences marquées, une bonne résistance de l’activité en Europe.

Les pays émergents ont renoué avec une croissance très soutenue. A l’inverse des pays avancés, ceux qui ont connu une récession en 2009 ont tous retrouvé, début 2010, leur niveau d’activité pré-crise. Pour nombre d’entre eux, la lutte contre les tensions inflationnistes est devenue la priorité. En Chine, par exemple, où l’inflation atteint 4,4%, où l’augmentation des prix alimentaires dépasse les 10% et où de fortes tensions se développent sur les prix de l’immobilier, les autorités procèdent à des relèvements des coefficients de réserves obligatoires et à des hausses de taux d’intérêt.

L’activité économique mondiale est soutenue, le FMI attend une croissance du PIB de 4,8% en 2010 et de 4,2% en 2011, après une contraction de 0,6% en 2009.

La croissance attendue dans les pays avancés ressort à 2,2% en 2011 après 2,7% en 2010, et un repli de 3,2% en 2009. Le rythme de la reprise est affecté dans certains pays, au premier rang desquels les Etats-Unis, par une correction des excès d’endettement privés qui n’est pas encore arrivée à son terme et, dans la plupart des pays d’Europe, par la mise en œuvre de mesures destinées à consolider les finances publiques.

Les pays émergents, affectés en 2009 par la contraction du commerce mondial et par les effets de la montée de l’aversion au risque sur les mouvements de capitaux, bénéficient aujourd’hui à plein du redressement des échanges (+11,4% après -11% en 2009). Leur croissance est attendue à 7,1% en 2010 et 6,4% en 2011, contre 2,5% en 2009. Leur situation budgétaire, avec un déficit moyen de 3,7% en 2010, tranche nettement avec celle des pays avancés (8%).

Cette situation financière favorable s’ajoute aux performances de croissance et à l’abondance de liquidité dans les pays avancés (le « quantitative easing ») pour stimuler les entrées de capitaux. Les flux nets entrants dans les pays émergents, passés d’un record de USD 696 milliards en 2007 à USD 184,4 milliards en 2008, devraient atteindre environ USD 340 milliards en 2010, montant qui dépasse déjà nettement la moyenne de la première moitié des années 2000. Cela n’a pas manqué d’entraîner des pressions haussières sur les monnaies des pays émergents et de comprimer les rendements obligataires devenus en moyenne bien inférieurs à ceux des pays périphériques de la zone euro. Les entrées de capitaux et les excédents courants, joints à des politiques visant à freiner ou empêcher l’appréciation des monnaies, conduisent à de nouvelles hausses des réserves officielles dans les paysémergents (+12,2% attendus en 2010 à USD 6194,4 milliards). Cela alimente la liquidité et par là, également, la hausse des prix d’actifs. La résorption des déséquilibres mondiaux de paiements, qui avaient accompagné la récession, avec notamment un déficit courant américain passé de 6% du PIB en 2006 à 2,7% en 2009, apparaît désormais terminée.

Dans un contexte marqué par l’abondance d’épargne au plan mondial (21,8% du PIB en 2009, 23% en 2010, 23,8% en 2011 selon les projections du FMI), par la persistance d’un taux de chômage élevé (5,4% avant la récession, 8% en 2009, 8,3% en 2010) qui pèse sur les salaires et contribue au recul des coûts unitaires du travail (progressant de 0,2% en 2007 mais de 5,8% en 2009, ils se replient de 3,6% en 2010), et par le maintien d’output gap négatifs (-5,1% en 2009, -3,6 en 2010 et -2,6% en 2011 selon l’OCDE), le risque inflationniste paraît très éloigné. La hausse des prix est attendue à 1,1% en 2010 et à 1,3% en 2011 dans les pays avancés.

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