par Alexandre Baradez, Responsable de l’analyse marchés chez IG France
Depuis quelques jours, la résilience des publications macro américaines et notamment celles concernant l’emploi n’entraîne pas d’enthousiasme sur les marchés. Pourquoi ?
L’explication se trouve probablement du côté des anticipations de marché concernant les baisses de taux. Car si l’on remonte quelques mois en arrière, ce sont les signes de ralentissement du marché de l’emploi qui avaient poussé la Fed à « pivoter » sur sa politique monétaire, dans le cadre de son double mandat Emploi-Inflation. La légère remontée du taux de chômage, les créations d’emplois moins nombreuses mais également la progression moins forte des salaires avaient poussé la Fed à assouplir sa communication dans un premier temps, avant la première baisse de taux en septembre.
Oui mais voilà, depuis plusieurs semaines les chiffres de l’emploi publiés montrent une forme de résilience : les inscriptions hebdomadaires au chômage sont retombées la semaine dernière à leur plus bas niveau en 4 mois et même si le chiffre du jour est légèrement supérieur aux attentes (225k vs 220k), il reste relativement bas.
Même constat pour les demandes continues d’allocation chômage : après une hausse courant de l’été, elles sont retombées depuis trois semaines sur les niveaux de juin. Sans oublier le chiffre JOLTS (emplois disponibles) qui est ressorti au-dessus des attentes mardi.
Même s’il faudra attendre vendredi le rapport sur l’emploi pour avoir une vision plus complète, cette résilience des dernières données publiées entraîne un rebond des taux américains et du dollar.
Hier soir, Thomas Barkin de la Fed de Richmond a tenu des propos sans équivoque : « je suis plus préoccupé par l’inflation que par le marché du travail », ajoutant qu’il ne parlait pas de « résurgence majeure » mais que le « risque de rester collé est très réel » et qu’il y avait « des pressions qui nous freinent dans la réalisation du dernier kilomètre ».
Une position claire qui rappelle que la Fed a un double mandat et que la lutte contre l’inflation n’est pas encore gagnée même s’il elle a fait beaucoup de progrès.
Il y a quelques jours, Jerome Powell lui-même déclarait que « le marché de l’emploi pourrait donner une meilleure image en temps réel, de l’état de l’économie, que le PIB ».
Cette résilience de l’emploi pourrait être interprétée par le marché, à court-terme, comme une situation de « good news is bad news » car elle peut repousser les anticipations de baisse de taux.
On rappelle que même si la Fed ne projette « que » deux baisses de taux de 25 bps d’ici la fin d’année, le marché anticipe plutôt 75 bps (donc une réunion où il y aurait 50 bps et une autre 25 bps). Pour résumer, le marché anticipe plus de baisses de taux que la Fed elle-même, ce qui a pu favoriser l’atteinte de nouveaux records sur le SP500 ou encore le Dow Jones.
Si le marché révise à la baisse ses anticipations face à la résilience des données sur l’emploi, cela pourrait être un vent contraire pour les actions pendant quelques temps, dans un contexte où la géopolitique pèse aussi sur le sentiment. Le VIX a refait une incursion au-dessus de 20 ce matin…à suivre.