Encore des raisons d’espérer

par Benjamin Melman, CIO chez Edmond de Rothschild Asset 

Plus on avance dans ce cycle, plus les marchés d’actions atteignent de nouveaux plus hauts et plus les facteurs de risque émergent. Nous sommes convaincus qu’il est encore trop tôt pour réduire nos expositions aux risques dans les portefeuilles, d’autant plus qu’il reste potentiellement quelques bonnes surprises encore devant nous.

Un certain nombre d’éléments plaident pour le maintien de marchés bien orientés ces prochaines semaines. D’une part, les politiques monétaires restent très laxistes et la liquidité abondante. Par ailleurs, les résultats des entreprises du deuxième trimestre aux États-Unis et en Europe ont été d’excellente facture, donnant davantage d’assise aux niveaux des places boursières. Globalement, les entreprises ont très bien géré la remontée des coûts de production et nombreuses sont celles qui affichent de solides perspectives. Les opérations de M&A s’envolent.

Enfin, un certain nombre de médicaments (hors vaccins) potentiellement prometteurs pour traiter la Covid-19 sont actuellement en phase 3. Il va de soi qu’une nouvelle approche pour traiter le virus aurait des conséquences très favorables quant aux perspectives. On ne saurait donc ex- clure des annonces d’ici la fin de l’année qui permettraient de faire progresser le traitement de la Covid-19 et donc de réduire son impact. En parallèle, le consensus forgé récemment entre Démocrates de la chambre des Représentants sur les deux grands plans de relance (infrastructures, mesures sociales) est une avancée, rappelant que probablement au quatrième trimestre, une majorité politique pourrait se dégager sur des mesures durables et ambitieuses de relance aux États-Unis.

Les deux principaux facteurs de risque

  • Accentuation du découplage entre la Chine et le reste du monde

La persistance du ralentissement chinois et surtout la cohorte de mesures visant à accentuer la répression réglementaire dans plusieurs secteurs (éducation, valeurs internet, santé, immobilier, gaming, spiritueux probablement prochainement) contrastent singulièrement avec le reste du monde et ont eu un impact bien plus marqué sur les valeurs chinoises offshores que les valeurs onshores. Les marchés mondiaux, quant à eux, ont commencé à se sentir davantage concernés dès que la lutte contre les inégalités a été rappelée comme objectif prioritaire, certains secteurs comme le luxe ayant pratiquement subi une correction. Toutefois, l’impact de cette évolution chinoise sur l’économie et les marchés mondiaux reste à ce stade modéré.

Prises individuellement, beaucoup de ces nouvelles mesures s’inspirent des meilleures pratiques anti-trust ou de RGPD, d’autres comme sur l’éducation sont toutefois plus politiques et arbitraires. Mais le rythme invraisemblable de ces réformes, la façon dont elles ont été annoncées comme la capacité de l’Administration à briser de façon arbitraire le business model de grandes entreprises sans préalable, le plus souvent des entités détenues en grande majorité par des non-résidents, inquiètent.

Pourquoi autant, pourquoi parfois si brutalement, pourquoi maintenant ? À l’heure où le contenu du “XI-ism” pose de nombreuses questions, les dernières nouvelles ne sont pas toutes univoques. Ainsi, le régulateur chinois devrait prochainement proposer à ses homologues américains une solution pour que les entreprises chinoises cotées aux États-Unis (ADR) puissent avoir des mesures d’audit des comptes respectant les contraintes des deux pays. Le sujet est politiquement très sensible et laisse à penser que le Gouvernement chinois souhaite finalement que des entreprises puissent continuer à se coter à l’étranger dans un cadre plus stable, un élément rassurant s’il venait à être confirmé.

Nous estimons qu’une prime de risque politique est désormais intégrée sur le marché chinois. Nous avons mis un terme à notre surpondération sur ce marché il y a un mois, prenant acte de la perte de visibilité. Les actions chinoises offshores offrent aujourd’hui une véritable décote dont le potentiel pourrait se libérer si la nouvelle stratégie chinoise offrait davantage de visibilité et de sta- bilité. Quant au ralentissement chinois, les déclarations de la banque centrale de Pékin s’inquiétant du ralentissement du crédit et témoignant de la volonté de le stabiliser ou de le faire repartir vont dans la bonne direction. La Chine reste malgré tout un risque à surveiller non seulement pour les actions locales mais aussi plus globalement pour les marchés mondiaux. Pour ces derniers, entre la vigueur de la reprise des pays développés et la manifeste prise de conscience des autorités que le ralentissement a été trop loin, ce risque semble à ce stade sous contrôle.

  • Tapering

L’annonce à Jackson Hole par le Gouverneur de la Fed que le tapering devrait commencer d’ici la fin de l’année a été très bien reçue par les investisseurs qui avaient largement été préparés en amont à une telle annonce. La volonté de la banque centrale de déconnecter tapering et cycle de resserrement monétaire semble appréciée. Si le timing se précise, beaucoup des modalités du tapering restent encore à déterminer. Malgré tout, le risque d’un « taper tantrum » comme celui connu en 2013 est pratiquement écarté. Le seul précédent historique rappelle qu’une fois passé l’effet d’annonce, l’effet négatif du tapering a été

observé (notamment via les spreads de crédit) lors de sa mise en œuvre. Autrement dit, nous pensons que le tapering sera un facteur négatif pour les marchés mais seulement l’année prochaine.

Dans notre allocation d’actifs, au-delà de la neutralisation des actions chinoises, nous avons remonté le poids des emprunts d’État américains. Maintenant que la pré-annonce du tapering s’est produite, les risques nous semblent désormais beaucoup plus symétriques pour la classes d’actifs.