par Florian Roger, Responsable Macroéconomie, Stratégie et Recherche économique chez Amundi
« Une augmentation du taux de TVA de 3 points ne dégrade pas la dynamique de consommation. » C’est le message que délivre implicitement le gouvernement espagnol dans ses prévisions de croissance 2013. Après une baisse de la consommation de -1,9% en 2012, il ne prévoit qu’une contraction des dépenses des ménages de -1,4% en 2013. Nous ne partageons pas un tel optimisme.
Le relèvement du taux de TVA opéré en septembre 2012 (3 points pour le régime général et 2 points pour le régime réduit) a amputé le pouvoir d’achat des ménages alors que celui-ci était déjà extrêmement déprimé. L’inflation a accéléré à +3,5% en octobre alors qu’elle se situait autour +2% durant l’été. Elle est ensuite ressortie à +2,9% en novembre et décembre. L’envolée du taux de chômage, qui a atteint 26,02% fin décembre, n’a pas permis que les employés puissent négocier des augmentations de salaire pour compenser la hausse des prix. Au contraire, les salaires nominaux s’inscrivent désormais en baisse (- 0,6% pour le revenu salarial par tête fin 2012). En conséquence, le revenu réel des ménages (tenant compte de l’emploi) s’inscrit en baisse de 6,7% sur un an fin 2012 !
Désormais, l’épargne et les transferts des régions amortiront moins bien les chocs
En considérant l’ensemble de l’année 2012, la baisse du revenu réel des ménages a été en moyenne de -4,9%, tandis que la consommation a baissé de -1,9%. Selon la Banque d’Espagne, cette relative résistance des dépenses des ménages s’explique par la poursuite de la diminution du taux d’épargne. Ce dernier a baissé de 2,2 points en 2012, atteignant 8,8% du revenu disponible. En cumulé, le recul du taux d’épargne s’élève à 9% sur trois ans et le niveau actuel est le plus faible constaté depuis le début des années 2000. L’effort de désépargne a donc été substantiel, transitant notamment par des transferts familiaux (le chômage extrêmement élevé des jeunes – plus de 55% pour les moins de 25 ans – accentuant leur dépendance). Le potentiel d’ajustement supplémentaire paraît dorénavant nettement plus limité, d’autant que la réforme amorcée sur les retraites devrait inciter les ménages à conserver plus d’épargne de précaution.
Par ailleurs, les régions disposeront de moins de latitude pour soutenir la consommation via des prestations sociales. Elles doivent en effet réduire leur déficit budgétaire en cumulé de 2,6% du PIB sur les exercices 2012-2013. De telles économies, d’un montant total de 22,7 Mds €, leur imposent un effort drastique puisqu’il représente près de 10% de leur budget.
Si la diminution du taux d’épargne et les transferts des régions peuvent moins jouer un rôle d’amortisseur, la dynamique de consommation devrait davantage dépendre de l’évolution du pouvoir d’achat des ménages. Or, sur ce front, nous escomptons peu d’amélioration par rapport aux données très dégradées de fin 2012.
Vers un recul du pouvoir d’achat d’environ 6,5% en 2013
Selon nos estimations, l’inflation ne devrait que modérément refluer au S1 2013 et rester au-dessus de 2,5%. Son recul ne s’accentuera qu’au S2 2013 (l’inflation tombant vers +1% en fin d’année 2013) lorsque les effets de base seront absorbés et lorsque la diffusion du choc de TVA sur la chaîne des prix sera complètement achevée. Parallèlement, les salaires nominaux devraient poursuivre leur dynamique baissière. Les indicateurs avancés ne signalent en effet aucune inflexion sur le marché du travail et les perspectives de revenu. Les enquêtes de confiance des ménages, réalisées par la Commission européenne, mesurant les perspectives d’emploi et de revenu à 12 mois continuent ainsi de se dégrader. Si l’emploi poursuit sa baisse au rythme actuel (-4,5% sur un an fin 2012), le taux de chômage atteindra 28% fin 2013. Le revenu réel des ménages subira alors un recul de -6,5% environ en moyenne sur l’année.
Une diminution de la consommation de -3% semble le meilleur résultat que l’on puisse escompter face à de tels fondamentaux, en prenant l’hypothèse que les ménages vont encore puiser davantage dans leur épargne – avec une baisse à hauteur de 1% de leur taux d’épargne environ – et que le résidu calculé entre revenu réel et consommation – provenant vraisemblablement d’activités non déclarées – va continuer d’augmenter.
Dans ce contexte, où la demande devrait reculer de façon marquée en 2013 et où les conditions de crédit des banques restent tendues malgré l’assouplissement réalisé par la BCE (cf. dernière enquête de la BCE et de la Banque d’Espagne sur les conditions de crédit), les entreprises devraient couper leurs investissements. A l’instar de la Commission européenne, nous prévoyons une baisse de la formation brute de capital fixe de près de 6% en 2013.
Au final, nous anticipons une contribution négative de la demande domestique de –5% en 2013. Son impact sera alors largement supérieur au rebond anticipé des exportations nettes (contribution de +3%). En conclusion, si l’Espagne réalise incontestablement des efforts pour améliorer sa compétitivité et assainir ses comptes publics, cela va fortement déprimer sa demande domestique en 2013. Les dernières données publiées (baisse du PIB de -0,7% au T4 2012) nous conduisent à réviser notre prévision de croissance 2013 de -1,8% à -2%. Nous restons donc beaucoup plus pessimistes que le gouvernement (-0,5%) et dans une moindre mesure que le consensus (-1,6%), estimant que ce dernier n’a pas encore pris la mesure du choc que devrait connaître la consommation des ménages espagnols suite au durcissement de fiscalité opéré.