par Ken Van Weyenberg, Investment Specialist chez Dexia Asset Management
Une embellie manifeste du climat économique, une stabilisation de la crise des dettes dans la zone euro et la persistance d'une politique monétaire conciliante ont été à l'origine d'un fort rebond des actions. Pour l'investisseur à long terme qui est passé à côté de la relance actuelle, il n'est toutefois pas encore trop tard pour monter dans le train.
Voici plus d'un an, en août 2012, nous déclarions que si un investisseur à long terme entrait sur le marché des actions à ce moment-là, il n'aurait pas à s’en plaindre quelques années plus tard. Quelques 14 mois plus tard, le bilan est positif. Tant aux États-Unis qu'en Europe, les marchés ont enregistré une forte progression. Depuis le 23 août 2013, le S&P 500 américain a rebondi d'à peine moins de 14% et le Stoxx Europe 600 européen s'est même envolé de pratiquement 20% (en date du 23 octobre 2013).
Malgré cette solide phase de relance dans les marchés, on n'observe pas encore d'optimisme exagéré et bon nombre d'investisseurs n'ont pas encore repris le chemin des marchés actions. À court terme, les marchés doivent lever une multitude d'incertitudes, au nombre desquelles le timing du retrait progressif du programme d'assouplissement de la Réserve fédérale, les débats concernant le budget aux États-Unis et les négociations relatives à un accroissement du plafond de la dette (qui devraient à nouveau être à l’ordre du jour début 2014), la période des résultats du troisième trimestre et les risques politiques en Italie. Ces incertitudes et une volatilité éventuellement un peu plus marquée en octobre sont cependant autant d'opportunités pour l'investisseur à long terme qui n'a pas encore pris le train en marche.
Une relance économique synchronisée
Le climat économique mondial est clairement en voie de rétablissement. Même si le Fonds monétaire international a légèrement revu à la baisse ses perspectives, les chiffres de croissance prévus sont rassurants. Le FMI table, pour cette année, sur une croissance de l'économie mondiale tout juste inférieure à 3 %, et quelque peu supérieure à 3,5 % en 2014. La relance économique mondiale est un premier facteur plaidant en faveur des marchés des actions.
Un deuxième élément est le fait que la relance économique soit observée dans toutes les grandes économies. La croissance économique américaine tourne autour des 2,5 % au deuxième trimestre et des indicateurs avancés tels que l'indice d'activité composite du secteur industriel et des services aux États-Unis (ISM Composite) montre que la relance se poursuivra lors des prochains trimestres. Le FMI se montre encore relativement prudent envers les États-Unis pour 2013, mais anticipe une accélération significative de la croissance de la plus grande économique mondiale pour l'année prochaine.
La zone euro montre elle aussi clairement des signes de reprise. Au deuxième trimestre, l'économie s'est extirpée d'une récession qui a tenaillé la région pendant pas moins de six trimestres consécutifs. Et même dans les pays de la périphérie, on parle peu à peu de stabilisation. À en croire l'indice de sentiment économique de la Commission européenne, la zone euro pourrait renouer avec une croissance de 1 % en 2014.
De son côté, la croissance chinoise reprend également vigueur progressivement. Pour le deuxième mois consécutif, l'indice d'activité du secteur industriel a dépassé les 50, le seuil qui sépare la croissance de la contraction. Même si le leader des pays émergents peine à faire la transition d'une économie axée sur les exportations vers une économie reposant de plus en plus sur la consommation intérieure, la dynamique de croissance reste inchangée. Il est incontestable que la Chine atteindra son objectif de croissance de 7,5 % cette année aussi.
La hausse des taux positive pour les actions
La relance économique mondiale a incité la Réserve fédérale à réfléchir au programme de rachats en cours visant à apporter un ballon d'oxygène à l'économie. Étant donné que la croissance économique américaine se dirige vers une relance durable et autosuffisante, la poursuite du programme semble moins évidente. La Banque centrale américaine a dès lors mis les marchés une première fois sous pression en annonçant une réduction du programme de relance, ce qui a provoqué une forte hausse des taux à long terme aussi bien aux États-Unis qu'en Allemagne. Le calme est quelque peu revenu en septembre quand son président, Ben Bernanke, a annoncé le report de la réduction escomptée de l'assouplissement quantitatif pour cause de hausse trop soutenue des taux et de son impact potentiel sur la relance du marché de l'immobilier, et du faible taux d'inflation. Un report n'est toutefois pas une suppression et même si une réduction de ce programme n'intervient pas à court terme, le mouvement haussier des taux ne cessera pas comme ça, vu la qualité des résultats économiques.
À court terme, le risque d'une suppression définitive de l'assouplissement quantitatif engendre un léger regain d'incertitude et de volatilité dans les marchés obligataires et des actions. A plus long terme, il ne faut néanmoins pas exclure la poursuite de la hausse des taux à long terme. Un contexte de taux haussiers combiné à une inflation sous contrôle sont des éléments favorables pour les marchés actions. Hormis en 1994 (krach obligataire), les marchés des actions se comportent généralement bien dans un environnement de taux haussiers.
Persistance d'une politique monétaire accommodante
Comme cela a déjà été dit, la réduction prévue du programme d'assouplissement quantitatif de la Réserve fédérale constitue un risque à court terme majeur pour les marchés actions. Ce qui est toutefois moins le cas sur le plus long terme. Alors qu'elle pourrait réduire ses rachats de 10 milliards de dollars par mois, la Réserve fédérale maintiendra sa politique monétaire conciliante. En Europe aussi, entres autres facteurs, les taux se maintiendront à de faibles niveaux sur une plus longue période, soutenant l'économie et les marchés. Au Japon, la Banque centrale vient tout juste de démarrer son ambitieux programme de relance. Elle entend ainsi stimuler la croissance économique, affaiblir le yen japonais et créer de l'inflation. Le bilan de la Banque centrale va sensiblement s'alourdir suite notamment au rachat d'obligations publiques japonaises à un rythme annuel de 50 000 milliards de yens. Par conséquent, la politique monétaire accommodante persistera sur une plus longue période dans les différentes régions.
Une valorisation encore et toujours attractive
Par ailleurs, la valorisation à long terme des marchés actions est encore et toujours attractive, tant en termes absolus qu'en comparaison avec d'autres catégories d'actifs. L'environnement de faibles taux persistant montre que les obligations d’État mais aussi celles des entreprises sont devenues moins intéressantes. Les obligations souveraines, en particulier, présentent un risque baissier supérieur à la possibilité d'un rendement attractif. Même après la récente hausse de taux, le rendement moyen des dividendes, que ce soit aux États-Unis ou en Europe, est largement supérieur au taux d'intérêt sur les titres publics et sur les émissions d'entreprise (obligations d'entreprise "investment grade").
Les actions affichent aussi une valorisation qui demeure relativement attrayante en termes absolus. Actuellement, la cotation du MSCI World s'inscrit dans le droit fil du rapport moyen cours/bénéfice depuis le début 2007. Autrement dit, la valorisation n'est absolument pas excessive pour l'instant et offre encore du potentiel haussier, surtout si la relance économique mondiale se poursuit et si les bénéfices d'exploitation suivent la relance.
Préférez la zone euro aux Etats-Unis
Préférez les actions européennes aux actions américaines
En dépit de la valorisation relativement attractive des marchés des actions, il importe toutefois d'opérer une distinction entre les différentes régions. Ainsi, nous avons actuellement une nette préférence pour le marché européen par rapport à son homologue l'américain. Les actions européennes sont intéressantes pour trois motifs différents :
1. Dynamique économique
Ces derniers mois, la dynamique économique a considérablement progressé tant dans la zone euro qu'aux États-Unis, où elle se situe à un bon niveau. Le marché a toutefois déjà tenu compte d'une croissance économique modérée couplée à une possibilité de légère accélération l'année prochaine. La zone euro, par contre, s'extirpe peu à peu de la récession. La poursuite de la relance économique contraindrait de très nombreux macroéconomistes à revoir leurs perspectives de croissance à la hausse.
2. Valorisation
Même si les États-Unis conservent une valorisation attrayante sur le long terme (le rapport cours/bénéfice actuel est encore et toujours largement inférieur à la moyenne à long terme depuis 1991), le potentiel de l'Europe est sensiblement supérieur. C'est certainement le cas si l'on tient compte d'un rapport cours/bénéfice adapté aux cycles économiques. En prenant ainsi en considération la croissance économique moyenne des dix dernières années, il apparaît que celle des États-Unis est conforme à la moyenne à long terme, tandis que l'Europe doit encore effectuer un important mouvement de rattrapage.
3. Inversion de la dynamique bénéficiaire comme catalyseur
Les marchés européens pourraient en outre profiter d'une inversion de la dynamique bénéficiaire. Jusqu'à présent, les analystes revoient encore à la baisse leurs prévisions bénéficiaires pour l'Europe. La croissance bénéficiaire escomptée des entreprises européennes est extrêmement basse actuellement et pourrait être relevée en cas de poursuite de la relance économique. Nous constatons de surcroît que les prévisions bénéficiaires des analystes sont trop pessimistes en phase de relance économique, ce qui accroît les chances de surprises positives et pourrait soutenir les marchés européens.
Conclusion
Sur le plus long terme, les marchés actions ont encore un potentiel considérable. Aux États-Unis, le S&P 500 a déjà dépassé son plus haut niveau de 2007. La tendance à long terme demeurera positive aussi longtemps que l'indice se maintiendra au-dessus de ses sommets de 2000 et 2007. En Europe, la situation est légèrement différente. La tendance à long terme est clairement positive et le potentiel haussier est nettement supérieur à celui des États-Unis. Le Stoxx Europe 600 se situe encore environ 30 % en deçà de son sommet de 2007.
Les marchés actions demeurent attractifs, alors que la grande rotation en termes d'allocation d'actifs (des obligations vers les actions) doit encore débuter. Nous croyons au potentiel à long terme des marchés actions, mais tenons également compte des risques à court et moyen terme. Le rebond traditionnel de fin d'année pourrait être interrompu temporairement au début de l'année prochaine. L’arrêt définitif du programme d'assouplissement quantitatif, pourrait exercer une certaine pression sur les marchés au début de l'année prochaine. Des opportunités d'achat pourraient dès lors se présenter à l'investisseur à long terme.