par Hélène Baudchon et Laure Nguyen, économistes au Crédit Agricole
- Les Minutes du FOMC du 15 mars confirment la séparation en deux camps des membres de la Fed, les « prudents » d’un côté, les « impatients » de l’autre.
- Net repli en mars de l’enquête ISM sur le climat des affaires auprès des secteurs non manufacturiers.
- Cinquième hausse mensuelle consécutive pour le crédit à la consommation.
On retiendra des Minutes du FOMC du 15 mars trois messages. Tout d’abord que la croissance se raffermit et que la Fed juge les risques étonnamment équilibrés (les risques baissiers nous paraissent dominer largement). Ensuite, le débat se fait plus animé entre le camp des « prudents », les plus nombreux, et les « impatients ».
Les prudents (dont nous sommes) se gardent d’être trop optimistes sur la croissance observée, compte tenu des multiples chocs et jugent les pressions inflationnistes contenues. La politique monétaire peut donc être prolongée en l’état au-delà de 2011. Pour les impatients, les bénéfices du QE sont incertains et la taille du bilan de la Fed fait peser des risques excessivement haussiers sur l’inflation. Ils sont donc partisans d’une politique monétaire moins accommodante dès cette année (interruption avant date du QE2 et hausse de taux). Le troisième message concerne les anticipations d’inflation et rappelle une évidence (mais c’est un passage obligé pour les Banques centrales) : elles restent relativement bien ancrées, mais elles vont faire l’objet d’une surveillance étroite. Tout signe de dérapage précipitera la stratégie de sortie de la Fed.
Tout en restant largement en zone d’expansion, l’enquête ISM sur le climat des affaires dans les secteurs non manufacturiers a accusé en mars sa plus forte baisse depuis novembre 2008 (passant de 59,7 à 57,3). L’ensemble des principales composantes ont fléchi, avec en tête la production (chute de 7,2 points). Plus étonnant, l’emploi a baissé, certes de façon moins prononcée (2,1 points), mais ce malgré l’amélioration constatée des créations d’emplois sur la période. Depuis mi-2009, on constate néanmoins que les résultats de l’enquête soient généralement moins bons que les chiffres officiels. Cette enquête, bien que décevante, ne vient pas changer fondamentalement la donne. Elle reflète de façon retardée le ralentissement des ventes au détail pendant l’hiver dû aux conditions climatiques particulièrement rudes. Cependant, la dynamique depuis le début d’année de la composante « nouvelles commandes », ainsi que l’amélioration des exportations (+2,5 points) attestent d’un renforcement de la demande adressée de bon augure pour la suite.
Le crédit à la consommation des ménages a progressé pour le cinquième mois de suite en février (hausse de l’encours de 7,6 milliards de dollars sur le mois et de 25 milliards en cumulé). Sa baisse sur un an est désormais inférieure à 1%. Le crédit revolving continue toutefois de se contracter au mois le mois et accuse encore une baisse significative en glissement annuel (-6,2%), attestant de la difficulté et probablement aussi de la réticence des ménages à se ré-endetter. Le crédit non-revolving (plus facile à obtenir en général) s’est en revanche bien redressé et affiche une hausse de 2,3% sur un an, tirée par le crédit auto (ce qui est cohérent avec les ventes) et aussi par le crédit étudiant. La situation encore difficile du marché du travail peut, en effet, encourager certains Américains à prolonger, voire reprendre leurs études. Globalement, ces chiffres attestent, petit à petit, du desserrement des conditions d’octroi de crédit joint à un redémarrage de la demande, tous deux facteurs d’un renforcement de la reprise.