par Alexandra Estiot, économiste chez BNP Paribas
• Après une probable contraction au premier trimestre, l’activité a entamé le T2 à vitesse modérée. Le secteur manufacturier renoue peu à peu avec la confiance après avoir pâti de la grève des dockers de la côte ouest et de ses répercussions sur la chaîne d’approvisionnement.
• La croissance pourrait rester faible au deuxième trimestre : les évolutions passées des prix du pétrole et du dollar continuent de contraindre l’activité. Il faudra attendre le second semestre pour l‘accélération.
La deuxième estimation de la croissance au premier trimestre sera publiée la semaine prochaine. Il faut s’attendre à des révisions à la baisse, indiquant très probablement une contraction de l’activité. Le ralentissement a-t-il été artificiellement aggravé par une saisonnalité résiduelle ou était-il imputable à la météo hivernale et aux grèves des dockers ? Le débat n’est pas encore tranché mais une chose est sûre : ce dernier facteur a incontestablement pesé sur l’activité comme le montre les flux commerciaux, en particulier entre les Etats- Unis et les pays du bassin pacifique. Quoi qu’il en soit, le rebond se fait attendre. En avril, les ventes de détail étaient étales : les ventes d’automobiles et de carburant étaient en baisse et, hors éléments volatils, elles n’ont progressé que de 0,1%. Si les ventes de détail hors éléments volatils augmentaient de 0,2% m/m en mai et en juin – moyenne mensuelle sur les douze derniers mois – leur croissance trimestrielle annualisée serait limitée à 1,8%, un rebond très limité après un repli de 0,5% au T1 2015. Avec par ailleurs le rebond de l’inflation, l’augmentation des ventes en volume pourrait en fait avoir marqué le pas entre le premier et le deuxième trimestre.
La production industrielle a été encore plus décevante, avec une cinquième baisse mensuelle consécutive en avril, portant le taux de croissance annualisé sur 3 mois à -2,4%, la pire performance depuis août 2009. La production minière et de matières premières a été particulièrement touchée, mais le secteur manufacturier n’est pas vraiment dynamique : après deux reculs d’affilée en janvier et en février, la production manufacturière n’a regagné que 0,3% en mars pour rester inchangée en avril. Le ralentissement de la production pourrait être dû en partie au blocage des importations de matières premières et produits intermédiaires suite au mouvement de grève des dockers de la côte ouest. Il semble également que la chute des cours du pétrole – qui connaît actuellement une correction – pèse sur le secteur des équipements industriels. Enfin, l’envolée du dollar depuis l’été dernier a lourdement pénalisé les exportations.
Cependant, comme le montrent les enquêtes réalisées dans l’industrie manufacturière, la production pourrait avoir touché un point bas. Si, l’ISM national est resté inchangé entre mars et avril (51,5), le rebond de certaines composantes est rassurant. L’indice de la production a progressé de 2,2 points (à 56) et les nouvelles commandes de 1,7 point (à 53,5), avec un rebond des nouvelles commandes à l’exportation (à 51,5, contre 48,5 en moyenne sur les trois mois précédents). Enfin, les stocks sont particulièrement bas, avec un repli de l’indice à 44, de quoi stimuler la production dans les mois à venir. En mai, les enquêtes régionales annoncent une amélioration. Notre Indice NEM (somme pondérée des données d’enquêtes des Feds de New-York et de Philadelphie) a regagné 1,1 point à 52,5, avec une progression particulièrement forte des nouvelles commandes. L’autre raison de ne pas céder à une inquiétude excessive est la tendance observée dans l’industrie non- manufacturière. Dans ce secteur, l’ISM ressort à 57,8, avec un indice d’activité à plus de 60 et des nouvelles commandes proches de ce niveau et une composante emploi à 56,7 en avril. Dans le secteur de la construction, le rebond du mois d’avril a été assez prononcé, avec une progression à deux chiffres des mises en chantier et des permis de construire (respectivement, +20,2% et +10,1%, m/m). Pour les deux séries, la moyenne sur 12 mois est à présent à son plus haut niveau depuis l’été 2008.
En résumé, la faiblesse du premier trimestre se confirme tandis que le rebond devrait rester modeste au T2. Pour autant, il n’y a aucune raison de penser que le trou d’air est appelé à durer. Comme le montre la tendance des stocks, le secteur des entreprises a rapidement adapté la production aux ventes, évitant une suraccumulation des stocks. Les ratios stocks-ventes, qui s’étaient nettement détériorés depuis l’été dernier, se sont récemment stabilisés : les stocks ont ralenti et les ventes accéléré. Autre bonne nouvelle, la situation du marché du travail ne cesse de s’améliorer. Certes, le mois de mars n’était pas bon avec 85 000 créations de postes seulement. Mais peut-être faut-il y voir une conséquence de la météo hivernale, le repli ayant été particulièrement sensible dans l’hôtellerie et la construction. En avril, les créations d’emplois ont renoué avec leur précédente tendance, soit plus de 200 000 en moyenne. De bonnes nouvelles pour les perspectives de consommation…. en attendant une accélération des salaires !