Etats-Unis : les bénéfices malgré le doute

Par Franz Wenzel et Charles Dautresme, stratégistes chez Axa IM

  • Les bénéfices des entreprises américaines devraient continuer de progresser en 2011, mais à un rythme moins soutenu de 10%.
  • Nous nous attendons donc à davantage de révisions à la baisse des prévisions de croissance des bénéfices des entreprises, toutefois à un rythme modéré.
  • Dans ce contexte, nous réitérons notre credo, à savoir que le marché offre des valorisations attrayantes.
  • Bien que de nombreux secteurs affichent des rentabilités proches de leur pic, les secteurs cycliques n’en sont pas encore à ce point. Ceci est corroboré par diverses mesures de valorisation. Par conséquent, nous suggérons d’adopter un biais cyclique avec une préférence pour les valeurs industrielles.

 

Nous avons toujours pensé que l’année 2010 serait marquée par une forte reprise de la croissance des bénéfices. A l’aube de la saison des résultats du troisième trimestre, malgré des données économiques plus faibles que prévu au troisième trimestre, nous maintenons ce scénario. Au niveau des valeurs présentes dans l’indice S&P 500, nous pensons qu’un bénéfice net par action de 83US$ semble une hypothèse trop conservatrice, en raison de forts gains de productivité, constituant un élément clef de la progression des bénéfices dans les mois à venir. Nous admettons toutefois que les effets positifs des gains de productivité sont d’ores et déjà en train de s’estomper. En effet, la croissance des bénéfices 2010 fait déjà partie du passé. Les marchés se focalisent sur les évènements à venir, alors que les attentes en termes de croissance des bénéfices ont déjà été révisées à la baisse en raison de l’incertitude pesant sur la croissance économique. 

Des attentes implicites conservatrices…

La croissance des bénéfices aux Etats-Unis a clairement été revue à la baisse. Aujourd’hui, les analystes s’attendent à une croissance 2011 des bénéfices des entreprises non-financières de l’ordre de 12%, comparé à un peu plus de 16% au début de l’année 2010. Il est évident qu’une partie de ce ralentissement est liée à un effet de base (une croissance significativement plus élevée que prévue en 2010). La croissance du chiffre d’affaire est désormais l’élément clef de la progression des bénéfices.

A l’heure actuelle, les analystes tablent sur une reprise de la croissance des ventes de 6,5% et à une progression des marges mesurée par le ratio EBITDA/Chiffre d’affaire (CA) à près de 19%. Alors que l’évolution des marges nous semble relativement optimiste, les attentes en matière de progression des ventes nous semblent quant à elles relativement prudentes et pourraient, une fois les incertitudes économiques dissipées, surprendre positivement, car la croissance des ventes est clairement liée à l’environnement économique.

Cette transition implique que les investisseurs devraient s’attendre à davantage de révisions en baisse des profits à court terme car le premier élément clef de la reprise de la croissance bénéficiaire (la productivité) perd de sa vigueur alors que le second (la croissance des ventes) vient juste de faire ressentir ses effets.

Malgré les incertitudes qui pèsent à court terme, nous pensons que la croissance mondiale devrait être de l’ordre de 3,5% (de 5 à 6% en terme nominal). En effet la demande est fortement soutenue par la croissance des pays émergents et par la reprise de la demande des entreprises. Ainsi, les entreprises disposent de liquidités extrêmement abondantes et doivent au minimum accélérer le remplacement des capacités productives existantes pour accroître leur productivité.

… des valorisations attrayantes

Pourquoi nous concentrons-nous sur les bénéfices ? La réponse est simple: les analystes surestiment la croissance réelle des bénéfices. Bien que nous admettions que les analystes surestiment plus ou moins la croissance des bénéfices en fonction du cycle économique, nous pensons que les prévisions actuelles sont pourtant très proches de celles qui devraient se réaliser.

Avec un PE historique de 14,5x, le marché américain se négocie dans le bas de sa fourchette de valorisation de 2004 à 2006, mais également par rapport au début des années 90 ou même des années 70. Cependant nous restons convaincus que pour l’année 2011, avec des bénéfices de 85-90US$, le multiple est bien plus proche de 13 et, par conséquent, bien en deçà de sa moyenne de long-terme, qui se situe à 15x. La valorisation actuelle implique une baisse de 10% des bénéfices 2011 à 70- 75US$ (bénéfice net par action du S&P 500). Cette opinion est corroborée par le ratio PEG, qui compare le PE à la croissance annualisée sur trois ans des bénéfices. Actuellement le PEG américain se situe à 1x contre une moyenne historique de 1,5x.

Secteurs : réconcilier les marges et les valorisations

Une appréciation des marchés dans leur ensemble est certes importante, mais qu’en est-il des secteurs ? Les marges de certains secteurs ont déjà atteint leurs précédents points hauts. Le secteur de la santé, par exemple, n’a jamais eu de marges aussi élevées au cours des trente dernières années, à 19,9% de marge EBITDA/CA, contre une moyenne de long terme de 16%. Le secteur de la santé bénéficie des synergies générées par les fusions passées, ayant réduit de manière considérable les effectifs de leurs forces de vente. A l’avenir, nous envisageons une érosion des marges de ce secteur, qui vient d’entrer dans la phase d’expiration de la plupart de ses médicaments phares. 

Le secteur des technologies de l’information avec un ratio EBITDA/CA de 22% se classe second en terme de marge, également significativement au dessus de sa marge de long terme. Nous ne pensons pas qu’elle reste à des niveaux aussi élevés. Ce secteur est un des premiers à bénéficier de la reprise de l’économie mais il est également un des premiers à pâtir de son ralentissement.

Le secteur industriel est celui dont la marge est la moins élevée du marché, atteignant à peine sa moyenne de long terme. Par conséquent, il devrait toujours bénéficier des perspectives d’amélioration des gains de productivité ainsi que de la reprise des investissements. 

Le PEG, un instrument de valorisation plus exhaustif (il compare le PE historique à la croissance des bénéfices sur 18 mois et 3 ans), conforte notre opinion que seuls les secteurs cycliques classiques ont un PEG bien en deçà de 1 et, par conséquent, offrent une valorisation attrayante. De plus, ils sont bien en deçà de leur moyenne de long terme.

Enfin le ratio upgrade/downgrade (révisions à la hausse / révisons à la baisse) pour le marché d’actions américain est tombé juste en dessous de1, indiquant que les analystes ont commencé à réduire leurs attentes de croissance bénéficiaire pour 2011 et continueront dans les mois à venir. Au niveau sectoriel il n’est pas surprenant que la plupart des secteurs affichent un ratio en deçà de 1. Actuellement, il n’y a que trois secteurs qui affichent un tel ratio au-dessus de 1 : consommation cyclique, technologie de l’information et valeurs industrielles. Mais le nombre de révisions à la hausse des prévisions de profits par rapport à celles à la baisse est en diminution depuis trois mois. Par conséquent, même ces secteurs ne sont pas à l’abri de plus de révisions en baisse qu’en hausse avant la fin de l’année.

Conclusions : achat sur repli

Nous restons confiants dans la progression des bénéfices, grâce aux gains de productivité et, de manière plus importante, à la situation économique mondiale. Dans ce contexte, nous pensons que les valorisations américaines sont attrayantes et devraient offrir des rendements intéressants pour les investisseurs de long terme. Au niveau sectoriel, nous pensons que les secteurs cycliques ont un potentiel de croissance malgré leur surperformance depuis ce début d’année. La combinaison d’une faible expansion des marges et de bonnes perspectives de progression des bénéfices devraient être d’un fort soutien pour les valeurs industrielles.