par Laurent Berrebi, directeur des études économiques de Groupama AM
Le retour de la croissance en T3, qui devrait être entre 2 et 3%, après -1% en T2, provient essentiellement des soutiens de l’État à l’économie : aides à l’automobile, réductions fiscales sur un achat immobilier, dépenses publiques dans le secteur de la construction. Il sera aussi le résultat de l’arrêt de la contribution négative du déstockage, et du retour de l’investissement de productivité à la suite de la bonne tenue des profits en T2.
Cependant, les problèmes bilanciels demeurent. En dépit de conditions de crédit moins difficiles, les spreads, toujours à des niveaux très élevés, rendent insupportable pour les entreprises le poids d’une dette toujours plus forte qui représente près de 110% de leur valeur ajoutée et l’accès au crédit bancaire reste quasiment fermé pour les PME.
Les entreprises vont alors poursuivre la réduction de la masse salariale : la hausse marquée du chômage et des suppressions d’emplois au rythme de 250 000 par mois dégraderont davantage la solvabilité des ménages. Le crédit aux ménages n’est alors pas prêt de repartir, notamment dapns l’immobilier résidentiel où l’éclaircie actuelle devrait prendre fin en novembre avec l’extinction des avantages fiscaux.
L’absence de résurrection du marché du crédit bancaire, la disparition des effets favorables de la baisse des prix de l’énergie, l’insolvabilité des agents privés, la poursuite des pressions sur la masse salariale sont autant de facteurs favorables à une déflation en 2010.
Zone euro : sans résurrection du marché du crédit, la déflation sera inévitable
Le PIB a baissé de 0,1% seulement après -2,5% en T1 2009. L’activité s’est développée en France et en Allemagne (+0,3%) où la prime à la casse dans le secteur automobile a gonflé la consommation, mais s’est réduite dans tous les autres pays : Espagne (-1,1%), Italie (-0,5%), petits pays de la zone euro (-0,5%), comme au Royaume-Uni (-0,7%).
Le PIB devrait être stable au S2. La contribution des stocks devrait être faiblement négative après avoir réduit la croissance de près de 0,7 point sur les deux trimestres précédents et la contribution de l’extérieur, légèrement positive. En revanche, l’investissement des entreprises continuerait de baisser en raison des surcapacités structurelles et de la baisse des profits, alors que la consommation serait au mieux stable, affectée par la dégradation du marché de l’emploi.
D’une manière générale, la demande intérieure va continuer à souffrir d’un crédit bancaire toujours comateux. Des conditions de crédit toujours difficiles, des spreads sur les crédits bancaires très élevés, une solvabilité inquiétante des emprunteurs sont autant de facteurs susceptibles de déclencher un réel credit crunch dans certains pays. Les pressions déflationnistes s’amplifient alors dangereusement : le déflateur du PIB se contracte pour l’ensemble de la zone euro et les prix à la consommation hors énergie et hors alimentation ralentissent partout et baissent même dans les pays comme l’Espagne et l’Irlande.
Japon : une déflation persistante, tout retour à une croissance durable semble exclu
Le PIB a affiché une hausse de 0,6% en T2, après -3,8% en T1, grâce à la demande extérieure et à la hausse de 0,8% de la consommation, soutenue par le recul de l’inflation et les aides publiques en faveur de l’achat d’automobiles. Le PIB devrait afficher une croissance positive jusqu’à la fin de l’année grâce aux exportations, notamment dans le secteur automobile.
Cependant, les stocks, qui commencent à peine de baisser en T2, retirant 0,8 point de croissance, devraient encore handicaper l’activité et l’investissement des entreprises devrait toujours se réduire, affecté par les surcapacités et la rentabilité dégradée des entreprises. Enfin, la consommation devrait finir par pâtir de la hausse record du chômage qui atteint 5,8% de la population active en juillet et de l’effondrement des rémunérations, bonus inclus, de 4,8% en juillet sur un an. Au total, le Japon n’est pas prêt de sortir d’une déflation profonde, qui s’intensifie sous la pression concurrentielle étrangère bénéficiant de la force du yen. Le taux d’inflation annuel était de -1,6% en août à Tokyo et de -1,1% pour l’inflation sous-jacente (hors énergie et alimentation). Dans un tel climat social dégradé, les Japonais ont mis fin à cinquante-quatre ans de règne du parti conservateurs (PLD). Le parti d’opposition PDJ a été élu sur la base d’un programme mettant l’accent sur la correction des disparités sociales et la relance économique par la consommation.