Etats-Unis : A vos marques, prêts, coupez !

par Alexandra Estiot, économiste chez BNP Paribas

La révision de la croissance du PIB au dernier trimestre de l’année a été plus limitée que nous le pensions, et principalement le fruit d’une contribution positive du commerce extérieur (révisée de -0,3 point à +0,2), la demande intérieure finale du secteur privé n’étant que marginalement révisée (à +3,2%, contre +3,1% en première estimation).

Pour l’année 2012 dans son ensemble, la croissance aura donc été de 2,2% après 1,8% en 2011, avec une décomposition des composantes assez semblable d’une année sur l’autre: demande finale des entreprises et des ménages en hausse de 3% (après 3,1%), recul des dépenses publiques (-1,7% après -3,1%), et faibles contributions des stocks et du commerce extérieur (respectivement +0,1 et 0,0, contre -0,2 et +0,1 en 2011). Le détail montre, toutefois, une croissance des dépenses des ménages moins soutenue par la consommation avec une reprise de l’investissement résidentiel.

Entre 2006 et 2011, l’investissement résidentiel avait reculé chaque année mais, en 2012, il a enfin rebondi, de 12,1%. Sa contribution à la croissance demeure pourtant très limitée (0,1 point en 2012). Le recul constant des dernières années a, en effet, fait reculer la part de ces dépenses dans le PIB d’un point haut de 6,1% en 2005 à moins de 2,5% en 2011. Les ventes de logements neufs en janvier, ainsi que les prix de l’immobilier en décembre, ont confirmé l’embellie dans le secteur de la construction résidentielle. Les premières ont progressé de plus de 15% m/m et de presque 30% en glissement annuel, amenant les ventes à leur plus haut depuis l’été 2008. Le rapport du nombre de biens en vente au nombre de biens vendus sur le mois est en recul marqué, à 4,1 en janvier, contre 5,3 un an plus tôt et 7,3 au début de 2011. En résumé, l’offre excédentaire recule, alors que la demande gagne en dynamisme marqué, et les prix repartent à la hausse. L’indice S&P/Case-Shiller pour les vingt premières agglomérations est en hausse continue depuis la mi-2012, mais le rythme s’est nettement accéléré en fin d’année, avec un glissement annuel de 6,8% en décembre.

Les membres de la Fed veulent voir dans cette évolution récente les effets positifs de leur politique monétaire. Ainsi, lors de ses interventions au Congrès, Ben Bernanke a-t-il souligné que “En particulier, des taux d’intérêt très bas ont soutenu une reprise sur les marché de l’immobilier résidentiel et à une augmentation des ventes et de la production d’automobiles et autres biens durables“. Les avantages de l’assouplissement quantitatif sont donc clairs, alors que leurs coûts potentiels le sont moins et ne frapperaient que dans un futur plus ou moins lointain. Ces risques inhérents (un décrochage des anticipations d’inflation, une mauvaise évaluation des risques par les agents privés du fait de la faiblesse des taux d’intérêt qui pourrait conduire à une instabilité financière) sont surveillés de près par la Fed et restent actuellement limités au regard des avantages de QE3. En résumé, Ben Bernanke a une fois de plus déclaré que la Fed n’entendait pas changer de si tôt l’orientation de sa politique.

Il a également souligné le fait que la Fed n’est pas toute puissante, en rappelant l’un des principes de base de la politique économique, à savoir que la politique budgétaire a un rôle essentiel à jouer. Comme l’avait souligné Janet Yellen il y a quelques semaines, l’actuelle reprise a été très différente des phases de rebond habituelles, notamment, car deux composantes qui soutiennent généralement la croissance ont cette fois pesé sur celle-ci : l’investissement résidentiel et les finances publiques. Au lendemain de la crise, les Etats et collectivités locales, face à des déficits « hors la loi » ont dû réduire leurs dépenses et augmenter leurs impôts. Ainsi, les comptes nationaux montrent un recul de leurs dépenses de successivement 1,8%, 3,4% et 1,4% entre 2010 et 2012. Après un soutien massif de l’Etat fédéral entre 2008 et 2010, ce dernier aussi a commencé à couper dans les dépenses, avec un recul (au sens des comptes nationaux) des dépenses de 2,8% et de 2,2% en 2011 et 2012.

Ce rappel de Ben Bernanke, est venu quelques jours avant l’entrée en vigueur des coupes automatiques de dépenses de l’Etat fédéral. Ces baisses automatiques, the sequester, décidées dans le cadre du relèvement du plafond de la dette à l’été 2011, visent à réduire les dépenses de USD 1 200 mds sur dix ans, une première moitié pesant sur le Département de la Défense et une seconde sur les autres dépenses discrétionnaires de l’Etat. Chaque année, il va donc falloir réduire chacun de ces deux postes d’un peu plus de USD 54 mds. Pour l’exercice budgétaire en cours (commencé le 1er octobre dernier et courant jusqu’au 30septembre prochain), la réduction est moindre car n’intervenant que sur les sept derniers mois seulement, mais représente un total de USD 85 mds, soit 0,5 point de PIB.

Les coupes vont être systématiques, avec des baisses de 7,6% ou de 8,2% sur chaque ligne budgétaire. Le consensus contre ces baisses automatiques est quasi général, mais le jeu politique étant ce qu’il est, aucune des différentes propositions visant à les modifier n’a pu être adoptée par le Congrès. Pourtant, il ne faut pas surestimer l’importance de cette question, car d’ici à la fin du mois, le Congrès doit voter une loi de financement de l’Etat pour la fin de l’exercice budgétaire. Un exercice, certes compliqué, mais qui pourrait aussi permettre de modifier les coupes automatiques par des baisses de dépenses mieux ciblées, et pourquoi pas une augmentation des recettes. Par ailleurs, si le grippage inhérent à la mise en œuvre des coupes automatiques des dépenses est indéniable, il ne s’agira pas d’un blocage pur et simple du jour au lendemain. La date du 27 mars est, à cet égard, bien plus cruciale (voir EcoWeek du 8 février, « De la fiscalité américaine : Cliff, Fix et Fight. »).

 

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