Zone euro : le long chemin du désendettement

par Marie-Pierre Ripert, économiste chez Natixis

La zone euro a enregistré une forte hausse de son endettement au cours des années 2000. Ce sont, dans un premier temps, les agents privés qui se sont fortement endettés jusqu’en 2008 avec un taux d’endettement en pourcentage du PIB passant de 105% en 2000 à environ 136% en 2009. Tant les ménages que les entreprises non financières ont contribué à cette hausse.

Pendant cette période, le taux d’endettement des administrations publiques a eu tendance à légèrement baisser avec les contraintes sur les finances publiques imposées par le Traité de Maastricht. La crise économique et financière de 2008 a mis un terme à la hausse des taux d’endettement privés mais ce sont ensuite les Etats qui ont pris le relais en mettant en place des politiques budgétaires expansionnistes de façon à soutenir la croissance. Les taux d’endettement publics ont alors sensiblement progressé conduisant à la crise des dettes souveraines, obligeant plusieurs pays de la zone euro à se désendetter. Le désendettement des agents privés a commencé mais le désendettement public n’est guère visible, malgré les politiques budgétaires d’austérité en raison de la faiblesse de la croissance.

Si l’endettement n’est pas un problème en soi – il est même indispensable pour pouvoir investir- la solvabilité des agents reste la question centrale. Or elle peut fluctuer au cours du temps en fonction de l’évolution des revenus et des taux d’intérêt.

La baisse du taux d’endettement peut s’obtenir par différents canaux :

  • La contraction du crédit : le moyen le plus simple est de réduire le crédit mais cela a un effet récessif sur l’activité. Dans le cas d’un état, cela passe par une forte réduction du déficit public et donc une politique budgétaire restrictive.
  • • La baisse des taux d’intérêt : la banque centrale peut intervenir pour faire baisser les taux d’intérêt et ainsi réduire les charges de la dette de l’état ou des agents. Cependant, les canaux de transmission de la politique monétaire peuvent être inopérants, ce qui est le cas actuellement dans la zone euro. Les taux fixés par la Banque Centrale Européenne sont très bas, mais les pays périphériques continuent de se financer à des taux relativement élevés et les banques n’ont guère assoupli leurs conditions de financement.
  • • La progression de la croissance en volume : une croissance dynamique permet la baisse des taux d’endettement mais il n’est pas toujours évident de stimuler sa croissance, surtout dans les périodes de désendettement…
  • • L’inflation : la progression de l’inflation et des revenus permet de faire diminuer les taux d’endettement. L’inflation favorise les débiteurs et en revanche pénalise les créditeurs. L’inconvénient est la perte de confiance dans la monnaie et donc la perte de crédibilité de la banque centrale dont le mandat en général est la stabilité des prix.
  • • Le défaut sur une partie de la dette : lorsqu’un agent devient vraiment insolvable, l’effacement d’une partie de la dette devient l’ultime moyen pour pouvoir s’en sortir. La conséquence est la perte de confiance des investisseurs qui implique l’impossibilité de se ré-endetter à court terme pour un agent privé et une forte hausse de la prime de risque payé pour un état.

Quelles sont aujourd’hui les possibilités pour les pays de la zone euro ? Si les voies pour abaisser les taux d’endettement sont diverses, elles ne sont pas nécessairement accessibles.

Dans l’environnement actuel, il semble en effet assez difficile de stimuler la croissance réelle. Par ailleurs, le défaut sur les dettes doit rester le moyen ultime pour retrouver la solvabilité. Pour autant, on a bien vu que malgré la réticence des états européens, la Grèce a fait défaut sur une partie de sa dette.

La Banque Centrale Européenne pourrait contribuer à faire baisser les taux d’endettement en utilisant des outils non conventionnels pour faire décroitre les taux d’intérêt notamment des pays périphériques, mais elle n’a pas le droit de monétiser les dettes publiques. Par ailleurs, elle pourrait également accepter une inflation plus élevée mais c’est totalement contraire à son objectif principal de stabilité des prix. Or, elle ne veut pas déroger à son orthodoxie monétaire.

Au total, il ne reste guère d’autre instrument que celui de réduire le niveau de dette : la contraction du crédit et la réduction des déficits publics restent les voies privilégiées. Or ce sont évidemment des voies très longues et très couteuses en termes de croissance.

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