Exit strategies, vous avez dit exit strategies ?

par Marie-Pierre Ripert, économiste chez Natixis

Le débat sur les stratégies de sortie (« exit strategies ») des politiques monétaires à taux 0 et des politiques non conventionnelles refait régulièrement surface depuis le début de la crise financière de 2008. Chaque tentative en ce sens dans le passé a toujours été suivie par un retournement vers davantage d’expansionnisme des politiques monétaires. Qu’en penser cette fois-ci ?

Plusieurs facteurs ont contribué au retour de ce débat. Tout d’abord, la publication des Minutes du FOMC du 12 décembre, révélant que quelques membres du Comité pensaient qu’un arrêt des achats de titres par la Fed serait nécessaire bien avant la fin de l’année 2013, a été l’élément déclenchant. De plus, M. Draghi a créé la surprise début janvier en servant un discours relativement optimiste sur la zone euro, refermant ainsi la porte à une baisse de taux, qu’il avait lui-même ouverte début décembre.

Par ailleurs, les remboursements des VLTRO des banques ont atteint 137Md€ le 30 janvier ce qui réduit d’autant le bilan de la BCE. Enfin, la probabilité de la demande d’aide de l’Espagne au MES qui enclencherait les achats de titres par la BCE a nettement baissé en janvier avec la poursuite de la détente des taux périphériques et la bonne tenue des adjudications espagnoles. Tous ces facteurs marquent-ils le début d’un changement de tendance des politiques monétaires ?

Nous ne croyons pas que 2013 sera l’année des exit strategies, que ce soit aux Etats-Unis comme dans la zone euro, la principale raison étant les évolutions attendues des taux de chômage (cf. graphique). La divergence entre les deux zones est spectaculaire et va continuer de se renforcer mais ne devrait pourtant pas conduire la Fed à un changement de cap rapidement, sans parler de la zone euro.

Malgré notre relatif optimisme sur les perspectives à moyen terme de l’économie américaine1, la conjoncture va vraisemblablement se dégrader à court terme avec l’effet des hausses d’impôts sur les ménages en particulier. Si nous ne pensons pas que ces dernières sont susceptibles de faire dérailler l’économie américaine, il faut malgré tout s’attendre à un trou d’air au premier trimestre 2013. Par ailleurs, les projections de la Fed nous semblent toujours beaucoup trop élevées, aussi bien à horizon fin 2013 (2,3%/3% en GA) que fin 2014 (3%/3,5%). Ainsi, un arrêt des achats de titres par la Fed bien avant la fin de l’année (cet été ?) nous semble prématuré, l’amélioration du marché du travail dans les six prochains mois restant limitée (taux de chômage à 7,7% vs 7,9% en janvier). En revanche, elle pourrait en diminuer le montant mensuel, en se refocalisant sur les titres du Trésor si les critiques sur la hausse de son bilan devenaient trop importantes. Concernant l’objectif des Fed funds, si l’on croit que la Fed observera la règle nouvellement adoptée, une hausse de taux ne nous semble guère envisageable avant 2015, le taux de chômage restant supérieur à 6,5% en 2013/2014.

En zone euro, les projections de croissance de la BCE ne sont guère différentes des nôtres pour 2013 (-0,3% BCE vs -0,5% Natixis) mais elles le sont fortement pour 2014 (1,2% vs 0,5%). Nous restons donc beaucoup plus négatifs sur la dynamique de la sortie de récession de la zone euro. Si aujourd’hui la probabilité d’une baisse de taux est inférieure à 50%, il est loin d’être exclu que cette possibilité de rendre les conditions monétaires plus accommodantes ne refasse surface dans les mois qui viennent. En tout cas, avec la persistance de la hausse du taux de chômage dans la zone, jusqu’en 2014, il semble difficile d’envisager une hausse de taux de la part de la BCE sur les deux prochaines années. En revanche, il est vrai que contrairement à la Fed, la taille du bilan de la BCE va continuer de se réduire avec la baisse des créances sur les banques.

NOTES

  1. CF. Edito du 25 janvier 2013 « Etats-Unis : les différentes forces en jeu »

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