Faiblesse durable de l’inflation française ?

par Jean-Christophe Caffet et Marie-Pierre Ripert, économistes chez Natixis

L’inflation française a significativement diminué en 2013 pour finir l’année à 0,7% (1,2% en janvier 2013) après un point bas en octobre à 0,6%. Cette baisse de l’inflation s’explique en grande partie par la modération des prix de l’alimentation et plus marginalement par celle des prix de l’énergie et de certains produits manufacturés, reflétant l’affaiblissement des prix des matières premières mais également l’écrasement des marges des entreprises françaises. Si, à court terme, la faiblesse de l’inflation est une bonne nouvelle pour le pouvoir d’achat des ménages, le risque est d’entrer dans une spirale déflationniste.

Dans ce contexte, les chiffres d’inflation française qui seront publiés le 20 février vont être regardés de très près. Si l’on en croit l’estimation de l’inflation de la zone euro (0,7% en janvier) et celles des trois grands pays (Allemagne, Espagne, Italie) déjà publiées, les prix à la consommation français pourraient ressortir en baisse de 0,5% sur le mois de janvier, en hausse de seulement 0,7% sur un an. Autrement dit, l’inflation resterait proche de son point bas enregistré en octobre dernier.

Une baisse des prix en janvier n’est guère surprenante dans la mesure où c’est le mois des soldes et que les indices de prix ne sont pas désaisonnalisés. En revanche, son ampleur peut paraître étonnante en raison de la hausse des taux de TVA. En effet, ces derniers ont été augmentés en janvier (de 19,6% à 20% pour le taux normal et de 7% à 10% pour le taux intermédiaire). L’impact théorique (avec hypothèse d’une transmission totale) des hausses est de 0,5pt. Par le passé, environ 80% de l’augmentation étaient finalement répercutés sur le consommateur final, une transmission étalée sur plusieurs mois suggérant, à terme, un impact de 0,4pt.

Si l’inflation française ressort comme le suggèrent les chiffres européens, la conjonction de plusieurs facteurs pourrait expliquer sa faiblesse en janvier. Le premier serait des soldes plus agressives qu’habituellement dans un contexte où les entreprises ont des stocks importants. Le deuxième serait une légère baisse du prix de l’énergie comme observé au niveau européen. Enfin, cela signifierait probablement que les entreprises n’ont pas commencé à répercuter les hausses de la TVA sur les prix à la consommation, afin de ne pas perturber la période de soldes.

Au-delà du chiffre de janvier, l’inflation française devrait rester faible en 2014. Les prix des matières premières et le taux de change n’auraient pas d’impact majeur sur l’inflation cette année. En effet, nous anticipons un maintien des prix des matières premières proches de leurs niveaux actuels (croissance mondiale modérée) et une légère dépréciation du taux de change. Même si l’on ne peut pas exclure un choc sur ces facteurs, il nous semble que l’incertitude porte aujourd’hui davantage sur le comportement de marges des entreprises françaises. Comment vont-elles répercuter la hausse de la TVA ? Si la hausse du taux normal est marginale, ce qui pourrait plaider pour un maintien des prix TTC avec une légère compression des marges, l’augmentation du taux intermédiaire est plus significative. La particularité cette année, par rapport aux précédents épisodes de variation du taux de TVA, est le fait que les entreprises françaises bénéficient d’une baisse du coût du travail via la mise en place du CICE(1), ce qui pourrait leur permettre d’amortir l’effet de la hausse de la TVA en abaissant les prix hors taxe. Le CICE renforcerait alors les pressions désinflationnistes et ne permettrait pas la reconstitution des marges des entreprises françaises qui sont aujourd’hui à un niveau très faible.

Le scénario le plus probable nous semble toutefois être celui d’une transmission progressive et partielle (environ 80%) de la hausse de la TVA dans les mois qui viennent. L’inflation resterait inférieure à 1% jusqu’en mars puis reviendrait sur une tendance légèrement haussière, repassant au-dessus de 1%. Cependant les pressions désinflationnistes ne devraient pas disparaître. Le niveau élevé du taux de chômage ne plaide pas pour une accélération des salaires, les entreprises françaises n’ont que peu de marges de manœuvre pour augmenter leurs prix dans un environnement concurrentiel, la déréglementation d’un certain nombre de secteurs ayant également des effets baissiers sur les prix (le secteur des télécoms en est la plus parfaite illustration). Le risque reste celui d’une France contrainte, comme les pays périphériques, de compresser l’ensemble des prix (des biens, des services et du travail), possiblement menacée à terme d’entrer dans une spirale déflationniste.

NOTE

  1. CICE : crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi

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