par Hélène Baudchon, économiste au Crédit Agricole
A l’issue de son FOMC du 21 septembre, la Fed a, comme attendu, opté une nouvelle fois pour un statu quo complet.
En revanche, elle a, de manière explicite, indiqué qu’elle était prête à prendre des mesures supplémentaires si nécessaire, pour soutenir la reprise et ramener l’inflation sur un rythme en accord avec son mandat.
Un passage à l’acte n’est néanmoins pas garanti : la Fed se décidera en fonction des données. Mais du fait de son changement de ton, nous pensons qu’il y a désormais un peu plus d’une chance sur deux qu’elle passe à l’acte. Ce qui nous amène à retenir, en scénario central, l’hypothèse que de nouvelles mesures de quantitative easing seront prises d’ici la fin de l’année ou au début de l’année prochaine.
– Changement de ton C’était au tour de la Fed d’être sur le devant de la scène cette semaine. La surprise n’est pas venue de l’issue même du FOMC, qui s’est tenu le 21 septembre et qui s’est soldé, comme attendu, par un nouveau statu quo complet. La Fed a ainsi réitéré sa formule consacrée selon laquelle les conditions économiques (taux d’utilisation des ressources bas, inflation contenue, stabilité des anticipations d’inflation) justifient le maintien des Fed funds à un niveau exceptionnellement bas pour une période de temps prolongée. Elle maintient également sa politique de réinvestissement du remboursement du principal des titres de son portefeuille arrivant à échéance. T. Hoenig a voté une nouvelle fois contre ces décisions.
Notre surprise vient du changement de ton notable de la part de la Fed, à savoir l’adoption claire d’un biais en faveur de plus de stimulus monétaire si nécessaire et son inconfort face à la faiblesse de l’inflation (ceci expliquant cela). La Fed a en effet abandonné sa formule vague précédente selon laquelle elle était prête à utiliser les outils à sa disposition pour promouvoir la croissance et la stabilité des prix, au profit d’une expression beaucoup plus explicite selon laquelle elle est prête à prendre des mesures supplémentaires, si besoin est, pour soutenir la reprise et ramener l’inflation sur un rythme en accord avec son mandat. L’inflation se situe effectivement en deçà de la cible implicite de 2 % de la Fed et, selon ses propres termes, et c’est l’autre ajout majeur au communiqué, «quelque peu en deçà des rythmes qu’elle juge compatibles, sur le long terme, avec son double objectif de plein emploi et de stabilité des prix ». Elle ne prononce pas le mot de déflation mais, manifestement, sa perception du risque s’est accrue.
Ce changement de ton par rapport au FOMC du mois d’août est néanmoins un peu surprenant dans la mesure où le flux d’informations conjoncturelles a été plutôt rassurant depuis. La croissance reste molle mais n’a pas donné de signes de ralentissement supplémentaire. Les données d’enquêtes et d’activité ont, dans l’ensemble, surpris positivement. La Fed a de fait peu modifié son paragraphe descriptif de la situation conjoncturelle (investissement un peu moins dynamique mais moindre contraction du crédit bancaire). C’est celui sur l’inflation qui a subi des remaniements, alors que l’inflation sous-jacente est restée stable sur les cinq derniers mois (à 0,9 % en glissement annuel).
– Changement de scénario La Fed a plusieurs options pour accroître le stimulus monétaire : renforcer son engagement à maintenir les taux ultra-bas, baisser la rémunération des réserves excédentaires, se relancer dans le quantitative easing (QE) et l’achat (en plus ou moins grande quantité) de titres longs (à définir). C’est cette dernière option qui offre la plus grande marge de manœuvre et qui ressort donc comme la plus probable. Si la Fed se décide à prendre de nouvelles mesures de QE, c’est parce qu’elle estimera que les bénéfices à en tirer sont supérieurs aux coûts, que décidément il vaut mieux en faire trop que pas assez puisque telle a été son approche tout au long de la crise. Et si on en croit James Bullard, président de la Fed de Saint Louis, le QE est le meilleur outil de politique monétaire pour éviter la déflation alors que le taux directeur est déjà à zéro ou presque1. De fait, même si le soutien à la croissance est modeste, ce sera toujours mieux que rien. La Fed se positionne une fois de plus dans une démarche purement préventive, de risk management. Cela peut en effet également empêcher que la croissance ne ralentisse plus et s’enlise dans une dynamique déflationniste. La Fed s’achète ainsi du temps et facilite le désendettement des ménages. Et, au passage, cela contribue à faire baisser le dollar, donc à soutenir l’inflation et les exportations et donc la croissance.
Il y a cependant des bémols. La Fed n’a pas gagné en lisibilité avec ce FOMC: il y a toujours une grande incertitude sur ses prochaines décisions, sur ce qui pourrait déclencher une action (un tassement de la croissance à 1- 1,5 %, de l’inflation à 0,5 %, une remontée du taux de chômage à 10 % ?). Et elle n’a pas rassuré (alors que c’était certainement un des effets recherchés puisqu’elle se montre prête à agir si besoin), alors que, justement, agir sur la confiance, les anticipations, lever les incertitudes, c’est exactement ce à quoi la Fed doit parvenir. Il nous semble également que plus de QE n’est pas la meilleure solution aux problèmes auxquels sont confrontés les Etats-Unis : des mesures ciblées sur le marché du travail et l’immobilier seraient bien plus appropriées et efficaces. Ensuite, la Fed risque d’introduire des distorsions au niveau des prix d’actifs. Enfin, l’un des trois effets du QE (soutenir le crédit et lutter contre l’aversion au risque en faisant baisser le rendement des actifs sans risque au profit des actifs risqués) promet d’être limité vu le niveau déjà plus que bas des taux sans risque2.
Au final, un passage à l’acte n’est pas garanti : la Fed se décidera en fonction de l’évolution des perspectives de croissance et d’inflation. Son prochain jeu de prévisions, à paraître avec les Minutes de ce FOMC le 12 octobre, pourrait permettre d’y voir plus clair. En même temps, de notre point de vue, son changement de ton a changé la donne et sensiblement modifié la probabilité d’un passage à l’acte. Nous pensons qu’il y a désormais un peu plus d’une chance sur deux, même si la croissance évolue en ligne avec notre scénario d’une reprise molle mais durable, car ce ne sera pas suffisant pour dissiper les inquiétudes de la Fed à l’égard de la stabilité des prix. Ce qui nous amène à retenir, en scénario central, l’hypothèse que de nouvelles mesures de quantitative easing seront prises d’ici la fin de l’année ou le début de l’année prochaine.
NOTES
- Seven Faces of « the Peril », Fed de Saint Louis Review, n° de septembre-octobre 2010.
- Les deux autres étant : soutenir les anticipations d’inflation et la masse monétaire.
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