par Marie-Pierre Ripert, économiste chez Natixis
Très attendue par les marchés, la réunion du FOMC du 21 septembre n’a guère réservé de surprise : comme anticipé par la plupart des économistes, la Fed n’a pas annoncé explicitement de nouvelles mesures de politique quantitative mais a, en revanche, spécifié qu’elle était prête à rendre la politique monétaire encore plus accommodante pour encourager la croissance et le retour de l’inflation à un niveau proche de celui qu’elle s’est fixé.
En fait, le plus grand changement opéré dans le communiqué de presse, comparé à celui du précédent FOMC du 10 août, concerne l’appréciation du niveau de l’inflation. B. Bernanke avait déjà mentionné, dans son discours à Jackson Hole fin août, que le niveau de l’inflation était « légèrement » plus faible que celui considéré comme le plus approprié pour une croissance équilibrée à long terme. Le communiqué est à peine plus précis soulignant que le niveau de l’inflation sous-jacente est « quelque peu » inférieur à celui désiré par le FOMC. Rappelons que la Fed n’a pas de cible explicite d’inflation mais souhaite que l’inflation sous-jacente (le déflateur de la consommation hors énergie et alimentation, le « core PCE déflateur ») fluctue dans une fourchette entre 1% et 2%. Or cette dernière se situait à 1,4% en juillet mais d’autres mesures d’inflation sous-jacente étaient plus faibles, comme le core CPI à 0,9% (GA). Avec une production nettement inférieure à son potentiel (et de façon similaire avec un taux de chômage sensiblement supérieur à son taux naturel), il est très probable que ces mesures d’inflation sous-jacente se situent sous 1% dans les mois qui viennent et y restent durablement. Il n’est donc guère étonnant que cette tendance commence à préoccuper la Fed, reflétant la résurgence de la peur de la déflation.
Pour y faire face, la Fed envisage l’utilisation de trois principaux instruments : une nouvelle vague d’achats de titres de long-terme, une communication visant à modifier les anticipations des marchés et une baisse des intérêts payés sur les réserves excédentaires des banques. Les effets potentiels des deux dernières mesures nous semblant limités, l’utilisation du premier instrument devient hautement probable.
En effet, étant donné nos prévisions de croissance et d’inflation très faibles, nous pensons que la Fed va être amenée assez rapidement à augmenter la taille de son bilan, probablement avant la fin de l’année (novembre). Elle privilégiera très vraisemblablement des achats de titres publics de façon à essayer de piloter l’évolution des taux longs. Cela permettra de rendre les conditions monétaires plus accommodantes mais cela facilitera aussi le financement du déficit public américain qui risque de rester proche de 9% du PIB en 2011. L’achat d’autres types de titres nous semble beaucoup moins probable dans la mesure où la Fed ne souhaite pas créer de distorsions entre les différents marchés.
De plus avec certains membres du FOMC ne souhaitant pas faire davantage de politique quantitative (Hoenig en premier lieu), des achats de titres du Trésor seraient vraisemblablement plus consensuels.
Dans la mesure où la politique actuelle n’a eu que peu d’impact sur les crédits octroyés par les banques, nous sommes sceptiques sur l’effet positif à attendre d’une nouvelle vague d’achats de titres. Tout d’abord, il faudrait des achats de taille importante pour avoir un impact. Par ailleurs, le problème semble plus venir de la demande de crédit que de l’offre.
Si comme nous le croyons, les ménages américains continuent de se désendetter dans les années qui viennent, une baisse des taux longs n’aura que peu d’impact sur leur demande de crédit. En revanche, nous voyons un effet positif de la baisse des taux longs et en corollaire de celle des taux hypothécaires. En effet, le taux d’intérêt hypothécaire à 30 ans est de 4,4% actuellement, environ 2 pts inférieur au niveau qui prévalait en 2006, 2007 et 2008, ce qui permet à de nombreux ménages américains de renégocier leur prêt à des taux plus faibles améliorant ainsi leur solvabilité.