par Olivier Bizimana et Olivier Eluère, économistes au Crédit Agricole
L’économie française sera en récession en 2009, avec un recul du PIB de 0,6 %. Nous prévoyons une reprise molle courant 2010 (1,2 %). Ce scénario est entouré d’une grande incertitude, la récession de l’économie française ayant des causes principalement extérieures.
La croissance mondiale va être soumise à rude épreuve en 2009. Après l’aggravation de la crise financière au second semestre 2008, la perte de confiance est générale et alimente le ralentissement conjoncturel. Dans un environnement très anxiogène et en l’absence totale de visibilité, les agents économiques repoussent leurs décisions de dépenses, ce qui pèse sur la demande globale et par suite sur la croissance. Par ailleurs, les conditions de financement se sont durcies, en particulier dans les pays soumis à une récession immobilière et dont les systèmes bancaires ont été durement touchés par la crise (États-Unis et Royaume-Uni). Le choc subi par le système financier est historique et le degré d’incertitude est extrême. L’ensemble plonge l’économie et la finance dans un cercle vicieux. La récession en cours dans les pays développés s’annonce profonde et longue, avec notamment des contractions marquées du PIB en 2009 aux États-Unis (-2,3 %), au Royaume-Uni (-1,4 %) et en zone euro (-0,8 %). L’activité dans les économies émergentes devrait aussi freiner, en particulier en Chine (6,5 %, après 9,3 % en 2008).
L’aspect confiance joue un grand rôle dans l’approfondissement de la crise et on ne voit pas bien pour le moment ce qui serait susceptible de la restaurer durablement. Nous faisons néanmoins l’hypothèse que les plans massifs de relance budgétaire et les stimulations monétaires mis en place partout joueront peu à peu. Ils devraient permettre une stabilisation des marchés financiers en 2009 et faciliter les conditions d’une reprise modérée en 2010.
L’économie française n’est pas encore entrée officiellement en récession (+0,1 % t/t, après -0,3 % t/t au T2), mais tous les indicateurs avancés annoncent un repli marqué de l’activité, d’une ampleur comparable à la récession de 1993. Les enquêtes de confiance dans l’industrie signalent ainsi une récession profonde dès le quatrième trimestre. Ce signal a été corroboré par les premiers chiffres d’activité qui montrent un effondrement de la production industrielle en fin d’année 2008, sous l’effet de la chute de la production automobile. Vu les difficultés de cette branche, la chute de l’activité industrielle devrait se poursuivre au cours des prochains trimestres. Par ailleurs, les indicateurs avancés dans les services et dans le bâtiment indiquent un freinage supplémentaire de l’activité dans ces deux secteurs. Enfin, malgré le reflux de l’inflation, la consommation privée sera quasi-stagnante, le moral des ménages restant au plus bas. Au total, au vu de toutes ces informations, nous prévoyons une contraction de l’activité de l’ordre de 0,5 % t/t en fin d’année 2008 et de 0,3 % au premier trimestre 2009. Ce repli pourrait être amplifié par des mouvements de déstockage, notamment dans l’industrie où des arrêts de production importants sont programmés (en particulier dans l’automobile).
La forte incertitude créée par l’approfondissement de la crise financière et l’accroissement des risques pesant sur l’économie mondiale en découlant, rendent peu probable un redressement de la confiance, et donc un redémarrage de la croissance française à brève échéance. En moyenne, sur l’ensemble de l’année 2009, l’économie française sera donc en récession, avec un recul du PIB de l’ordre de 0,6 %.
Outre la chute de la confiance, le relatif resserrement des conditions de crédit, lié notamment aux problèmes de refinancement des banques, va peser sur les dépenses des agents. La demande de crédit des ménages va continuer à ralentir. De plus, avec la poursuite de la dégradation du marché du travail (taux de chômage à 8,2 % à la fin 2009), la croissance des revenus d’activité devrait ralentir. En moyenne sur l’ensemble de l’année 2009, le revenu disponible brut des ménages devrait progresser seulement de 1,9 % (après +3,9 % en 2008). Cela dit, si on se fie aux comportements observés lors des phases précédentes de freinage marqué de l’activité (1993 et dans une moindre mesure 2001), on peut penser que les ménages pourront puiser un peu dans leur épargne pour maintenir un certain niveau de dépenses. Le taux d’épargne devrait baisser légèrement à 15,5 % en moyenne en 2009 (après 15,6 % en 2008).
Par ailleurs, le pouvoir d’achat sera dopé par la baisse de l’inflation (1,5 % en 2009, après 2,8 % en 2008). Le pouvoir d’achat du revenu disponible brut ralentirait néanmoins à 0,5 % (après +1,1 % en 2008). Au total, la consommation des ménages devrait freiner, mais rester en légère hausse (+0,7 % après 1 % en 2008).
Face à des conditions de financement plus restrictives, les entreprises devraient également réduire la voilure, et ce d’autant plus que les perspectives de demande (domestique et extérieure) seront défavorables. Leur situation financière devrait également continuer à se détériorer. Le taux de marge des sociétés non financières s’établirait en moyenne à 29,9 % en 2009 (après 30,4 % en 2008). Ce repli du taux de marge résulterait notamment de la baisse de la productivité due au retard d’ajustement de l’emploi au freinage de l’activité.
L’investissement des entreprises devrait enregistrer un repli marqué en 2009 (-3,2 %, après +1,8 % en 2008). Par ailleurs, la chute de l’investissement des ménages devrait se poursuivre (-4,2 %, après -2,3 % en 2008), en lien avec la correction en cours du marché de l’immobilier. Les exportations reflueront à nouveau, sous l’effet de la chute de la demande venant de nos principaux partenaires commerciaux (zone euro, États-Unis, Royaume-Uni). En définitive, nous prévoyons un redressement progressif de l’économie française courant 2010, à la faveur d’une dissipation de la plupart des facteurs négatifs. La croissance s’établira à 1,2 %.
Notre scénario central est toutefois entouré d’une grande incertitude qui tient essentiellement au fait que la récession que connaîtra l’économie française a des causes principalement extérieures. Le principal aléa porte sur la longueur de la récession américaine. Au plan domestique, l’ampleur des ajustements attendus de l’investissement constitue le principal facteur susceptible de surprendre à la baisse. Par ailleurs, si une partie des différentes mesures du plan français de relance (trésorerie des entreprises et soutiens au logement et au bâtiment) permettra à court terme d’atténuer le ralentissement subi par l’économie française, leur efficacité est conditionnée par un arrêt de la spirale baissière de l’environnement global.