France : la dégradation du marché de l’emploi va persister, malgré la reprise

par Olivier Bizimana et Axelle Lacan, économistes au Crédit Agricole

  • Fin 2009, la France affiche pour le 3e trimestre consécutif un taux de croissance positif (+0,6 % t/t). Pourtant, les derniers chiffres relatifs à l’emploi restent déprimés. Au 4e trimestre, le taux de chômage au sens du BIT atteint le seuil symbolique de 10 % de la population active (y compris les DOM).
  • Au vu du contexte économique pourtant très hostile, la dégradation du marché de l’emploi est restée malgré tout modérée. Revers de la médaille : elle sera d’autant plus longue. 

 

L’ampleur de la récession de l’économie française en 2008-2009 soulève des questions quant à ses effets sur le marché du travail et leurs persistances. Au cours de la récente récession, le taux de chômage a en effet augmenté de 1,5 point entre le 1er trimestre 2008 (pic d’activité) et le 1er trimestre 2009 (point bas de l’activité), alors que le PIB a chuté de 3,5 % sur la même période.

En moyenne, pour chaque baisse d’un point du PIB, le taux de chômage a augmenté de « seulement » 0,4 point.

Depuis le 2e trimestre 2009, la France est sortie de récession. Le taux de chômage au sens du BIT continue cependant de monter, atteignant 10 % de la population active (DOM inclus) au 4e trimestre 2009. Cette hausse aurait dû être bien plus importante, compte tenu de l’ampleur du choc subi.

La dégradation du marché de l’emploi aurait dû être plus marquée…

Historiquement, lors des périodes de retournement de l’activité, l’emploi industriel s’ajuste plus rapidement que dans les autres secteurs, en particulier dans le cas de chocs exogènes. L’activité industrielle dépend en effet davantage du climat international, de l’investissement et du cycle des stocks. Malgré cette particularité, lors de la récession de 2008, le rythme de destruction d’emplois industriels a été moindre que dans les chocs de 1974 et 1992.

Cette résistance tient en partie aux différentes mesures mises en place par le gouvernement pour soutenir soit directement l’emploi, soit certains secteurs, ou plus généralement l’ensemble de l’économie1 : le dispositif « zéro charge », le soutien au secteur automobile, les mesures d’aide à la trésorerie (en particulier des PME).

L’ensemble de ces mesures a permis d’atténuer l’impact de la récession sur l’emploi, ce qui a modéré la hausse du taux de chômage.

Par ailleurs, les comportements des entreprises en période d’incertitude contribuent à limiter la hausse du taux de chômage au début de la chute de l’activité. Il s’agit en particulier des phénomènes de « rétention de main-d’œuvre » : malgré un climat des affaires peu favorable, les chefs d’entreprise préfèrent en effet, à court terme, et bien sûr dans la mesure du possible, maintenir leur main d’œuvre en place. Cela permet de préserver le capital humain (ou le savoir-faire) dans l’entreprise et d’éviter par la suite des coûts de recrutement et de formation. En conséquence, la hausse du chômage a été moins forte que ce que suggérait l’ampleur de la crise traversée.

… mais l’ajustement sera persistant 

L’amélioration de l’activité devrait vraisemblablement mettre plus de temps à se répercuter sur le marché de l’emploi.

Les chefs d’entreprise auront dans un premier temps la possibilité d’augmenter le recours à l’intérim, puis le volume horaire des salariés en place avant de recruter à nouveau. Les mesures ayant permis d’atténuer les effets négatifs de la récession risquent de retarder les effets positifs de la reprise sur l’emploi.

Par ailleurs, la persistance de l’incertitude et la faiblesse de la demande domestique pourraient retarder la reprise de l’emploi, et donc la baisse du taux de chômage. En période de reprise, face à l’incertitude sur la dynamique de la demande, les entreprises préfèrent en général reconstituer leurs gains de productivité plutôt que d’embaucher.

Le taux de chômage structurel pourrait s’accroître à court terme. D’une part, le niveau élevé du taux de chômage décourage pour l’instant certains salariés de rechercher un emploi. Encouragés par une conjoncture plus favorable, ces demandeurs d’emploi, actuellement hors statistiques nationales, vont revenir sur le marché du travail et gonfler le taux de chômage effectif. D’autre part, en période de forte baisse de l’activité, des postes de travail sont définitivement supprimés dans certains secteurs et ne sont pas remis en place en sortie de crise.

Conclusion

Le chômage gardera des séquelles de la récession historique de 2008. Certes, sa hausse a été limitée, mais elle en sera d’autant plus persistante.

NOTE

  1. Pour le détail des différentes mesures, voir Eco News, N°120 – 8 décembre 2008.

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