par Jean-Christophe Caffet, économiste chez Natixis
Le rebond des dépenses des ménages observé en novembre (+0,3% M/M) a été de courte durée. Les dépenses en produits manufacturés se sont en effet de nouveau effondrées en décembre (-0,9% sur le mois), tirant le glissement annuel en territoire négatif (-1,7%) pour la première fois depuis onze ans.
Sur l’ensemble de l’année, le ralentissement des dépenses est net : après +4,4% en 2007, celles-ci n’ont augmenté que de 1,2% en 2008. Sur le seul mois de décembre, l’évolution des différents postes de dépenses est toutefois conforme à nos attentes : Les ventes de détail (champ du commerce) ont reculé de 1,5%, restant à un plus bas de près de douze ans (-2% en glissement annuel).
Les achats de biens durables reculent de 0,5% (-2% en GA). Ce recul est lié aux dépenses en biens d’équipement du logement qui, après avoir vivement progressé en novembre (+3,1%) se sont nettement contractées en décembre (-1,8%). Ces évolutions confirment notre intuition du mois dernier : les ménages français avaient sans doute anticipé une partie de leurs achats de Noël (électronique grand public notamment). En revanche, après les fortes baisses observées en octobre/novembre, les achats d’automobiles ont rebondi en décembre (+0,9%), en lien avec le dispositif de prime à la casse adopté dans le cadre du plan de relance français. Sur un an, les achats d’automobiles restent toutefois en baisse de 6,5% en raison d’un effet de base défavorable lié à la forte hausse du mois de décembre 2007 (lié à l’adoption du bonus-malus écologique).
Les ventes de vêtements continuent de baisser (-1,2% sur le mois, -3% en GA). Il aurait toutefois été surprenant qu’il en fût autrement : les soldes d’hiver n’ont débuté qu’en janvier.
Vers un léger rebond de la consommation privée à court terme
Les dépenses des ménages en produits manufacturés se sont donc contractées de 0,5% au quatrième trimestre. Comptant pour près du quart des dépenses de consommation totale, celles-ci suggèrent une contribution de la consommation à la croissance négative au dernier trimestre 2008. Si la désinflation à l’œuvre depuis l’été dernier n’a pas eu les effets escomptés sur la consommation pendant l’automne, nous pensons toutefois que celle-ci devrait légèrement rebondir à l’horizon des six prochains mois. Plusieurs facteurs plaident en effet pour une reprise – au moins temporaire – des dépenses de consommation des ménages français.
Tout d’abord, la désinflation va se poursuivre, le repli des prix du pétrole étant selon nous durable dans un contexte de ralentissement économique global. Malgré une légère augmentation des prix du Brent prévisible sur les premiers mois de l’année (saisonnalité), un jeu d’effets de base favorables continuera de tirer l’inflation vers le bas jusqu’à l’été prochain. Les prix évolueront par la suite en-deçà de leur schéma saisonnier, la remontée de l’inflation sur le second semestre s’expliquant cette fois par des effets de base défavorables (très forte baisse des prix du pétrole au second semestre 2008). En moyenne, l’inflation se monterait à 0,6% cette année contre 2,8% l’an dernier.
Ce sont donc plus de deux points de pouvoir d’achat que la désinflation énergétique, et dans une moindre mesure alimentaire, rendra aux consommateurs français.
A très court terme, pour les seuls mois de janvier/février, les très forts rabais apparemment consentis dès l’ouverture de la période de soldes hivernales devraient soutenir les dépenses des ménages en articles d’habillement (et permettre d’écouler une partie des stocks). Du fait de la forte hausse dans leur budget des dépenses incompressibles (alimentaire, transport et logement principalement), ceux-ci semblent en effet avoir différé leurs achats de vêtements pendant l’année écoulée. Les soldes de l’été dernier avaient d’ailleurs donné lieu à une baisse des achats de vêtements (recul de 0,1% et de 1,9% en juillet/août).
Aussi les dispositifs prévus dans le cadre du plan de relance tels que la prime à la casse pour les véhicules de plus de dix ans et l’achat d’un véhicule neuf non polluant, ou la prime de solidarité active qui sera versée fin mars aux futurs bénéficiaires du RSA, devraient-ils entretenir (certes de manière marginale) le revenu des ménages et « doper » temporairement leur volume de consommation. Les premières informations disponibles suggèrent en effet que les achats (ou intentions d’achat) de véhicules neufs ont rebondi depuis décembre dernier : les statistiques montrent en décembre une hausse de 30 à 40% des commandes sur un an chez les constructeurs français, une hausse concentrée pour près de la moitié sur les véhicules éligibles au dispositif prévu dans le plan de relance. Enfin, il y a fort à croire que les 200 euros de prime qui seront distribués à la fin du premier trimestre aux futurs bénéficiaires du RSA seront intégralement consommés au deuxième trimestre, dans la mesure où elle s’adresse à ceux dont la propension à épargner est faible.
Nouveau ralentissement en fin d’année
Les fortes destructions d’emplois à venir (-1,9% pour l’emploi salarié), dans un contexte où le processus désinflationniste serait en outre parvenu à son terme, plaident en revanche pour un nouvel affaiblissement des dépenses des ménages au second semestre.
Notons néanmoins que la rigidité à la baisse des salaires nominaux devrait soutenir la masse salariale et, partant, le revenu disponible des ménages dont une part croissante devrait toutefois être épargnée. L’ensemble des déterminants fondamentaux des choix d’allocation des ménages nous semble en effet toujours favorable à un accroissement du taux d’épargne (motif de précaution, déficits publics, etc). Conjugué au resserrement des conditions de crédit et à des effets de richesse (immobilière et financière) négatifs (bien que faibles dans le cas français), ce tassement du revenu disponible et cette hausse du taux d’épargne plaident naturellement pour un ralentissement tenace de la consommation privée.
Celle-ci n’excèderait pas 0,7% sur l’ensemble de l’année, après 1,2% en 2008.