par Michel Martinez, stratégiste chez Amundi Asset Management
La réforme des retraites proposée par le gouvernement s’attaque au symbole de la retraite à 60 ans, mal perçu à l’étranger, et ne repose que sur une faible hausse des prélèvements obligatoires. Dans son articulation (peu de nouveaux prélèvements, moins de dépenses, convergence vers les normes internationales), elle témoigne de l’attention que le gouvernement porte aux marchés financiers. Trois nouvelles étapes seront nécessaires pour regagner la confiance des investisseurs et préserver la notation AAA sont triples : 1) passerl’obstacle de la rue sur cette réforme 2) donner des détails sur le retour à la cible de déficit de 3% du PIB en 2013 et 3) préciser l’agenda de la réforme de la constitution.
La retraite à 62 ans, la fin du symbole des 60 ans
Le principal axe de la réforme repose sur l’allongement de l’âge d’ouverture des droits à la retraite, qui passera à 62 ans en 2018. Le symbole fort des 60 ans, un « acquis social » instauré par le président Mitterrand en 1983, disparaît et la réaction des syndicats promet d’être forte. En tenant compte des exceptions pour les carrières longues, cette mesure est censée combler environ 0,8 pp de PIB à horizon 2020, soit 40% des besoins de financements du système de répartition estimés à 2% du PIB (1,6% du PIB en 2010). Le deuxième axe de la réforme porte sur une hausse de 1% du taux d’imposition des hauts revenus et des revenus du capital (plus-values de cession, dividendes…). Destinées à faciliter l’acceptation de la réforme par l’opinion publique, ces mesures auront un rendement limité (0,2% du PIB soit 10% des besoins). La baisse des pensions a été passée sous silence dans la communication gouvernementale, mais d’après nos estimations, le taux de remplacement devrait baisser de 18% en 2020 par rapport à aujourd’hui.
Les autres volets de la réforme correspondent essentiellement au basculement de ressources publiques existantes au profit du régime de retraites. Le gouvernement table ainsi sur un taux de chômage à 5,7% en 2020 (un niveau jamais observé depuis 1980) qui permettrait de dégager des excédents pour le régime d’assurance chômage. De même, les cotisations au régime retraite du secteur public seront alignées sur celles du secteur privé. Dans le secteur public, cela représente ex ante un prélèvement de 2,7% sur les salaires. Les négociations salariales s’y annoncent difficiles, et ce d’autant plus que l’Etat s’est engagé dans une politique de promotions individuelles.
Au total, hors transferts de recettes publiques, on peut considérer que la réforme couvre un peu plus de la moitié des besoins de financement du régime des retraites et qu’il manquera pour équilibrer le régime de répartition de l’ordre 1% du PIB à horizon 2020. Le système aura donc besoin d’être revu, avec à la clé d’autres relèvements de l’âge de la retraite, des hausses de cotisations ou des baisses de pensions.
Séduire les agences de notation
Les investisseurs ont exprimé ces dernières semaines un peu de méfiance sur la capacité de la France à réduire ses déficits publics. Début 2010, le prix de la couverture contre le risque de défaut à 5 ans (CDS) se situait à 30 pb, un niveau comparable à la signature allemande. Depuis avril, le gouvernement français est apparu en retrait par rapport à la plupart de ses voisins européens dans ses objectifs de retour à l’équilibre des finances publiques au point que cette prime avait grimpé à 100 pb (le 6 juin). Elle se situe aujourd’hui autour de 80 pb mais l’écart s’est creusé par rapport à l’Allemagne dont la prime se situe à 40 pb.
Les autorités françaises ont récemment infléchi leur discours. Fin mai, le président Sarkozy annonçait son intention de changer la Constitution pour y inscrire une règle sur la trajectoire des finances publiques, sans toutefois en préciser ni la forme ni le calendrier. Le 14 juin, le Premier ministre M. Fillon annonçait que le déficit public serait ramené de 8% du PIB en 2010 à 3% du PIB en 2013 et que les détails en seraient donnés lors de la prochaine loi de finances (septembre 2010).
En insistant sur l’axe de l’âge d’ouverture des droits à la retraite dans sa proposition de réforme plutôt que sur la durée de cotisation, le gouvernement confirme qu’il se préoccupe du sentiment du marché. Un résultat identique aurait très bien pu être atteint en augmentant l’autre curseur démographique comme lors des deux précédentes réformes des retraites (1993 et 2003 : la durée d’assurance nécessaire pour liquider sa retraite à taux plein. Elle restera inchangée à 41,5 ans en 2020.
Une telle mesure aurait probablement été mieux perçue dans l’opinion publique française. Le gouvernement a préféré changer un curseur mal compris à l’étranger et régulièrement mentionné par les agences de notations. Ainsi, la France va se rapprocher des normes bientôt en vigueur dans la plupart des pays européens : d’ici 2020, on ne pourra plus prétendre à une retraite avant 63 ans en Allemagne, 67 en Espagne, aux Pays-Bas ou au Danemark, 68 ans au Royaume-Uni, 61 ans en Italie… Cet alignement par l’âge est peut-être le prix à payer pour conserver la confiance des investisseurs internationaux.