France : l’arbre qui cache la forêt ?

par Marie-Pierre Ripert, économiste chez Natixis

Il y a quelques semaines, nous soulignions les premiers signes d’amélioration de la conjoncture française (cf France : la tentation de l’optimisme) et les raisons pour lesquelles les perspectives devenaient plus positives à court terme : baisse du prix du pétrole, de l’euro et assouplissement des politiques économiques. Prémices d’une vraie reprise ou arbre cachant la forêt des faiblesses de l’économie française ?

La plupart des indicateurs publiés ces dernières semaines confirme l’embellie amorcée fin 2014. Les agents privés reprennent progressivement confiance, avec la hausse du moral des ménages et l’amélioration du climat des affaires. Ce dernier reste toutefois encore déprimé dans l’industrie. La situation des entreprises s’est enfin stabilisée mi-2014 et on commence à observer un début de reconstitution des marges. Profitant de la hausse de leur pouvoir d’achat, les consommateurs dépensent davantage. Plusieurs secteurs bénéficient de cette embellie de la demande, c’est notamment le cas de l’automobile avec la hausse des immatriculations. Dans le secteur de la construction, la chute des permis de construire et des mises en chantier a été stoppée et les premiers signes (timides) de redémarrage commencent à apparaître. Les conditions de crédit se sont améliorées et la demande de prêt est en hausse. Au total, l’activité repart graduellement et devrait se renforcer au cours de l’année 2015.

Autre bonne nouvelle, finalement le déficit public s’est légèrement réduit en 2014 pour atteindre 4%, un niveau sensiblement plus faible qu’attendu (4,4%), avec des déficits moins importants qu’anticipés du côté de l’état et de la sécurité sociale. L’équation risque donc d’être un peu moins compliquée que prévu pour 2015. Par ailleurs, le déficit commercial se réduit depuis l’automne 2014, bénéficiant de la baisse du prix du pétrole.

Du côté des nouvelles moins positives, la situation sur le marché du travail reste dégradée. Le taux de chômage n’a cessé de progresser pour atteindre 10% fin 2014. Les premières statistiques de 2015 ont été mitigées : après un recul de 19K chômeurs en janvier, une augmentation de 13K a été recensée en février. Toutefois, les statistiques mensuelles sont très volatiles et lorsque l’on les lisse, l’augmentation du nombre de chômeurs s’atténue progressivement. Pas de quoi crier victoire évidemment… Il faut cependant garder à l’esprit que les indicateurs du marché du travail sont en retard sur le cycle et qu’une éventuelle amélioration ne se verra que dans les mois qui viennent. Avec une croissance du PIB supérieure à 1%, le taux de chômage devrait se stabiliser puis revenir progressivement sur une tendance baissière.

Peut-on croire au retour d’un cercle vertueux en France ?

Il n’y a pas de réponse tranchée, ni de fatalité dans la mesure où cela dépendra grandement des politiques économiques mises en œuvre. La situation s’améliore à court terme et la France a aujourd’hui l’opportunité d’intensifier les réformes ce qui devient une nécessité pour envisager une reprise durable.

Sans changement, il est très probable que l’investissement se renforce en 2015 mais qu’il n’accélère pas suffisamment pour changer la donne. Pour revenir dans un cercle vertueux où les entreprises se remettraient à investir et à embaucher de façon significative, le facteur primordial est la confiance. Or au-delà de la question de la fiscalité (le CICE et le Pacte de responsabilité représentent 40Md€ d’allégement des charges des entreprises entre 2013 et 2017), l’un des principaux freins au retour de la confiance est le poids des réglementations. L’une des urgences dont on parle depuis déjà longtemps est le choc de simplification. Dans une période où la reprise est hésitante, le manque de flexibilité du marché du travail est également un frein. L’harmonisation fiscale et réglementaire au niveau européen est aussi nécessaire pour éviter les distorsions entre les différents pays.

Ces premiers signes d’embellie ne doivent donc pas faire oublier l’ampleur du travail qui reste à accomplir pour améliorer les perspectives françaises à moyen terme, que ce soit sur les fronts de l’éducation, de la compétitivité, de la productivité (innovation). Au-delà de l’amélioration conjoncturelle des finances publiques à laquelle on pourrait assister, leur assainissement structurel à moyen terme reste aussi un challenge.

Retrouvez les études économiques de Natixis