par Charlotte de Montpellier, Economiste chez ING
Tous les indicateurs sont au vert sur le marché du travail français. Cela va permettre de soutenir la reprise dans les prochains mois, mais aussi va conduire à un renforcement de l’inflation.
2021, l’année de tous les records pour le marché du travail
Les statistiques du marché du travail publiées aujourd’hui par l’INSEE viennent confirmer ce que les résultats partiels et les enquêtes laissaient déjà présager : tous les indicateurs sont au vert sur le marché du travail français ! On savait déjà que les créations d’emplois avaient été particulièrement dynamique en 2021, avec 648 000 emplois créés en un an, soit une croissance annuelle de 3.3%. Le nombre d’emploi était donc, à la fin 2021, supérieur de 1.5% à son niveau d’avant crise. Une progression plus rapide que celle du PIB, qui se trouvait fin 2021 0.9% au-dessus de son niveau d’avant crise. Les statistiques concernant le chômage sont tout aussi positives. En effet,
- Le taux de chômage en France (au sens du BIT) a diminué de 0.6 points au quatrième trimestre pour atteindre 7.4%, grâce à une forte baisse du chômage chez les jeunes. Le taux de chômage se trouve désormais 0.8 points en-dessous de son niveau d’avant crise et surtout est à son niveau le plus bas depuis 2008.
- Le pourcentage des 15 à 64 ans souhaitant un emploi mais ne cherchant pas assez activement que pour être inscrits dans les statistiques de chômage est lui aussi inférieur à son niveau d’avant crise, de 0.2 points
- Le taux d’emploi des 15-64 ans est en hausse et s’établit désormais à 67.8%, son plus haut niveau historique. Cette augmentation est due à une progression du taux d’emploi à temps plein, le taux d’emploi à temps partiel étant en baisse et inférieur à son niveau d’avant crise.
- La part du sous-emploi dans l’emploi, soit les personnes qui ne travaillent pas autant qu’elles le souhaitent (à temps partiel alors qu’un temps plein est souhaité ou moins d’heure que d’habitude en raison du chômage partiel) est également en baisse et se trouve désormais 0.8 points en-dessous de son niveau d’avant crise et à son plus bas depuis le début de la série en 2003.
- Au total, 17.2% des participants au marché du travail se trouvent contraints dans leur offre de travail, soit par l’absence d’emploi, soit en situation de sous-emploi. Cette part diminue de 0.6 point sur le trimestre et atteint son plus bas niveau depuis 2008.
On peut conclure de ces données que le marché du travail est sorti très fort de la pandémie. A notre connaissance, en mars 2020 lorsque la France est entrée en confinement, personne n’avait envisagé une telle performance pour le marché du travail. Les souvenirs de 2008 et des conséquences très négatives sur l’emploi faisaient craindre une détérioration forte du marché du travail. Il n’en fut finalement rien et le marché du travail a fini 2021 en meilleure forme que l’activité économique. Cette belle performance est évidemment la conséquence des politiques publiques française, européennes et mondiales, mises en place pour faire face à la pandémie, notamment les dispositifs de chômage temporaire, mais aussi toutes les actions qui ont permis de conserver l’appareil productif et qui ont conduit à une très forte reprise mondiale dès le relâchement des restrictions sanitaires. Ces politiques ont permis au marché du travail de sortir renforcé de la crise, non seulement en France, mais aussi dans toute l’Europe et ailleurs dans le monde.
En 2022, le marché du travail va soutenir la croissance, mais aussi l’inflation
La bonne forme du marché du travail est sans conteste une bonne nouvelle pour l’économie française, car elle devrait soutenir la consommation des ménages et donc l’activité dans les prochains mois. La confiance des consommateurs devrait en bénéficier, et leur taux d’épargne devrait petit à petit retourner vers une situation plus normale, boostant au passage la consommation. C’est une des raisons qui nous amène à prévoir une croissance du PIB de l’ordre de 3.7% en 2022. Nous prévoyons que le marché du travail restera solide en 2022 avec des créations d’emplois toujours dynamiques, même si leur rythme va baisser pour évoluer davantage en lien avec l’activité.
La bonne forme du marché du travail va probablement conduire les entreprises à devoir encore davantage batailler pour attirer des travailleurs et les conserver. Dans un contexte où 61% des entreprises manufacturières et 54% des entreprises de services indiquent qu’elles ont des difficultés à recruter (selon l’enquête de l’INSEE de janvier) et où l’inflation augmente (2.9% en janvier), cela devrait conduire à des hausses de salaires négociés. L’augmentation des salaires devrait avoir un impact sur l’inflation, qui devrait rester supérieure à 2% pendant une bonne partie de l’année, même quand la contribution des prix de l’énergie à l’inflation aura commencé à se réduire.