par Pascale Auclair, Directeur Général LFP
La crise de la dette publique européenne perturbe les marchés depuis plus d’une année, et impacte la confiance des investisseurs face aux produits obligataires. Nous présentons dans cette Lettre notre perception des risques pays, l’encadrement de ces risques au sein de notre gamme OPCVM, nos choix d’investissement et les résultats 2011 qui en découlent.
Perception des risques pays
a. Facteurs économiques
Souvent passés au second plan face à la pression des marchés, ils constituent pourtant une force de rappel à terme, et un ancrage clef pour notre stratégie d’investissement.
Notre équipe obligataire se livre ainsi à une revue exhaustive des indicateurs macro-économiques de chaque pays, en distinguant tout d’abord ce qui relève de la croissance instantanée (PIB, production industrielle, exportations, chômage, consommation, …) et ce qui relève des perspectives (PMI, enquêtes EU…). Les autres indicateurs suivis concernent l’équilibre des comptes courants, du budget, de la dette publique et du taux d’épargne, en vision instantanée et dynamique par rapport aux objectifs fixés par les gouvernements (exécution budgétaire). Un tableau de bord est ainsi établi pour chaque pays, il nourrit les discussions et conclusions du Comité Stratégie Souverains mensuel.
Eléments majeurs extraits à ce jour de l’analyse des fondamentaux par pays :
- Espagne : plutôt de bonnes surprises Q1 sur la croissance, enquêtes décevantes. Convergence budgétaire en bonne voie modulo les déficits régionaux et l’incertitude sur la contribution finale de l’Etat au sauvetage des Caixa.
- Italie : déception sur la croissance Q1, le ratio déficit/PIB poursuit sa normalisation, la dette reste structurellement élevée.
- France : surprise positive sur le PIB Q1. Peu d’efforts budgétaires, déficit élevé et stable. Allemagne : RAS, modèle de la zone € tant en termes de dynamisme économique que d’orthodoxie budgétaire.
- Portugal : inquiétude forte sur la dynamique de croissance, violent ajustement budgétaire qui devrait peser durablement. Plan de soutien de 78Mds€ couvrant 3 ans de refinancement.
- Irlande : sortie de récession envisageable en 2011. Mais forte dégradation de l’exécution budgétaire (dépenses + 40% !)
- Grèce : la cure d’austérité imposée ne peut qu’aggraver la situation économique déprimée. L’atteinte des objectifs budgétaires et l’obtention d’un surcroît d’aide européenne nécessitent en outre de nouveaux sacrifices.
b. Facteurs politiques
Pour les pays ayant fait appel à l’aide européenne, le jeu politique entre UE, FMI et BCE est prédominant à court terme. Nous venons de le constater à nouveau dans le cadre des investigations réalisées fin mai par la Troïka à Athènes. Il est complexe à décoder, avec de fréquentes volte-face des protagonistes qui ne facilitent pas la lecture des évènements. Il nous semble toutefois qu’il vise à exercer une pression maximale sur les pays bénéficiaires pour y accélérer les réformes structurelles et budgétaires, contreparties impératives au soutien collectif, sans remettre en question la volonté politique collective d’éviter à tout prix un défaut. Les autres contingences politiques sont locales, difficiles à estimer et différentes d’un pays à l’autre. L’opposition de la rue à davantage de rigueur est forte en Grèce, et les dissensions nombreuses au sein même du parti socialiste au pouvoir. Le risque d’échec politique y est donc significatif. Le Portugal de son coté, vient de faire un choix libéral centriste qui laisse pressentir une accélération des privatisations et une nouvelle cure d’austérité.
II. Stratégie d’investissement
A la lumière de notre analyse du risque pays aussi bien dans son volet économique que politique, nous avons identifié 3 groupes de pays au sein de notre univers d’investissement :
- Groupe 1 : les pays qui traitent en « spread » et dont la santé économique et financière n’est pas fondamentalement mise en doute : aujourd’hui toute la zone Euro sauf Irlande, Portugal et Grèce.
- Groupe 2 : les pays qui ont fait appel au plan de soutien européen, mais dont la valorisation de la dette ne prend pas en compte le coût éventuel d’une restructuration sévère : aujourd’hui Irlande et Portugal.
- Groupe 3: les pays dont la dette intègre aujourd’hui en termes de prix, une potentielle restructuration : aujourd’hui la Grèce.
Pour les pays les plus vulnérables, notre scénario central retient :
- Une absence de défaut « dur » d’ici à fin 2012,
- Une possible restructuration d’ici là, mais sur base volontaire,
- L’éventualité d’un défaut au-delà de 2 ans.
Nos positions sur les dettes gouvernementales de la zone € sont gérées en dynamique, au gré de l’observation des fondamentaux et en fonction de leur valeur relative. Elles sont soumises à des limites strictes par pays, et par groupes de pays, que nous détaillons un peu plus loin, et privilégient certaines échéances. Cette gestion opportuniste prend naturellement en compte le momentum d’évolution des notations par les agences de rating, qui crée des effets d’accélération sur le mouvement des rendements et permet une optimisation du market timing.
Le manque de liquidité sur certains pays ou certaines souches, corollaire de la crise périphérique, peut néanmoins dans certains cas apporter un bémol à cette gestion mobile et flexible.
Décisions récentes :
La relative bonne tenue des emprunts espagnols et italiens nous a conduits à alléger significativement les positions depuis début 2011. Dans le cas espagnol, ce sont d’une part le manque de visibilité sur l’évolution du modèle économique, et d’autre part l’incertitude sur le secteur immobilier et son impact sur les banques qui nous rendent prudents, alors même que le déficit budgétaire central est en régression. En Italie c’est moins la dynamique budgétaire que la tendance récente sur la croissance qui nous conduit à plafonner les expositions.
A contrario la violente dégradation des rendements portugais, irlandais ou grecs, nous incite à introduire en portefeuille, sur opportunité et dans un cadre de risque décrit ci-dessous, des lignes courtes dont l’échéance ne dépasse pas l’horizon des plans de soutien, et qui s’apparentent à des stratégies de portage.
La maturité des dettes portugaises et irlandaises acquises sur nos OPCVM ouverts n’excède pas 2 ans, tandis que nos souches grecques sont toutes à échéance 20/8/2011.
III. Suivi des risques et limites
- Ces limites ne sont actuellement pas saturées sur les gammes monétaires. Nos fonds monétaires court terme (nouvelle classification AMF) sont exempts de tout risque périphérique.
- La limite maximale de 40% de PIIGS n’est aujourd’hui pas atteinte sur notre gamme obligataire.
Tactiquement les poids italiens et espagnols ont été ramenés à respectivement 25% et 5%. A titre de comparaison, la pondération des PIIGS au sein des indices EuroMTS est variable selon les tranches de maturités des sous-indices, mais comprise entre 30% et 45%.
V. Performances 2011 à fin mai
Cette appréhension des risques périphériques, couplée à un pilotage pertinent des sensibilités et à une utilisation judicieuse des obligations indexées sur l’inflation, porte ses fruits en 2011. Nos performances poursuivent l’amélioration amorcée en Q4 2010 et s’affichent toutes au-dessus de leurs indices de référence YTD.