Grèce : plus d’austérité et moins de croissance

par Jésus Castillo , économiste chez Natixis

Le plan d’austérité annoncé par la Grèce en début d’année et sa quasi mise sous tutelle par la Commission européenne, n’avaient pas suffit à calmer les craintes des marchés, ni à convaincre les partenaires européens d’annoncer un plan de sauvetage plus explicite et chiffré. Le gouvernement vient ainsi d’annoncer un nouvel ensemble de mesures d’austérité pour s’assurer d’une baisse de 4 points de son déficit public de 12,7% du PIB en 2009.

Aux 4,2 points de PIB de consolidation déjà annoncés (10,2 mds €), s’ajoutent 2 points de PIB supplémentaires (4,8 mds €) via une hausse de deux points de la TVA de 19% à 21% dès le 15 mars, des taxes sur l’alcool et le tabac (environ 2,4 mds €) et le gel des retraites des fonctionnaires en 2010 ainsi que la suppression du 14ème mois de salaire des agents de la fonction publique (également 2,8 mds €). A cela s’ajoute la hausse du taux d’imposition sur le patrimoine et l’augmentation du taux marginal d’imposition des hauts revenus à 45% (revenus supérieurs à 100 000 euros), ainsi que de nouvelles mesures de lutte contre la fraude fiscale et l’économie souterraine.

Des mesures plus convaincantes…

Le principal défaut du plan précédent était de reposer pour environ 1,8 point sur des mesures, certes indolores, mais non reconductibles (disparition de dépenses exceptionnelles 2009, prélèvements spéciaux en 2010 et recettes du plan de soutien du système bancaire) ainsi que sur des mesures dont l’efficacité à court terme reste à démontrer (lutte contre la fraude, réduction des dépenses de fonctionnement). Le risque que les résultats ne soient pas à la hauteur des objectifs ne peut être écarté. Enfin, si les mesures de maîtrise de la masse salariale sont plus évidentes quant à leur résultat, leur impopularité soulève des interrogations sur les possibilités réelles du gouvernement de les mener à terme.

Les nouvelles mesures de consolidation s’appuient sur des procédés plus simples à mettre en œuvre et dont l’efficacité est reconnue.

Cependant, comme précédemment, elles risquent de provoquer de nouvelles contestations parmi les fonctionnaires et retraités de la fonction publique qui seront doublement affectés par la baisse ou la stagnation de leurs revenus et la hausse de la TVA.

En termes de déficit, ce deuxième train de mesures devrait permettre d’atteindre l’objectif de déficit de 8,7% en 2010. Le premier plan, outre les défauts déjà évoqués, nous apparaissait comme légèrement insuffisant. Nous attendions un déficit de l’ordre de 9,5% soit légèrement supérieur à la prévision du gouvernement. En termes de dette publique, nous revoyons légèrement le ratio d’endettement de 124% du PIB à 123%.

… mais qui pèseront sur la consommation

Les nouvelles mesures d’austérités devraient avoir un impact principalement sur la consommation. La hausse de la TVA devrait provoquer une baisse de la demande des ménages de l’ordre de 1,4 point (nous faisons l’hypothèse que la hausse de la TVA sera intégralement répercutée dans les prix). De même, le gel des retraites des fonctionnaires et la suppression du 14ème mois de salaire des agents publics, conduirait à une baisse similaire de la consommation des ménages (les mesures de baisse des salaires de 9% en moyenne affectent environ un salarié sur cinq qui travaille dans la fonction publique). La consommation resterait alors en territoire négatif en moyenne en 2010 à -1,5% en GA, après -1,1% attendu en 2009.

Les deux mesures conjuguées conduiraient à une contraction de la demande intérieure d’environ 1,8 point, soit un coût brut de 2 points de PIB en termes de croissance.

Néanmoins, la baisse des importations qui découlera de la baisse de la consommation aura un effet positif sur le PIB de l’ordre de 0,7 point. Au final, nous pouvons estimer rapidement l’impact de ce nouvel ensemble de mesures sur le PIB à environ 1,3 point, ce qui ramènerait la croissance 2010 à -1,7% en GA contre -0,4% précédemment attendu. Toutefois, pour une estimation plus précise il aurait fallu tenir compte des effets substitutions, des effets prix et de revenus de ces mesures (ce que nous n’avons pas fait ici). Compte tenu de ces restrictions, on peut supposer que l’impact sur la croissance sera légèrement moindre.

Un plan favorablement accueilli par les marchés

Du côté des marchés obligataires, le resserrement du spread sur le taux 10 ans grec (contre Bund) de près de 20 points de base dans la journée est venu conforter la baisse des jours précédents. Le spread s’établit désormais à environ 290 points de base contre un plus haut fin janvier à près de 400 points de base.

De même, le coût de l’assurance contre le défaut de la dette grecque s’est significativement réduit. Il semble donc que le nouvel ensemble de mesures ait convaincu les marchés ce qui laisserait présager de la poursuite du mouvement observé sur les marchés (obligataires et CDS) depuis le début de la semaine vers des niveaux plus faibles.

Néanmoins, la situation demeure extrêmement fragile. En effet, la Grèce devra faire face d’ici le printemps à plusieurs échéances importantes en termes de refinancement. Entre avril et juin, elle devra refinancer environ 18 mds €.

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