par Olivier Eluère, économiste chez Crédit Agricole
La correction du marché résidentiel français s’est intensifiée au second semestre 2008 : volume des ventes en net repli, 30 % environ sur un an dans le neuf et 15 à 20 % dans l’ancien, et recul significatif des prix de l’ancien au quatrième trimestre, -9,9 % sur un an (ils restent en légère hausse dans le neuf). La tendance récente va se prolonger sur toute l’année 2009. Le rythme de baisse des ventes devrait rester de l’ordre de 30 % dans le neuf et 20 % dans l’ancien. Les mises en chantier se replieraient de 20 % à 25 %. Et les prix reculeraient nettement, de 10 % (décembre 2009 / décembre 2008) dans l’ancien et 10 % dans le neuf.
Après une phase de décélération très graduelle, ce rapide ajustement tient avant tout à la perte de confiance brutale des ménages dans un environnement très anxiogène. L’ampleur historique de la crise financière mondiale, la forte détérioration de la conjoncture et la remontée du chômage provoquent des comportements attentistes avec le report des dépenses importantes, automobiles et logement.
Plusieurs autres facteurs négatifs jouent : un relatif resserrement des critères d’octroi de crédit, une solvabilité des acheteurs clairement dégradée et un repli des investissements locatifs.
Le recul des prix, désormais enclenché, favorisera certaines transactions, mais risque surtout de renforcer l’attentisme des acheteurs, anticipant des prix encore plus bas. La baisse des taux d’intérêt de marché et les mesures de soutien au bâtiment et à l’immobilier vont au mieux permettre d’amortir le cycle sans toutefois pouvoir stopper le mouvement de correction en cours.
La baisse cumulée des prix (de fin 2007 à fin 2009) atteindrait ainsi -20 % dans l’ancien.
2010 devrait être une année de transition, avec des baisses de prix moins prononcées sur fond de progressive résorption du déséquilibre offre-demande. D’une part, la conjoncture économique devrait connaître une certaine amélioration. D’autre part, les « fondamentaux » du marché immobilier français sont plutôt bons.
A la différence par exemple des marchés britannique ou espagnol, il n’est pas nécessaire en France de « purger » une bulle massive du crédit. La demande de logements est solide, les taux d’endettement des ménages restent soutenables et l’offre de crédit est prudente (taux principalement fixes et exigence d’un taux d’effort limité à un tiers du revenu). Les prix ne sont pas exagérément surévalués, mais de l’ordre de 20 % début 2008, au vu d’outils comme la « prime de risque » sur un investissement immobilier ou le taux d’effort théorique.
Après une baisse de 20 % en 2008-2009, les prix retrouveraient des niveaux plus conformes aux « fondamentaux ». Ceci, joint à une confiance moins dégradée, pourrait permettre en 2010 une légère reprise de la demande et des baisses de prix plus modérées.
La correction du marché ancien s’est accélérée fin 2008
Les ventes ont connu une baisse marquée en 2008 dans le logement ancien, de l’ordre de 15 à 20 %, même si elle est moins accusée que dans le neuf. Cette baisse déjà à l’œuvre au premier semestre s’est poursuivie au second.
Les prix ont commencé à baisser. Ceci était attendu. Nous prévoyions un recul de 5 % en 2008 (T4 2008/T4 2007) dès octobre 2007. Et ceci est logique après dix ans de « boom » et une hausse cumulée « de creux à pic » de 136 % (de fin 1996 à fin 2007). Les prix, stables au premier semestre, se sont repliés au second. La baisse a été plus forte qu’attendu au quatrième trimestre, du fait notamment de la détérioration brutale de la conjoncture accompagnée d’une perte de confiance des agents économiques.
En France, le volume de transactions dans l’ancien était en 2007 légèrement en deçà de 2006, à environ 620 000 unités, et a connu un repli significatif, de l’ordre de 15 % à 20 % sur un an en 2008.
En Ile-de-France, selon les chiffres des Notaires Paris-Ile-de-France, le nombre de transactions tous biens confondus (neuf et ancien) s’est replié de 15 % environ sur un an en 2008. La baisse s’est accentuée au second semestre, -20 % sur un an au troisième trimestre et -25 % sur un an en octobre-novembre.
Le recul des ventes touche l‘ensemble des segments et des départements. Sur le segment des appartements anciens en Ile-de-France, les ventes ont été en recul de 18,8 % sur un an au T3 2008. La baisse est de 24,2 % à Paris, de 15,1 % en Petite Couronne et de 17,9 % en Grande Couronne. En cumul sur douze mois, la baisse des ventes d’appartements anciens atteint -11,3 % sur un an. Sur le segment des maisons anciennes en Ile-de-France, les ventes ont baissé de 21,4 % sur un an au T3 2008.
Les prix des logements anciens, qui freinaient graduellement depuis 2004 et s’étaient stabilisés au premier semestre 2008, ont reculé assez nettement au troisième trimestre, de -2,9 % (par rapport au T2) et plus fortement encore au quatrième, de -6,5 % (par rapport au T3).
En glissement sur douze mois (T4 2008/T4 2007), le recul atteint donc – 9,9 % en 2008. En moyenne annuelle (prix moyens 2008/prix moyens 2007), la baisse reste toutefois moins marquée, à -3,1 % (source : FNAIM).
Ce fort repli touche à la fois les maisons, dont les prix baissent de 11,4 % en glissement sur douze mois, et les appartements, dont les prix reculent de 8,4 %. Fin 2008, les prix au m2 atteignent 2 369 € en moyenne en France, 2862 € pour les appartements et 2018 € pour les maisons.
Par région, les baisses de prix des appartements anciens les plus sensibles sont observées en Provence Alpes Côte d’Azur (-9,2 %), Franche-Comté (-7,5%) et Poitou-Charentes (-6,8 %). Mais les prix sont restés en hausse en Bourgogne (9,4 %), Limousin (4,2 %), Aquitaine (3,9 %) (progressions annuelles moyennes, source : FNAIM).
Paris reste encore à l’abri de ce repli. Selon les Notaires Paris-Ile-de-France, les prix des appartements anciens restent en hausse assez marquée, +7 % sur un an au T3 2007, après 9 % un an plus tôt. La hausse annuelle reste supérieure à 9 % dans les 6e, 2e, 3e, 4e, 18e et 7e arrondissements. Le prix moyen du mètre carré des appartements anciens à Paris s’élève à 6 630 €. Il s’échelonne entre 10 200 € (6 e) et 5 200 € (19 e). En Petite Couronne, la hausse des prix sur un an des appartements anciens atteint 2,5 % au T3 2008, après 6,3 % un an plus tôt. En Grande Couronne, elle ralentit à 1,1 % contre 4,8 % un an plus tôt.
Neuf : le recul des ventes s’amplifie
Au troisième trimestre 2008, le recul des ventes de logements neufs (filière promoteurs, programmes de plus de quatre logements) s’est encore accentué, à 44 % sur un an, après un repli de 34 % au deuxième trimestre. Sur les douze derniers mois, les ventes atteignent 93 000 unités, niveau qui reste encore élevé, mais qui recule de 29,2 % par rapport aux douze mois précédents. On revient aux niveaux de 2003.
Ce recul marqué, plus rapide que prévu, s’explique avant tout par les fortes inquiétudes des ménages liées à la crise économique et financière. Deux éléments spécifiques au marché neuf jouent également : les prix continuant à monter dans le neuf, les candidats à l’achat butent de plus en plus sur la contrainte de solvabilité : prix de vente trop élevés, taux de crédit en hausse. Les concessions opérées atteignent leurs limites et les banques sont plus prudentes en matière d’allongement de la durée des prêts. Par ailleurs, le segment du crédit-relais s’est asséché en phase avec le net recul des transactions.
Une large partie des acquéreurs diffèrent leur achat et attendent une baisse des prix ; la part des investisseurs se réduit. La rentabilité (hors avantages fiscaux) devient peu attractive, avec un taux de rendement locatif initial sensiblement inférieur aux taux OAT dix ans. Et la demande se réduit et devient beaucoup plus sélective pour les investissements « Robien » et « Borloo », dont l’offre n’a pas été toujours adaptée aux marchés locatifs locaux.
Face à la baisse des ventes, les mises en vente reculent nettement elles aussi. Au troisième trimestre 2008, elles se replient de 38 % sur un an.
Sur les douze derniers mois, le cumul des mises en vente atteint 113 000 unités, en recul de 26 % par rapport aux douze mois précédents.
Les stocks de logements neufs disponibles à la vente continuent à remonter, les mises en vente restant supérieures aux ventes. Ils atteignent le niveau record de 113 400 unités en septembre 2008. Du fait du bas niveau des ventes, le délai moyen d’écoulement des stocks remonte fortement, à dix-huit mois pour les maisons (dix mois un an plus tôt), et dix-huit mois pour les appartements (neuf mois un an plus tôt). Il convient toutefois de préciser que la moitié seulement de ces stocks est achevée ou en cours de construction, et la moitié est en pro- jet. De plus, dans le cadre des mesures de soutien annoncées en octobre dernier, le rachat prévu, par la CDC et des organismes HLM, de 30 000 logements neufs, disponibles à la vente, mais non encore construits, devrait résorber en partie cet excès de stocks.
La faiblesse de la demande conduit les promoteurs et les constructeurs à réduire les mises en chantier de logements. Elles atteignaient 434 000 unités en 2006 et 436 000 en 2007 et sont en repli marqué depuis le début de l’année. En novembre 2008, le cumul sur douze mois atteint 379 000 unités, niveau élevé mais en baisse de 12,7 % sur un an. Le recul est encore plus net sur les permis de construire, -17,1 %.
La hausse des prix se poursuit mais est de plus en plus faible. En T3 2008, les prix des appartements s’accroissent de 2 % sur un an (contre 8,8 % en T3 2007). Ceux des maisons individuelles progressent de 2,2 % (2,2 % en T3 2007). En Ile-de-France en revanche, les prix des appartements commencent à reculer, de 4,4 % sur un an, et ceux des maisons se replient de 6,8 % sur un an.
Les prix ne baissent pas encore en France en moyenne, les promoteurs devant répercuter la hausse de leurs coûts de production. Mais ce sont des prix « à la réservation » et dans certains cas, les promoteurs offrent des prestations ou des aménagements.
La correction s’accélère sur le crédit habitat
La hausse sur douze mois de l’encours de crédit habitat (stock des crédits en cours diminués des remboursements) continue à ralentir, à 8,1 % sur un an en novembre 2008, contre 15 % en moyenne en 2006 et 14 % en 2007. Surtout, la production de crédits habitat se replie nettement : en novembre 2008, le cumul sur douze mois a atteint 114 milliards, en baisse de 22,3 % sur un an. Ces tendances reflètent le retournement du marché immobilier (net recul des ventes et début de baisse des prix) décrit précédemment.
Les taux de crédit habitat continuent à remonter, la hausse restant toutefois modérée sur les derniers mois. Le taux moyen d’un crédit habitat d’une durée supérieure à un an est passé de 3,98 % fin 2006 à 4,67 % fin 2007 et 5,10 % en novembre 2008. Le taux effectif global moyen d’un crédit habitat à taux fixe s’est accrû de 4,79 % fin 2006 à 5,34 % fin 2007 et 5,52 % en septembre 2008.
Cette hausse s’explique par une volonté de reconstituer les marges, très compressées sur certains crédits, et par la hausse des taux de marché.
A partir de novembre toutefois, les taux de marché, notamment l’Euribor trois mois, se sont nettement orientés à la baisse. Les banques devraient continuer à consolider leurs marges, mais ce repli du coût des ressources pourrait leur permettre de maintenir, voire de baisser un peu les taux des prêts habitat.
La correction observée sur la production de prêts habitat s’explique avant tout par la faiblesse de la demande, et notamment un attentisme marqué des acheteurs potentiels (cf p. 6). Elle tient aussi à un relatif durcissement de l’offre de crédit.
La crise financière se traduit pour les institutions de crédit par des dépréciations d’actifs (exposés de près ou de loin aux subprimes) et des difficultés de refinancement. De plus, le marché immobilier est en nette correction, la conjoncture se dégrade et le chômage remonte, d’où un risque de remontée des défauts. Les banques deviennent plus prudentes et sélectives et renforcent le contrôle des risques.
Au vu des enquêtes Banque de France sur la distribution du crédit, les banques durcissent leurs critères d’octroi de crédit habitat mais de façon assez mesurée, et beaucoup moins nettement qu’au Royaume-Uni ou en Espagne. Il s’agit davantage d’une application plus stricte des critères d’octroi que d’un resserrement marqué de l’offre de crédit. Les banques élargissent un peu leurs marges sur les prêts nouveaux. Surtout, elles deviennent plus exigeantes en matière de garanties, de quotité de financement (l’apport personnel doit être plus élevé) et de strict respect d’un taux d’effort limité à un tiers du revenu. Et elles imposent des durées de crédit plus courtes. Enfin elles sont particulièrement réticentes à octroyer des prêts relais, ce segment de marché étant fragilisé par la baisse des transactions.
Mais le resserrement de l’octroi de crédit habitat est et devrait rester relativement modéré, pour une série de raisons :
- le recours des banques françaises aux marchés pour refinancer les prêts habitat est plus limité que dans les pays anglo-saxons ;
- la concurrence interbancaire reste forte et le prêt habitat est un produit d’appel et de fidélisation ; en matière de prêts habitat, les banques sont déjà attentives à la qualité de l’emprunteur, les prêts sont en général amortissables et à taux fixe et les taux de défaut restent pour l’instant très bas ;
- les plans de soutien aux systèmes bancaires devraient graduellement ramener la confiance et limiter les risques d’un retournement brutal.
Compte tenu de la baisse des transactions et du repli attendu des prix immobiliers, la production de nouveaux crédits habitat devrait être en recul d’environ 20 % par an en 2008 et 2009 et la hausse de l’encours de crédit habitat freinerait vers 8 % fin 2008 et 4 % fin 2009.
Les principales mesures de relance du bâtiment et du marché immobilier
La France, comme l’ensemble de ses partenaires, est confrontée à une crise financière et économique majeure, avec un net freinage des exportations, une inquiétude et un attentisme marquée des consommateurs et des entreprises, une baisse sensible des ventes d’automobile et de logement, une remontée du chômage. La France va ainsi connaître une croissance négative en 2009, estimée à -1,3 %. Face à cette menace, un plan de relance a été annoncé début décembre. Il est évalué à 26 Mds €, soit 1,3 % du PIB.
L’idée est de mettre en place des mesures ayant un effet rapide sur la croissance, avec plusieurs priorités : un coût mesuré (ampleur des déficits publics) ; un effet à court terme sur l’activité et sur l’emploi ; un effet structurel à plus long terme.
Le plan prévoit notamment des mesures de soutien au logement et à l’activité dans le secteur de la construction, pour un coût global estimé à 1,6 Md €. – 70 000 logements supplémentaires, dont 30 000 sociaux et 40 000 intermédiaires, vont être construits en 2009 et 2010. Ce programme s’ajoute à celui annoncé le 1er octobre, le rachat prévu à des promoteurs, par la CDC et des organismes HLM, de 30 000 lo- gements neufs, disponibles à la vente, mais non encore construits. Ce programme de construction de 100 000 logements sociaux supplémentaires en deux ans coûtera au total 0,6 Md €. – Le prêt à taux zéro (PTZ) sera doublé pour les acquisitions de logement neuf par les primo-accédant en 2009. Cette mesure aura un coût de 0,6 Md €. – Le programme de rénovation urbaine dans les banlieues sera accéléré, pour un coût de 0,2 Md €. – L’Etat va accorder une aide supplémentaire pour l’accession sociale à la propriété (à travers le Pass-Foncier). Cette aide bénéficiera à 30 000 ménages modestes. Son coût est évalué à 50 M €.
Les mesures vont dans le bon sens. Comme l’ensemble du plan de relance, elles se veulent efficaces, car ciblées et ponctuelles, et devraient faire sentir leurs effets assez rapidement. Elles permettront principalement de stimuler dès les prochains trimestres l’activité dans le BTP (secteur très créateur d’emploi), via la construction de 100 000 loge- ments sociaux en deux ans. Ceci va contribuer à réduire le niveau élevé des stocks, relancer l’activité et l’emploi dans ce secteur et résorber en partie le déficit important que connaît la France en terme de logements sociaux (environ 500 000 logements).
De plus, ces mesures ne conduisent pas à une stimulation artificielle du marché immobilier. Il paraît en effet nécessaire que les prix connaissent un certain repli sur les prochains mois, afin de resolvabiliser les acheteurs. Les niveaux de prix, très élevés, la hausse des taux de crédit habitat et la réticence des banques à allonger encore la durée des crédits conduisent à une solvabilité très dégradée et à une chute des ventes, qu’une baisse des prix pourrait finir par enrayer.
Ces mesures sont donc positives mais auront un impact limité, notamment la mesure sur le PTZ. Outre le haut niveau des prix, l’aspect confiance est aussi primordial. Acheter un bien immobilier est une décision qui engage le ménage sur le long terme et demande que ce der- nier dispose de suffisamment de visibilité pour se projeter dans l’avenir. Aujourd’hui, le niveau d’incertitude est très élevé, la conjoncture se détériore à vive allure et le taux de chômage remonte ce qui n’est pas propre à rassurer les individus.
La correction du marché va s’intensifier en 2009
La correction du marché résidentiel français, modérée en 2007, est devenue très marquée en 2008, notamment en terme de volume de transactions. En moyenne annuelle, celui-ci a baissé d’environ 30 % dans le neuf et 15 à 20 % dans l’ancien. Les mises en chantier ont également reculé nettement, -15 % environ. Les prix ont baissé assez nettement dans l’ancien, de 9,9 % en glissement annuel, mais moins fortement que les ventes, ce qui est classique en phase de retournement, les vendeurs résistant le plus longtemps possible avant de baisser leurs prix. La tendance récente devrait se prolonger en 2009. Le rythme de baisse des ventes va rester très élevé, de l’ordre de 30 % dans le neuf et 20 % dans l’ancien. Les mises en chantier se replieraient de 20 % à 25 %. Et les prix vont reculer nettement, d’au moins 10 % (décembre 2009/décembre 2008) dans l’ancien et 10 % dans le neuf.
La perte de confiance brutale des ménages est un des principaux facteurs à l’origine de l’accélération récente de la correction immobilière. L’ampleur historique de la crise financière mondiale (et son aggravation en septembre dernier), l’entrée en récession de l’ensemble des pays développés et le fait que cette récession s’annonce longue et profonde conduisent à une absence totale de visibilité et à des comportements très anxiogènes. Ainsi en France, la confiance des ménages a atteint son plus bas niveau depuis que la série existe (1987). On attend une baisse du PIB d’au moins 1,3 % en 2009 et une remontée significative du taux de chômage, de 7,2 % mi-2008 vers 9 % fin 2009. Dans ces conditions, les ménages deviennent très prudents et attentistes et une bonne partie d’entre eux reportent leurs dépenses importantes, biens durables (notamment automobiles) et acquisitions de logement. Notons enfin que la chute des marchés boursiers (-43 % au cours de l’année 2008) crée des effets de richesse négatifs et incitent les acheteurs potentiels à davantage de prudence.
Autres facteurs de correction du marché
Plusieurs autres éléments négatifs se conjuguent.
- un relatif resserrement du crédit. Les effets de la crise financière et la dégradation de la conjoncture conduisent les institutions de crédit à être encore plus prudentes et sélectives et à resserrer les critères d’octroi de crédit : élargissement des marges, exigences accrues sur l’apport personnel, durée des prêts plus courte. Ce durcissement reste d’ampleur limité et nettement moins marqué qu’au Royaume-Uni et en Espagne, mais il contribue à réduire le nombre de transactions.
- une solvabilité clairement dégradée. Les prix ont atteint des niveaux très élevés (après dix ans de hausse), les taux de crédit remontent depuis 2006, la durée des crédits tend à se réduire et les concessions des acheteurs (sur la taille, la qualité, l’emplacement) atteignent leurs limites. Malgré le début de baisse des prix, et compte tenu des exigences des banques sur le niveau du taux d’effort, les acheteurs butent de plus en plus sur la contrainte de solvabilité. Le taux d’effort théorique(1) est passé de 25 % en 1999 à 34 % en 2008. Les primo-accédants à revenu modéré ont de plus en plus de mal à acheter.
- des investissements locatifs moins attractifs. Le taux de rendement locatif initial se réduit régulièrement et devient peu attractif (3,40 % mi-2008 dans l’ancien à Paris et 4,5 % environ en France). Surtout, dans le neuf, les investissements « Robien » et « Borloo », qui avaient dopé le marché, sont en net repli. Tous ces facteurs vont continuer à jouer au cours de l’année 2009.
D’où un nouveau repli marqué des ventes, et une baisse significative des prix. En effet, les stocks sont élevés, notamment dans le logement neuf (promoteurs), où, en T3 2008, ils représentaient dix-huit mois de ventes. Les pressions des acheteurs vont s’intensifier et les vendeurs vont réduire plus nettement leurs prix.
Le recul des prix pourrait favoriser certaines transactions. Mais, dès lors que les prix sont sur une tendance baissière, une bonne partie des acheteurs potentiels vont prendre leur temps et attendre que les prix aient retrouvé des niveaux significativement plus bas.
Certains facteurs modérateurs vont jouer :
- la baisse des taux d’intérêt : les taux courts reculent fortement, 2,30 % prévus en moyenne en 2009 pour l’Euribor trois mois, contre 4,40 % en 2008. De même, les taux dix ans devraient être limités à 3,50 % en 2009 contre 4 % en 2008. Ceci pourrait permettre une stabilisation voire un léger repli des taux de crédit habitat.
- les mesures de soutien au bâtiment et au marché immobilier Ces éléments n’auront toutefois qu’un impact limité. La baisse cumulée des prix (de fin 2007 à fin 2009) atteindrait ainsi -20 % dans l’ancien.
2010 : année de transition
Quelles seront l’ampleur et la durée de la phase de correction du marché immobilier ? Dans les cycles précédents, ces phases ont général duré de trois à quatre ans. Il est donc probable qu’en 2010, la tendance restera baissière, tant sur les ventes que sur les prix. Toutefois, la correction devrait être moins marquée qu’en 2009, pour deux raisons.
D’abord, la confiance des ménages devrait revenir progressivement. L’horizon conjoncturel va aller en s’éclaircissant, les plans massifs de relance budgétaire, les fortes stimulations monétaires et les baisses de prix énergétiques produisant finalement leurs effets. Les marchés financiers devraient graduellement se normaliser La croissance française pourrait ainsi afficher une progression moyenne de 1% et le taux de chômage devrait finir par se stabiliser.
Ensuite et surtout, les « fondamentaux » du marché sont plutôt bons et les prix ne sont pas exagérément surévalués. A la différence des marchés britannique ou espagnol, il n’est pas nécessaire en France de « purger » une bulle du crédit et une bulle immobilière majeures. Les hausses de prix cumulées ont été beaucoup moins fortes que dans ces pays et le taux d’endettement habitat (encours de crédit/revenu)reste soutenable. Au vu d’outils comme la « prime de risque » sur un investissement immobilier ou le taux d’effort théorique(1), on peut estimer que les prix étaient surévalués de 20 % environ début 2008 (alors qu’ils l’étaient de 35 à 40 % au Royaume-Uni ou en Espagne).
De plus, les comportements des agents ne se sont pas inscrits dans un schéma de bulle spéculative marquée : présence des marchands de biens limitée ; pas d’excès marqués en matière de construction (à la différence de l’Espagne) ; et surtout prudence en matière d’octroi de crédit avec des taux principalement fixes et l’exigence d’un taux d’effort limité à un tiers du revenu. Cette règle évite a priori les excès en matière d’endettement (les banques anglo-saxonnes n’ont pas la même approche, l’octroi de crédit se fondant avant tout sur la valeur de l’actif).
Après une baisse de 20 % en 2008-2009, les prix retrouveraient des niveaux plus conformes aux « fondamentaux ». Ceci, joint à une confiance moins dégradée, devrait permettre en 2010 un retour graduel des acheteurs et des baisses de prix plus modérées.
Bureaux : une demande placée en recul
Sur le marché des bureaux en Ile-de-France, la demande placée auprès des utilisateurs (en location ou à la vente), très soutenue en 2007, à 2,71 millions de m2 , est restée élevée en 2008, à 2,4 millions de m2. Elle est toutefois en recul de 14 % sur un an. Et la tendance a été assez mitigée au quatrième trimestre (source : CB Richard Ellis).
Le niveau relativement élevé de la demande en 2008 s’explique en partie par les grandes transactions (supérieures à 5 000 m2), dont le poids atteint 43 %. Sur les surfaces intermédiaires en revanche, les transactions se replient et leur poids est limité à 26 % de l’ensemble.
Paris concentre un quart environ de la demande placée en Ile-de-France et près de la moitié pour les petites surfaces, mais son poids tend à se réduire au profit de la périphérie.
La demande reste relativement dynamique du fait de la conjonction de plusieurs facteurs :
- la recherche de loyers attractifs ;
- les opérations de rationalisation et de regroupement ;
- la recherche de surfaces de bonne qualité, de modernisation des implantations et de meilleurs équipements techniques.
Ce dernier point explique que la proportion de locaux neufs ou restructurés soit très élevée, 44 %.
Mais la demande se replie. D’abord, la détérioration de la conjoncture et le recul des effectifs réduisent les besoins de nouvelles surfaces. Les effectifs ont reculé de 0,2 % (t/t) au deuxième trimestre et de 0,3 % (t/t) au troisième et cette tendance risque de s’aggraver au cours des prochains mois. Ensuite, les utilisateurs sont très prudents et attentistes et tendent à reporter leurs projets de nouvelles implantations. En 2009, le contexte récessif et l’absence de visibilité vont accentuer ces comportements et la demande placée pourrait se réduire assez nettement, vers 1,8 million de m2 environ.
Le stock d’offres disponibles immédiatement en Ile-de-France atteignait 2,42 millions de m2 fin 2007, en légère baisse de 3 %, par rapport à fin 2006 (2,5 millions de m2). Fin 2008, l’offre disponible remonte de 13 % sur un an, pour atteindre 2,7 millions de m2 (source : CB Richard Ellis).
La demande est en effet en recul et est surtout motivée par des opérations de rationalisation et de modernisation. Avec la réduction des effectifs, les entreprises libèrent à peu près autant de surfaces qu’elles en consomment, voire un peu plus. L’absorption nette est donc légè rement négative et le stock d’offres disponibles remonte.
Le taux de vacance moyen en Ile-de-France s’accroît donc assez nettement, et atteint 5,4 % fin 2008, après 4,8 % fin 2007. Il reste assez contrasté suivant les localisations. À Paris, il atteint 3,8 %. À Paris Centre-Ouest, il est à 4,1%. À la Défense, il atteint 3,6 %. En revanche, en Première Couronne Nord, il atteint 7,9 %, et en Première Couronne Sud 11,6 %.
Les loyers de bureaux en Ile-de-France, en baisse de 2000 à 2005, et qui s’étaient un peu redressés en 2006-2007, se sont à nouveau repliés en 2008. En 2007, leur hausse avait été de 8 % au cours de l’année. Au quatrième trimestre 2008, ils atteignent 322 euros/m2/an pour les immeubles neufs ou restructurés, soit une baisse de 1,3 % par rapport à fin 2007 (source : CB Richard Ellis).
Sur les marchés « prime » (bureaux haut de gamme), le repli des loyers est plus net. A Paris QCA (quartier central des affaires), les loyers prime, qui sont très élevés, connaissent une baisse de 5 % sur un an, pour atteindre 716 euros. À la Défense, le loyer prime se réduit de 12 % par rapport au trimestre précédent, à 478 euros. Dans le Croissant Ouest, il baisse de 2 % sur le trimestre, à 445 euros (prix /m2/an, source : CB Richard Ellis).
Les valeurs locatives devraient continuer à baisser au cours des prochains mois, du fait d’une demande moins soutenue, de la remontée de l’offre disponible et de la priorité donnée à la réduction des coûts.
Chute marquée de l’investissement en immobilier d’entreprise
En 2006 et 2007, l’investissement en immobilier d’entreprise avait atteint des records historiques, à respectivement 23,1 et 27 milliards d’euros. En 2008, les montants investis ont connu une très forte baisse, à 12,5 milliards d’euros, soit un repli de 55 % par rapport à 2007 (source : CB Richard Ellis).
Ceci est lié à plusieurs facteurs :
- les investisseurs, confrontés à un contexte économique très dégradé et un début de correction du marché locatif, deviennent très hésitants ;
- la crise financière a conduit à un relatif resserrement des conditions de crédit de la part des banques, qui affecte certains projets d’investissement. Ceci se traduit notamment par une plus grande sélectivité des institutions de crédit et des exigences accrues en matière d’apports en fonds propres ;
- les taux de rendement étaient devenus peu attractifs. Le taux de rendement « prime » net immédiat à Paris QCA atteignait 4 % fin 2007, soit un niveau inférieur aux rendements obligataires. Ceci était notamment lié au niveau très élevé des prix d’achat.
D’où des acheteurs très attentistes et sélectifs, recherchant une hausse du taux de rendement et de la prime de risque, donc une baisse des prix d’achat, et des vendeurs hésitants. Le taux de rendement est donc nettement remonté en 2008. Pour les bureaux à Paris QCA, il revient fin 2008 dans une fourchette 5,75/6,25%, alors qu’il était limité à 4 % en décembre 2007 ; à la Défense, il remonte de 4,75 % à une fourchette 6/6,75 % ; dans le croissant Ouest de la région parisienne, de 4,60 % à 5,85/8 % ; en province, de 5,10 % à 6,85/8,25 %.
Ceci suggère des baisses de prix très significatives des actifs immobiliers investis.
La baisse des investissements est plus marquée en Ile-de-France qu’en régions, mais l’Ile-de-France reste très nettement majoritaire, avec 74 % des investissements. Ceux-ci se portent principalement sur le marché des bureaux (79 % des investissements). La part des investisseurs français reste très importante, 54 % de l’ensemble.
Au cours des prochains mois, le volume des engagements devrait rester très médiocre. Les marchés financiers pourraient connaître une légère amélioration, mais la conjoncture économique va rester très dégradée, au moins au premier semestre 2009, et le marché locatif (de bureaux) devrait se détériorer. La remontée des taux de rendement pourrait toutefois limiter le recul de l’investissement en immobilier d’entreprise.
Notes
(1) le taux d’effort est la charge de remboursement annuelle d’un crédit habitat (capital et intérêts) rapportée au revenu annuel du ménage acquéreur. Le taux d’effort théorique est calculé aux conditions du marché (prix, taux, durée des crédits), mais en supposant constants la surface, le taux d’apport et le profil de revenu des acheteurs.