par Olivier Eluère, économiste au Crédit Agricole
Le marché résidentiel connaît un redressement un peu surprenant depuis le début de l’année. Après un boom immobilier soutenu pendant dix ans (1997-2007), puis une crise économique et financière historique, une correction significative du marché semblait logique : non pas l’éclatement d’une bulle de l’immobilier et du crédit (comme aux États-Unis, Royaume-Uni, Espagne), le boom ayant été plus mesuré et moins risqué que dans ces pays, mais un ajustement des ventes et des prix pendant au moins deux à trois ans (comme dans les cycles précédents).
Or, la correction est restée modeste et de courte durée (un an environ). Depuis le début de la crise, la baisse cumulée des prix de l’ancien est très faible, -4% selon les Notaires et -8% selon la FNAIM. Les prix sont repartis à la hausse et sont même en croissance forte sur certains segments (+9,8% sur un an à Paris), même si les hausses sont plus mesurées sur la France entière. Les ventes se redressent, mais restent en retrait de l’ordre de 15% par rapport aux années du boom, dans l’ancien comme dans le neuf.
Cette reprise du marché étonne car, d’une part, les prix sont encore clairement surévalués, d’au moins 10 à 15%, et d’autre part, le climat économique reste médiocre, les perspectives incertaines et le taux de chômage élevé, supérieur à 9%.
Le redressement du marché est donc assez artificiel et permis par les facteurs suivants. D’un côté, la demande de logements, qui est on le sait structurellement forte, bénéficie d’un double coup de pouce : des niveaux de taux de crédit habitat historiquement bas et un effet valeur refuge, lié aux incertitudes économiques, à une épargne faiblement rémunérée et à des marchés financiers très volatils. De l’autre, l’offre reste basse en France et très limitée en Ile-de-France : hésitation des propriétaires de logements loués à les mettre en vente, ces actifs étant plus sûrs et plus rentables que les investissements financiers, marché de la secondo-accession en reprise prudente, offre de logements neufs très limitée, notamment en Ile-de-France.
En 2011, le marché devrait toutefois devenir plus équilibré. La demande sera potentiellement moins dynamique. La solvabilité des acheteurs sera plus dégradée qu’en 2010. Les avantages fiscaux seront revus en baisse. De plus, les taux de crédit habitat pourraient commencer à remonter légèrement au second semestre 2011. Inversement, l’offre pourrait s’élargir un peu. Sous l’hypothèse de moindres inquiétudes sur l’économie mondiale, l'effet valeur refuge jouera moins. Les secondo-accédants seraient plus confiants, et dans le neuf les mises en vente vont redémarrer.
Ce marché plus équilibré devrait conduire à des hausses de prix contenues, ce qui permettrait une reconstitution progressive de la solvabilité des acheteurs.