par Philippe Waechter, Directeur de la Recherche Economique de Natixis Asset Management.
Dans un contexte marqué par le prolongement de la crise financière, les inquiétudes portant sur la croissance mondiale se sont accentuées au mois de novembre. Dans les pays industrialisés, la récession s’est amplifiée et le ralentissement est devenu plus prononcé pour les pays émergents.
Aux Etats-Unis, le point haut du cycle a été atteint en décembre 2007 selon le National Bureau of Economic Research. Depuis, l’économie est en récession : une récession caractérisée notamment d’importantes destructions d’emplois. Cette rupture s'est amplifiée au cours de l'automne puisque plus d'un million d'emplois ont été détruits depuis septembre. Les ménages ont adopté une attitude plus prudente, réduisant leurs dépenses de consommation pour le 5e mois consécutif en octobre. Et les premiers chiffres de novembre s'inscrivent dans cette tendance. Sur un autre plan, la dynamique des exportations s'est infléchie, conséquence directe du ralentissement de l'économie globale. Dans cet environnement morose, les entreprises sont plus attentistes et réduisent leurs dépenses d'investissement. Cette situation préoccupante va se traduire par une très forte contraction du PIB au cours du 4e trimestre.
Dans les pays émergents, la situation a eu tendance à se détériorer. Le ralentissement constaté dans les pays industrialisés pénalise les exportations et la baisse du prix des matières premières affecte les revenus des pays producteurs. Par ailleurs, l'aversion au risque a incité les investisseurs à rapatrier des capitaux qu'ils avaient dans ces pays émergents. En conséquence, les conditions de la croissance se sont dégradées. Ce changement de tendance est illustré par le net ralentissement de l'activité chinoise mais aussi par le coup d'arrêt constaté sur les exportations de nombreux pays asiatiques.
Pour limiter l’impact et l'ampleur de ces chocs sur la croissance et dans un contexte de fort ralentissement de l’inflation, les autorités monétaires ont généralement adopté des politiques monétaires accommodantes. On notera aussi l'annonce d'un plan de relance de l'activité de grande ampleur en Chine. Par ailleurs, on relèvera les difficultés plus marquées pour les pays producteurs de matières premières. La chute des prix limite les marges de manœuvre des gouvernements qui ne disposent plus des recettes qu'ils attendaient.
En zone Euro, le PIB s’est contracté pour le deuxième trimestre consécutif au 3e trimestre révélant, de fait, l’entrée en récession de la zone. Les enquêtes menées auprès des industriels se sont fortement dégradées. En France et en Allemagne, les indices d’activité du mois de novembre sont au plus bas depuis 1993. Le point préoccupant réside dans la forte détérioration des commandes globales et plus particulièrement de celles en provenance de l’étranger. La zone Euro avait bénéficié d’une forte croissance depuis 2005 en raison du dynamisme de la demande mondiale.
Le ralentissement de celle-ci devrait limiter la dynamique des exportations et contraindre la croissance. Ce phénomène aura des effets d’autant plus négatifs que la demande interne ne sera pas à même de prendre le relais du commerce extérieur. Les ménages sont en effet extrêmement préoccupés par la dégradation qu'ils anticipent sur le marché du travail. Du côté des entrepreneurs, le recul marqué des perspectives d’activité tend également à provoquer un comportement plus attentiste, peu propice à une progression de l'investissement. Pas de changement de tendance attendu sur l'immobilier qui va continuer de s'ajuster à la baisse. Dans ce contexte, le PIB va enregistrer un fort recul au 4e trimestre.
Face à l’inflexion de la demande interne et à la nette dégradation attendue des exportations mondiales, les gouvernements doivent donc adopter des plans de relance d’envergure pour compenser en partie le repli de la demande et en limiter l'impact social.
Les marchés sont restés très volatils, affectés par les craintes pesant sur la croissance mondiale. Ceci s’est traduit par une aversion plus marquée vis-à-vis des actifs risqués. Les titres d'Etat (obligations et bons du Trésor) en ont bénéficié au détriment des actions et des obligations d'entreprises.
Le marché monétaire
Le net ralentissement de l’inflation, engendré par le repli profond et durable du prix des matières premières, donne des marges de manœuvres importantes aux banques centrales pour faire face aux risques pesant sur la croissance. Depuis le début du mois d’octobre, cela leur a ainsi permis de réduire nettement leurs taux directeurs. Aux Etats-Unis, la Fed a ainsi ramené le taux des fonds fédéraux à 1 %. La BCE a quant à elle réduit ses taux de 75 points de base le 4 décembre dernier pour porter le taux de refinancement à 2,5 %. Au total, depuis le 8 octobre, elle les a donc baissés de 175 points de base. La Banque d’Angleterre enfin a réduit ses taux de 100 points de base pour porter son taux d’intervention à 2 % le 4 décembre. Depuis le 8 octobre, elle a donc abaissé ses taux de 300 points de base.
Et au regard des risques pesant sur la croissance et du fort ralentissement de l’inflation, les politiques monétaires devraient continuer à être de plus en plus accommodantes. La défiance des investisseurs vis-à-vis des actifs risqués s’est ressentie ce mois-ci encore dans le rendement des bons du Trésor américain à 3 mois. Le rendement est quasi nul alors que cet actif ne porte pas de risque : cela reflète le fait que l'allocation d'actifs des investisseurs est toujours davantage conditionnée par le risque que par le rendement.
En dépit des injections massives de liquidités réalisées par les banques centrales, les dysfonctionnements sur le marché monétaire n'ont donc pas été effacés.
Le marché obligataire
La défiance des investisseurs vis-à-vis des actifs risqués a profité aux marchés obligataires, générant un net repli des taux d’intérêt de long terme. Le marché obligataire d'Etat a donc servi de valeur refuge. D'abord sur la partie courte, en phase avec les attentes de détente des politiques monétaires, puis sur les parties plus longues lorsque la récession a été confirmée. Le taux à 10 ans américain a ainsi franchi, à la baisse, le seuil des 3 % pour s’établir le 5 décembre à 2,7 % (contre 4 % au 31 octobre). En France, le taux à 10 ans s’est établi à 3,4 %, le 5 décembre, contre 4,3 % le 31 octobre.
Le marché actions
Les craintes d’une récession de grande ampleur et de longue durée ont généré un nouveau recul des indices boursiers en novembre. Depuis le début de la crise financière, les actions ont été perçues comme étant un actif risqué et volatil. Le repli de l'activité a accentué ce phénomène en limitant l'évolution des profits des entreprises dans le temps.
Le marché des changes
Après avoir connu une forte dépréciation à partir du mois d’août, le taux de change effectif de l’euro s’est quelque peu "repris" au cours du mois de novembre. Les mouvements qui avaient affecté le yen se sont atténués. En revanche, le sterling a été pénalisé par la dégradation de l'économie britannique et l'anticipation de baisse des taux rapide que cela a généré.
Les matières premières
Le prix des matières premières a de nouveau reculé en novembre en raison de la dégradation des perspectives de demande mondiale. Le prix du baril de pétrole est ainsi redescendu sur le niveau des 40 $ le baril début décembre, contre un pic historique de plus de 145 $ à la mi-juillet.