Investissements forestiers à impact : les arbres comme piège à carbone

par Roger Naylor, Gérant chez Evli et spécialiste de l'investissement forestier

Les forêts peuvent être valorisées non seulement pour leur bois mais aussi pour leur capacité à capturer le dioxyde de carbone. Pour l'investisseur soucieux des émissions de carbone, les investissements forestiers offrent donc un moyen de réduire l'empreinte de son portefeuille.

Alors que le monde cherche différentes solutions face à la crise climatique, l'investissement forestier connaît une renaissance. Traditionnellement, les investisseurs institutionnels sont attirés par les forêts en raison de leurs bons rendements à long terme, leur faible volatilité, le caractère défensif de la sylviculture et la faible corrélation avec d'autres classes d'actifs. Aujourd'hui, les forêts sont également devenues une option très intéressante pour les investisseurs attentifs aux émissions de carbone. Un investissement dans la sylviculture peut en effet réduire l'empreinte carbone d'un portefeuille d'investissement et le faire évoluer vers la neutralité carbone.

Selon plusieurs études, les forêts agissent comme des pièges à carbone, en éliminant et en stockant le dioxyde de carbone de l'atmosphère, et constituent ainsi une solution efficace et peu coûteuse pour atténuer le changement climatique. Investir dans la sylviculture peut réduire l'empreinte carbone globale d'un portefeuille d'investissement et servir à compenser les émissions de carbone d'autres d'investissements.

Afin de maximiser l'impact des investissements forestiers sur le carbone, il est nécessaire d'investir au niveau international, par exemple dans des régions comme les États-Unis et l'Amérique du Sud. Les arbres poussent tout simplement plus vite dans ces régions, cela permet donc d'avoir à la fois un impact carbone plus important et un rendement annuel plus élevé, les deux objectifs étant étroitement liés. Par exemple, le rendement historique de la sylviculture américaine est de plus de 8 % par an, contre 4,5 % en Scandinavie, où les arbres poussent de fait plus lentement.

La sylviculture capture le carbone de plusieurs manières

Les investisseurs peuvent estimer les émissions de carbone de leurs investissements en utilisant les données sur l'empreinte carbone fournies par les agences de notation telles que le MSCI. Les principaux gérants de fonds forestiers ont également mis au point des mesures autour du reportingde durabilité pour les investisseurs institutionnels exigeants. Sur la base de méthodes appropriées de comptabilisation du carbone, les gérants de fonds forestiers peuvent ainsi rendre compte de la quantité de carbone capturé sur une base annuelle. Les méthodes et la compréhension de la quantité de carbone que les forêts peuvent capturer se sont de plus considérablement développées ces dernières années. Et cela est particulièrement vrai pour la sylviculture.

Les modèles récents de capture du carbone sont basés sur la recherche scientifique et les données satellitaires des zones forestières. Pour évaluer pleinement la valeur d'une forêt en tant que piège à carbone, il faut prendre en compte la totalité de la biomasse de l'arbre, et pas seulement les parties qui ont une valeur commerciale : la tige, les racines et les branches. Le sol dans lequel les arbres poussent capture et stocke également le carbone, par exemple les chutes de bois, le bois mort et les résidus d'exploitation. Tout cela entraîne l'accumulation de grandes quantités de carbone dans les sols forestiers.

Et ça ne s'arrête pas là. Pour que la modélisation soit complète, il faut prendre en compte le carbone stocké dans les produits issus du bois, leurs émissions lors du transport et de la fabrication, le cycle de vie des produits ainsi que l'impact du remplacement des produits à plus forte intensité d'émissions, tels que l'acier, le béton et les plastiques, par des produits à base de bois – en bref, toute la chaîne de valeur de l'industrie. Comme les investissements forestiers visent principalement les forêts gérées pour la production de bois, ce type d'approche holistique du captage du carbone aide les investisseurs à évaluer plus précisément l'empreinte carbone de leur portefeuille.

De la même manière que les investisseurs reçoivent un rapport annuel sur l'évolution de la valeur commerciale de leur forêt, ils peuvent désormais suivre et relier les objectifs stratégiques à long terme aux objectifs en matière d'impact climatique de leur investissement forestier. L'impact réel vient de la volonté de faire bouger le statu quo et de transformer les ambitions en décisions stratégiques.

L'évolution de la valeur des forêts à travers le monde

Il est de plus en plus évident que les forêts jouent un rôle important dans la capture du carbone et la lutte contre le changement climatique. Cette fonction de la forêt peut être prise en compte dans la valeur de la forêt, en plus de la valeur commerciale du bois.

Le Boston Consulting Group estime que la valeur totale des forêts à travers le monde s'élève au montant stupéfiant de 150 000 milliards de dollars, soit près du double de la valeur du marché boursier mondial1. La plus grande partie de cette valeur, jusqu'à 90 %, provient de la capacité des forêts à réguler le climat grâce au stockage du carbone. En ce qui concerne les investissements forestiers, cet aspect est encore largement sous-évalué. Cependant, des changements sont déjà en cours, des stratégies de fonds pionniers proposant une sylviculture "intelligente" pour le climat sont maintenant disponibles.

Les systèmes d'échange de quotas d'émission, tels que le marché du carbone californien, ont créé une nouvelle source de revenus pour les investisseurs dans le secteur forestier. Les propriétaires forestiers peuvent être payés pour laisser les arbres sur pied au lieu de les exploiter en émettant des crédits carbone vérifiés. Un crédit de carbone est créé par une élimination mesurable du dioxyde de carbone atmosphérique. Au fur et à mesure de la croissance de la forêt, un volume supplémentaire peut être vendu soit sous forme de buche sur les marchés traditionnels du bois, soit sous forme de crédits carbone supplémentaires sur les marchés de compensation carbone.

Les forêts sont actuellement sous-évaluées. Ces stratégies de crédit carbone sont une première étape pour y remédier et peuvent offrir un meilleur rendement aux investisseurs. Le secteur forestier est de plus en plus reconnu comme une source de matériaux de construction écologiques et d'autres produits à faible teneur en carbone pour la bioéconomie. Un investissement qui verdit un portefeuille offre ainsi de nombreuses opportunités.

NOTE

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