La BCE envoie des messages de plus en plus clairs

par Philippe Ithurbide, Directeur Recherche, Stratégie et Analyse chez Amundi

Les risques d’atténuation des programmes d’achat d’actifs par la Fed s’intensifient. L’attentisme de la Fed n’était pas jusqu’ici très surprenant: conserver le QE pour consolider la croissance, plutôt que de l’interrompre rapidement afin d’éviter les dangers de la surliquidité (risques de bulles) était légitime. Même si le retrait sera graduel, il est désormais proche.

La récente baisse des taux de la BCE est représentative des risques déflationnistes perçus par la Banque Centrale. Il est loin le temps où les Européens faisaient de la baisse des taux d’inflation (la « désinflation compétitive ») l’objectif central de leur politique monétaire. Le camp de ceux qui craignent la déflation est désormais dominant au conseil de la BCE. Les problèmes actuels (atonie du crédit, impossibilité des banques périphériques de transmettre à l’économie le bas niveau des taux d’intérêt, progression du taux de rejet des crédits aux PME, faible investissement…) incitent à penser que la BCE mènera de nouvelles actions pour conforter la confiance dans les banques et pour revitaliser le marché du crédit. Autant dire que si la question se pose de savoir quand le QE de la Fed va être atténué, en ce qui concerne la BCE, l’interrogation concerne davantage la nature des mesures à venir. Que peut-il se passer?

  • Rassurer sur la liquidité des banques des pays périphériques passe peut-être par un LTRO long terme. Il faudra éviter que cela se traduise exclusivement par des achats d’obligations gouvernementales: cela accentue le lien entre banques et souverains, ce que n’aiment ni la BCE, ni les marchés financiers, et cela se fait au détriment des crédits à l’économie réelle.
  • Revitaliser le crédit bancaire est vital. Dans le noyau dur, le taux de rejet des prêts aux entreprises ne progresse pas et les banques sont capables de répercuter à leurs clients entreprises le bas niveau des taux d’intérêt. Ce n’est pas le cas des périphériques. Un accès à la liquidité pour les banques ayant atteint un bon niveau de LCR (gage d’une capacité à faire des crédits) aurait du sens.

La BCE mènera de telles actions, et l’on pourra miser sur un peu plus de croissance.

Au total, le mois de novembre n’incite pas à changer radicalement l’allocation d’actifs, qui réserve une place de choix aux obligations d’entreprises, et aux actions de la zone euro. Bon choix, si l’on considère la très nette surperformance (par rapport à leurs homologues américaines) au cours des trois derniers mois. Le rattrapage Europe – États-Unis est en cours, mais on notera quand même trois points qui incitent à faire une pause :

  • Plus on est proche des débats – et des risques – sur le budget (janvier) et la dette (7 février) américaines, et plus on est proche d’un environnement de plus grande volatilité et de risques d’atténuation du QE, et donc de hausse des taux longs.
  • La période actuelle n’est pas une période d’accélération de la croissance économique. Les signes de fléchissement – non dramatiques – sont visibles, ce qui n’autorise pas une augmentation des positions vers les actions.
  • En termes de valorisation, ce qui était très attractif il y a 4 ou 6 mois l’est beaucoup moins.

Nous conservons donc les grandes lignes de notre allocation d’actifs, mais avec une pincée de prudence en plus, ce qui se traduit par quelques prises de profit sur la surpondération en actions, notamment européennes qui ont bien surperformé.