La BCE veut limiter les dommages collatéraux

par Frederik Ducrozet, économiste au Crédit Agricole

  • La BCE maintient le statu quo en avril, sans apporter de changement majeur à son communiqué.
  • Trichet a confirmé (1) l'extension des critères accommodants d'éligibilité des actifs acceptés en collatéraux lors des opérations de refinancement et (2) l'introduction d'un système de décotes graduelles appliquées aux titres de dette privée moins bien notés à partir de janvier 2011.
  • Trichet exclut un défaut de la Grèce, sans donner de détails sur les modalités d'une possible intervention.

Sans surprise, la BCE a donc laissé son principal taux directeur inchangé à 1 % lors de sa réunion du 8 avril.

Ce niveau est toujours jugé « approprié » et le communiqué de la BCE ne contient que quelques changements à la marge. La remontée plus forte qu'attendu de l'inflation, à 1,5 % en mars, est qualifiée de temporaire car liée pour l'essentiel aux mouvements des prix énergétiques et alimentaires. Les perspectives d'inflation à moyen terme sont jugées « modérées » (un terme légèrement moins dovish que le mois précédent), dans un contexte de croissance faible de l'activité réelle et des agrégats monétaires et de crédit.

Enfin, la persistance de tensions autour de la situation en Grèce ne peut que conforter la BCE dans son approche prudente.

Le Conseil des Gouverneurs n’ignore pas pour autant les signes d'amélioration qui émergent. Les principaux indicateurs avancés se sont fortement redressés en mars (sauf en Grèce), suggérant un rebond de l'activité dans les secteurs pénalisés par les mauvaises conditions climatiques du début d'année. La BCE note également que les bilans bancaires semblent se stabiliser, tout comme les flux de nouveaux crédits. Enfin, la baisse de la demande lors des dernières opérations de refinancement à long terme de la BCE confirme la normalisation progressive du marché monétaire.

Collatéraux : mix entre éligibilité et décotes

Après avoir détaillé le mois dernier son calendrier de sortie des mesures de soutien à la liquidité, la BCE devait annoncer ce mois-ci les changements apportés à son système de gestion des collatéraux pris en pension lors de ses opérations de refinancement. Trichet a confirmé que les critères d'éligibilité actuels des collatéraux ne seraient pas durcis en 2011, contrairement à l'engagement initial de la BCE. En pratique, les titres de dette notés A- (le seuil appliqué avant la crise) à BBB- (le seuil actuel) resteront éligibles aux appels d'offres après décembre 2010, à l'exception des Asset-Backed Securities (ABS) qui doivent désormais être notés AAA à l'émission et de certains titres libellés en monnaie étrangère. Pour la dette grecque, ce changement implique que la dette grecque ne deviendrait inéligible que dans le cas où Moody's la dégradait de cinq crans et S&P et Fitch de trois crans.

En contrepartie, la BCE introduira en janvier 2011 un nouveau système de décotes dégressives appliquées aux actifs pris en pension. Alors qu'actuellement une décote unique de 5 % est appliquée aux actifs notés BBB+ à BBB-, les nouvelles règles qui seront détaillées en juillet prochain devraient permettre à la BCE d'assigner des pénalités supplémentaires aux titres qu'elle jugera elle-même de moins bonne qualité, ou moins liquides. De façon assez surprenante, les obligations souveraines des Etats de la zone euro ne seront pas concernées, si bien que leur décote ne pourra pas dépasser 5 % (ce pourrait être le cas de la Grèce si elle est notée BBB+ ou moins par les trois principales agences de notation en janvier prochain).

Les nouvelles règles de décotes s’appliqueront donc à la dette privée en 2011, constitués pour l’essentiel de titres des banques et des entreprises échangés sur le marché. Dans son rapport annuel pour 2009 qui sera publié le 19 avril prochain, la BCE doit détailler la composition par type d’actifs de son pool de collatéraux. Il est probable que les titres majoritaires restent la dette bancaire subordonnée et les ABS, qui représentaient chacun 28 % du total en 2008.

La BCE manque de clarté sur la Grèce

La résolution de la crise grecque reste particulièrement incertaine à quelques semaines d’échéances importantes pour refinancer sa dette (on estime que 10 à 12 Mds d’euros devront être levés d’ici le 19 mai).

Pressé de répondre à une série de questions sur le sujet après que les spreads de taux grecs ont cassé cette semaine leurs précédents points hauts, M. Trichet a souvent paru mal à l'aise et ses réponses n'ont pas toujours convaincu. Il a d'abord dû se défendre d'avoir critiqué le recours au FMI, avant que celui-ci ne soit effectivement impliqué dans le plan d’aide à la Grèce annoncé par les membres de l'Eurogroupe le mois dernier. Le président de la BCE a affirmé qu'un défaut du gouvernement sur sa dette n'était « pas une option » car ce plan d'urgence pouvait être déclenché, tout en restant particulièrement flou sur les détails d'une telle intervention. Les prêts se feraient à des taux « non-subventionnés » qui pourraient refléter les « coûts de refinancement » des autres Etats de la zone euro.

Bien malin celui qui pourra dire à quel niveau de taux cela correspond. Enfin, on ne sait toujours pas qui du FMI ou de l’UE pourrait intervenir en premier, ni pour quels montants. La position ferme de l’Allemagne, relayée par un officiel de la Bundesbank cette semaine, n’est probablement pas étrangère à ce manque de précision. Or le déclenchement du plan d’aide nécessite l’unanimité des pays, et l’on voit mal le gouvernement allemand assouplir sa position avant l’échéance des élections régionales en Rhénanie-Westphalie le 9 mai prochain.

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