par Jean-Marie Mercadal, Directeur Général Délégué en charge des gestions, et Xinghang Li, Gérant sur les marchés asiatiques chez OFI AM
La décision de la Chine de faire baisser le Yuan, et donc de relancer "la guerre des changes", a surpris et montre que le pays recherche à tout prix à stimuler une croissance qui doit être bien en deça des 7% officiels. Quelle analyse porter sur cette situation et quelles conséquences envisager pour les marchés ?
Parmi les scenarii que nous avions envisagés en début d'année, celui d’un fort ralentissement mondial n'avait pas notre faveur. Nous avions en effet accordé une plus grande probabilité au scenario de poursuite d'une situa- tion favorable caractérisée par 2 éléments : croissance mondiale autour de 3,5% à la fois suffisamment solide pour que les entreprises puissent se développer mais pas assez forte pour que les taux d'intérêt remontent franchement. C'est effectivement ce qui s'est pro- duit jusqu'à présent : les marchés boursiers se sont bien tenus, avec notamment des actions européennes en progression de près de 15% depuis le début de l’année. Les taux sont restés également assez bas en dépit d'une brusque tension en avril.
Cependant, les derniers événements en Chine redonnent du crédit à un scenario de ralentissement mondial plus fort que prévu. La décision des autorités chinoises a en effet surpris les marchés. Il s'agit de la plus importante dévaluation depuis 20 ans alors que la Chine semblait engagée dans un processus d'internationalisation de sa monnaie afin de devenir une devise de réserve. Une décision du FMI doit d'ailleurs être prise en novembre à ce sujet. Par ailleurs, les partenaires commerciaux de la Chine considéraient que le Yuan était plutôt sous-évalué.
Ceci appelle donc 2 questions majeures :
I. La Banque Centrale chinoise va-t-elle continuer à déprécier la devise chinoise jusqu’à 10-15% pour relancer le secteur export de l’économie ?
Depuis un an, toutes les autres devises se sont dépréciées d’environ 18% contre l’USD alors que la devise chinoise est la seule devise importante qui est restée stable contre le dollar. D’après la conférence de presse de la Banque Centrale chinoise ce matin, la réponse est non. Selon le vice-gouverneur de la PBOC, M. Gang YI, la Chine n’a pas l’intention de déprécier sa devise de 10% pour relancer ses exportations.
Un autre haut fonctionnaire de la Banque Centrale, M. Xiaohui ZHANG, a indiqué que cette dernière vise une dépréciation de 3%. Ainsi, selon lui, la phase de dépréciation de la devise chinoise est terminée et il n’y en aura pas d’autre dans les mois à venir. Il a indiqué que cette dépréciation de 3% correspondait aux anticipations du marché en raison de la force de l’USD contre les autres devises.
II. Pourquoi une dépréciation de la devise chinoise maintenant ?
Les mesures récentes de soutien à la Bourse Chinoise, la flambée du prix du porc et la croissance de la masse monétaire ont fait remonter les anticipations inflationnistes. Dans ce contexte, la Banque Centrale ne semble pas souhaiter poursuivre sa politique de baisse des taux d’intérêt. Une dépréciation rapide et contrôlée de la devise chinoise constitue une bonne alternative.
D’un point de vue long terme, la Chine souhaite parvenir à une convertibilité totale du RMB et mettre en place un mécanisme de marché pour déterminer la parité de sa devise. Les chiffres macro-économiques récents sont plutôt médiocres, et nous attendons d’autres mesures de soutien pour l’économie avec éventuellement un « quantitative easing » à la chinoise dans l’avenir.
Quelles conséquences pour les marchés ?
Ces derniers événements relancent l'éventualité d'un scenario déflationniste global qui était plus ou moins dans les marchés l'année dernière mais qui a été délaissé depuis. En effet, aux États-Unis, les anticipations d'inflation ont à nouveau reculé à leurs plus bas niveaux depuis janvier, avec une inflation implicite à 5 ans retombée à 1,27% seulement ! Dans ce contexte, les taux d'intérêt obligataires devraient rester bas.
On peut s'attendre également à une nouvelle vague de dépréciations de devises dans les pays émergents, accentuée par des flux sor- tants de ces pays pour revenir vers les marchés domestiques, surtout américains, ce qui pourrait soutenir le dollar. De ce point de vue, la décision annoncée de la Fed de commencer à normaliser sa politique monétaire en septembre sera un soutien supplémentaire au dollar et également une source de volatilité. Les investisseurs vont probablement se méfier des actions et une phase plus volatile pourrait donc s'ouvrir dans l'attente d'une plus grande visibilité du scenario macro. Les actions européennes restent les plus défensives de notre point de vue car elles ont les valorisations les plus basses parmi les grands marchés.
En conclusion, une plus grande prudence s'impose à court terme, même si des corrections plus importantes devraient être mises à profit pour rééquilibrer les allocations en faveur des actions dans une optique de long terme.