par May Armstrong et Chaoling Feng, experts de la Mission Climat de la CDC
C’est désormais avéré : la Chine a supplanté les États-Unis et occupe la première place des pays émetteurs de gaz à effet de serre dans le monde. Face à la croissance de son économie et de ses émissions, sa participation active à un accord international sur le changement climatique est essentielle pour parvenir à limiter l’augmentation globale de la température à 2°C au-delà des niveaux préindustriels.
Avec une industrialisation et une urbanisation fulgurantes, la demande d’énergie en Chine a plus que décuplé au cours des trois dernières décennies. De 1995 à 2004, ses émissions de gaz à effet de serre (GES) sont passées de 3 212 à 5 205 MtCO2e. La Chine émet désormais 21 % des GES mondiaux. À elle seule, la filière de production d’énergie, très dépendante des combustibles fossiles, représente 49% de ses émissions. Tout accord international sur le changement climatique post-2012 devra donc à la fois intégrer la Chine et l’aider à modifier la structure de son secteur énergétique.
Réduire les émissions mondiales de GES est loin d’être une priorité pour la Chine aujourd’hui. Toutefois, le contrôle de la pollution domestique et la sécurité de l’approvisionnement national en énergie ont une importance capitale pour les autorités. Dans son “Programme national sur le changement climatique” publié par la Commission nationale de développement et de réforme (NDRC) en juin 2007, la Chine réaffirme ses engagements pour 2010 :
- réduire sa consommation d’énergie par unité de PIB de 20 % par rapport à 2006 ;
- atteindre 10 % d’énergie issue de sources faiblement carbonées et renouvelables contre 7,5 % en 2005 ;
- stabiliser ses émissions industrielles de protoxyde d’azote aux niveaux de 2005 ;
- augmenter sa couverture forestière de 20 %. La Chine estime que ces mesures permettraient de réduire ses émissions de près de 950 MtCO2 en 2010. A titre de comparaison, les 1 500 projets MDP en développement dans le secteur énergétique en Chine devraient générer une réduction des émissions de 230 MtCO2par an.
Par ailleurs, des problèmes de sécurité énergétique risquent d’entraver le développement de la capture et du stockage du carbone (CSC), car cette technologie peut réduire de près de 10 % le rendement des centrales électriques. Ceci est d’autant plus préoccupant que le charbon restera la principale source d’approvisionnement énergétique de la Chine dans les années à venir : les centrales thermiques au charbon construites en 2006 ont totalisé une capacité de production de plus de 80 GW et près de 228 GW de capacités supplémentaires seront opérationnelles d’ici à 2015.
Chine et Etats-Unis : 10 ans de face-à-face
L’économie chinoise a plus que quadruplé depuis 1997, quand le protocole de Kyoto était négocié. Mais son PIB par habitant est le quart de la moyenne mondiale ; ses émissions par habitant équivalent à 1/5e de celles des États-Unis et un tiers de celles de l’Europe. De ce fait, la Chine ne cherchera à atténuer les effets du changement climatique qu’en gardant le développement économique et l’éradication de la pauvreté en ligne de mire. Elle est prête à coopérer avec la communauté internationale pour réformer et renforcer le Mécanisme pour un développement propre (MDP). Mais sans engagement fort des pays développés, particulièrement des États-Unis, la stratégie de négociation de la Chine reste de demander aux pays développés de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre et de remplir leurs obligations de financement et de transfert de technologies conformément au principe de “responsabilité commune, mais différenciée” de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques. La Chine se montre réticente à prendre des engagements de réduction de ses émissions de GES. Le changement d’administration aux États-Unis adoucira-t-il cette position ?