La croissance de l’économie mondiale sera très déséquilibrée en 2015

par Philippe Waechter, Chef économiste chez Natixis Asset Management

La croissance de l'économie mondiale sera très déséquilibrée en 2015. Les pays consommateurs de pétrole, pays développés pour la plupart, vont tirer parti de la baisse des prix du brut, ce
qui devrait largement soutenir leur croissance. En revanche, ce ne sera pas le cas des pays émergents, y compris de la Chine.

Le scénario en ce qui concerne la Chine est très différent de celui observé
entre 2000 et 2010, époque durant laquelle le pays constituait le moteur de la croissance mondiale et les autres marchés émergents servaient de
relais. La Chine ne joue plus ce rôle. Sa dynamique se caractérise désormais
par le redéploiement des ressources en faveur d'un modèle de croissance tiré non plus par les exportations, mais par la consommation.

Cette phase de transition de l'économie chinoise risque d'être longue, dans
la mesure où la population et les entreprises devront adapter leur comportement à l'évolution de leurs motivations. De telles périodes sont toujours difficiles à négocier. La
situation cependant est plus compliquée aujourd'hui en raison des déséquilibres économiques, notamment la morosité de l'immobilier dont les prix sont orientés à la baisse, le niveau d'endettement élevé des entreprises publiques et les surcapacités industrielles. Par ailleurs, la Chine sera une moindre source de soutien pour la plupart des pays émergents, en particulier du fait du ralentissement du commerce chinois en 2015 et de la baisse de la demande chinoise de ressources naturelles en provenance de pays producteurs de matières premières.

Raffermissement de la reprise 
aux Etats-Unis


La croissance suit une trajectoire différente aux Etats-Unis, qui connaissent une solide reprise depuis le printemps dernier. Celle-ci s'appuie principalement sur la demande intérieure privée (consommation et investissement) dans un contexte marqué par une moindre dépendance énergétique en raison de l'essor de la production de pétrole de schiste.

Autrement dit, la croissance américaine se caractérise par un certain degré d'autonomie. Elle conserve une influence sur l'économie mondiale, mais elle n'est plus le moteur qu'elle constituait auparavant. La croissance américaine semble toutefois durable
vu l'absence de signes d'accélération
de l'inflation. Le faible taux d'inflation devrait également permettre à la Réserve fédérale américaine de prendre son temps avant de relever ses taux en 2015.

Amélioration de la compétitivité 
en Europe

La grande surprise en 2015 pourrait bien provenir de la zone euro. La dépréciation de la monnaie unique devrait en effet rendre la région plus compétitive. L'euro a atteint son niveau le plus bas depuis
11 ans contre le dollar US le 22 janvier suite à l'annonce par la BCE de son programme d'assouplissement quantitatif ou d'achat d'obligations. En outre, la baisse des cours du pétrole devrait doper le pouvoir d'achat des ménages et les marges des entreprises. La politique monétaire ultra-accommodante de la BCE en 2015 devrait également stimuler la croissance économique.

Le nouveau programme d'assouplissement quantitatif de la BCE, qui inclut l'achat d'obligations à hauteur de 60 milliards d'euros par mois jusqu'en septembre 2016, vise à fournir un traitement de choc durable à l'économie.

Les taux d'intérêt vont conserver un
bas niveau pour une période prolongée, la BCE va jouer le rôle de prêteur en dernier ressort et la liquidité devrait être abondante. Ce programme, selon moi,
a les moyens de relancer la croissance
et l'emploi. Certes, les réformes structurelles permettant de réduire les déficits publics restent nécessaires, mais ce besoin peut attendre pour le moment. S'agissant du Royaume-Uni, l'économie britannique semble appelée à poursuivre sur la voie d'une reprise lente, mais de plus en plus solide en 2015.

Le vieillissement de la population ajoute aux difficultés de l'économie japonaise


Au Japon, troisième puissance économique mondiale, la problématique de la croissance demeure extrêmement complexe. La reprise amorcée en 2013 s'est enrayée en 2014 suite à l'entrée en vigueur d'une hausse de la TVA. Il me semble difficile d'imaginer qu'une reprise puisse apparaître grâce aux mesures prises par le Premier ministre Shinzo Abe dans le cadre de sa politique dite « Abenomics », qui s'appuie déjà sur une politique monétaire extrêmement accommodante. Globalement, le Japon doit résoudre le problème majeur que constitue le vieillissement de sa population. La main d'œuvre japonaise décroît tandis que le nombre de retraités connaît une rapide augmentation. Ce problème économique ne saurait être résolu par un simple ajustement des politiques monétaires et budgétaires à court terme.