par Philippe Waechter, Chef économiste chez Ostrum AM
La Federal Reserve a réduit son taux d’intérêt de 25 points de base. Celui-ci évolue désormais dans le corridor 1.75 – 2.00%. Le taux median pour 2019 est au niveau actuel soit sans baisse supplémentaire de taux en décembre. La mesure de la politique monétaire serait stable, au niveau de fin 2019, pour 2020. Le taux de référence remonterait dans le corridor 2.00-2.25% en 2021 et 2.25-2.50% en 2022. La tendance longue du taux des fed funds serait alors de 2.5% comme en juin.
La Fed et Jérôme Powell dans sa conférence de presse reconnaissent que l’économie va plutôt bien. La banque centrale a ainsi marginalement révisé à la hausse sa prévision de croissance pour 2019 à 2.2% contre 2.1%.
La logique de la banque centrale US est la suivante: l’économie va plutôt bien mais son environnement international est dégradé. La baisse de l’investissement productif serait ainsi la preuve des conséquences négatives de cette incertitude sur le cycle. C’est pour renforcer la dynamique interne face aux aléas externes que la Fed assouplit sa politique monétaire. Cette approche est nouvelle puisque généralement la banque centrale devient plus accommodante lorsque la situation économique est franchement dégradée. Cela signifie aussi qu’en cas d’incertitude globale plus élevée, la Fed pourrait ne pas respecter le profil de taux issu des anticipations. C’est en creux ce que disait Powell. L’incertitude sur les échanges et une croissance mondiale plus fragile pourraient créer la nécessité de taux plus bas pour soutenir la demande interne.
Le souci principal face à une telle approche est que les indicateurs de la politique économique américaine sont déjà franchement accommodants alors que l’économie est au pic du cycle. Le déficit public est de 1 000 mds de dollars sur un an en Août et le taux réel des fed funds est désormais quasiment à 0%. Quelle mode de régulation faudra-t-il mettre en place lors du retournement conjoncturel qui ne manquera pas d’arriver ? J’anticipe un fort ralentissement au 2ème semestre de 2020. Faudra-t-il voir le déficit public grimper à 6 ou 7 % du PIB et le taux de la Fed atterrir en territoire négatif ?
Enfin on notera que la mesure prise est loin d’avoir fait l’unanimité. James Bullard voulait aller plus loin alors qu’Esther George et Éric Rosengren étaient en faveur du statu quo. Comme à la BCE, les mesures prises n’arrivent plus à faire taire les divergences. Les comportements changent parce que le diagnostic n’est plus aussi uniforme.