par Benoit Peloille, Chief Investment Officer de Natixis Wealth Management
Après la Banque centrale européenne ou encore la Banque d’Angleterre avant elle, la Réserve fédérale américaine a décidé de maintenir ses taux directeurs sur les niveaux actuels (fourchette de 5.25%-5.50%). Sans grande surprise pour les marchés et le consensus des économistes, cette nouvelle marque sans doute un tournant majeur pour l’évolution future des marchés ces prochains mois.
Un tournant pour les marchés obligataires.
Il est encore trop tôt pour l’affirmer, et l’inflation peut révéler des surprises, mais la succession de décisions de politiques monétaires récentes laisse entrevoir la fin du cycle de resserrements monétaires initié il y a plus d’un an. C’est en tout cas le message envoyé par le récent rebond des marchés obligataires. Historiquement en effet, le pic des taux est généralement atteint au moment du dernier tour de vis des banques centrales. En moyenne, les taux longs (10 ans) abandonnent 50 points de base (bps) dans les 6 mois qui suivent la dernière hausse de la Fed et 80 bps dans les 12 mois
L’activité indique un freinage clair.
L’enquête d’activité ISM dans l’industrie aux Etats-Unis, très suivie par les investisseurs, est ressortie nettement sous les attentes, alors qu’elle avait eu tendance ces derniers mois à dessiner un rebond. Avec en parallèle une nouvelle dégradation des carnets de commandes, il y a peu d’espoir de voir cette tendance s’inverser. Dans les services, les chiffres ont également déçu mais permettent toutefois à l’activité globale de se maintenir, de peu, en expansion.
En zone Euro, le constat est encore plus clair. Si les indicateurs PMI dans les services font état d’une activité stable par rapport au mois de septembre, ils sont toujours en contraction. Ces données restent compatibles avec une économie qui poursuit sa dégradation comme en témoignent les derniers chiffres du PIB sur le troisième trimestre (-0,1%) après une modeste progression au deuxième trimestre (+0,2%). La croissance européenne est au point mort depuis 12 mois, essentiellement soutenue par l’effet positif de la correction de l’inflation. Mais, lors des prochains trimestres, cet effet devrait se réduire considérablement, la baisse du prix des matières premières cessant de contribuer à la modération de l’inflation.
Poursuite de la normalisation de l’emploi.
La publication de l’enquête ADP sur le marché du travail américain a fait état de créations d’emplois inférieures aux attentes en octobre, mais aussi d’une très nette modération salariale, illustrant la détente progressive du marché du travail américain. Si cette étude avait habituellement tendance à diverger des rapports sur l’emploi du Bureau of Labor Statistics (BLS), cette fois-ci, elle s’est vue confirmée, avec un rapport sur l’emploi qui a comptabilisé des créations de postes en net ralentissement et une confirmation de la remontée du taux de chômage à 3,9% (supérieure aux attentes). Historiquement, si un tel rythme de remontée du chômage venait à se confirmer, la récession serait difficilement évitable.
Une inflexion pour les résultats d’entreprises.
Les récentes sanctions boursières lors des publications de résultats d’entreprises constituent probablement une rupture pour les profits. Dans un contexte de taux d’intérêts plus élevés, il devient crucial de délivrer des performances bénéficiaires convaincantes pour justifier les niveaux de valorisations. Par ailleurs, il semblerait que les chiffres publiés par les entreprises marquent le début de la fin du pricing power sans limite. En effet, il apparaît désormais plus difficile d’appliquer les hausses de prix au consommateur, si bien que les marges des groupes cotés ont amorcé « leur retour sur terre ». Cette tendance est particulièrement frappante en Europe où seulement 50% des entreprises ont fait mieux que les attentes des analystes et où les révisions en baisse des attentes de profits – sans être massives pour le moment – se multiplient.