La Grèce déclenche le plan d’aide : fin du sprint, début du marathon ?

par Frederik Ducrozet, économiste au Crédit Agricole

  • Le gouvernement grec a officiellement demandé l’activation du plan d’aide de l’UE et du FMI ce vendredi.
  • Cette décision fait suite à la révision à la hausse du déficit public par Eurostat et à la dégradation de la note grecque par Moody’s cette semaine, à l’origine d’une nouvelle envolée des taux obligataires grecs.
  • La mise à disposition rapide d’un minimum de 10 Mds d’euros devrait suffire à couvrir les besoins de refinancement en mai, mais l’incertitude liée aux ajustements nécessaires à moyen terme reste intacte.

 

La semaine avait pourtant bien commencé, y compris à Athènes. Mardi, le Trésor grec a pu aisément placer 1,95 milliard d’euros de bons à 13 semaines à 3,65% soit, il est vrai, un taux deux fois supérieur à celui qui prévalait en janvier (1,67%). Les discussions prévues avec des responsables de l’UE, du FMI et de la BCE sur les modalités du plan d’aide, qui risquent par ailleurs de durer plus de deux semaines, ont été retardées en raison des perturbations du réseau aérien. Jeudi, le flux de mauvaises nouvelles a connu une accélération dramatique à l’origine d’un nouveau mouvement de panique sur les marchés. Les spéculations autour d’une restructuration de la dette ont alors poussé les taux grecs vers de nouveaux points hauts dans un marché peu liquide : taux 2 ans à 10,5% ; taux 10 ans à 9%, soit un spread record de 590 pdb par rapport au Bund allemand.

A l’origine de cet emballement, Eurostat a d’abord procédé à des révisions importantes des finances publiques grecques. Le déficit public atteindrait 13,6% en 2009 (contre une estimation initiale à 12,7% qui sert d’hypothèse au Programme de Stabilité). Il pourrait même dépasser 14% si les opérations de couverture mises en évidence par la Commission et le FMI venaient à être prises en compte. Dans ce cas de figure, le ratio de dette publique pourrait être relevé de 5 à 7 points, à près de 120% du PIB en 2009. Enfin, Eurostat relève une nouvelle fois la mauvaise qualité des données grecques, liée en particulier à l’absence de système de collecte fiable des données au niveau des entités régionales de sécurité sociale. Toutes choses égales par ailleurs, la Grèce part donc d’une situation plus dégradée que prévu en 2009, ce qui rend les ajustements prévus plus difficiles, même si les données mensuelles de déficit sur le premier trimestre suggèrent que les objectifs du gouvernement peuvent encore être atteints pour 2010 (réduction du déficit de 4 points).

Dans la foulée, Moody’s a abaissé la notation de la dette souveraine grecque de A2 à A3, en conservant un « outlook » négatif. La note de Moody’s reste toutefois supérieure à celles des autres agences, et une nouvelle dégradation est possible. Enfin, Moody’s a également dégradé une banque grecque à A3 tout en annonçant passer en revue prochainement cinq autres établissements.

La Grèce déclenche le plan d’aide, et après ?

Dans une courte lettre envoyée à l’UE ce vendredi, la Grèce a finalement demandé le déclenchement du mécanisme d’aide d’urgence. Une fois n’est pas coutume, plusieurs éléments ne sont pas encore connus (calendrier, montant précis et taux d’intérêt appliqués, contribution du FMI et conditionnalité des prêts). Les gouvernements européens doivent encore approuver le plan d’aide à l’unanimité (ce qui paraît hautement probable), puis le valider via diverses procédures nationales (ce qui pourrait prendre plus de temps, notamment en Allemagne où le gouvernement envisage de faire passer un projet de loi ad hoc). Selon des sources officielles de l’UE, une première tranche pourrait être versée d’ici les échéances de refinancement du 19 mai (tombée d’obligations pour 8,5 Mds d’euros) et un prêt d’urgence pourrait même être mis en place d’ici une semaine.

Si la crise de liquidité est donc en passe d’être résolue, les craintes des investisseurs liées à la solvabilité de l’Etat à moyen terme ont peu de chances de disparaître dans l’immédiat. Les spéculations autour d'une restructuration de la dette grecque devraient limiter tout resserrement des primes de risque. Enfin, le risque de contagion à d’autres pays reste élevé, à l’image de la hausse des taux portugais et irlandais cette semaine.

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