La guerre des monnaies n’aura pas lieu

par Caroline Newhouse-Cohen, économiste chez BNP Paribas

Réunis en Corée le week-end dernier, les pays membres du G-20 sont parvenus à un accord a minima sur les taux de change. Ils se sont engagés à « ne pas recourir aux dévaluations compétitives », tout en s’acheminant « vers un système de taux de change plus déterminés par le marché et qui reflète les fondamentaux économiques ». Aucune disposition n’a été prise concernant les déséquilibres de balance des paiements courants, alors que l’administration Obama souhaitait que soient fixés des objectifs de réduction.

En effet, certains observateurs et pays partenaires des Etats-Unis accusent la politique monétaire américaine de favoriser le repli du dollar (en baisse de 8% en termes réels effectifs depuis le début de l’été, le billet vert se retrouve désormais à son plus bas niveau depuis les Accords de Jamaïque en 1976) et de contribuer, par là même, à l’instabilité financière mondiale.

Face à l’afflux de liquidités, bon marché, des pays émergents comme la Thaïlande (le baht se retrouve contre dollar sur les niveaux qu’il avait atteints avant la crise asiatique de 1997-1998) ou encore le Brésil, ont récemment durci leur contrôle des changes pour limiter la surchauffe de leur économie. En Chine, la Banque centrale a relevé ses taux d’intérêt, mi octobre, pour la première fois depuis décembre 2007.

Alors qu’au Royaume-Uni et aux Etats-Unis, les banques centrales s’interrogent sur le calendrier des prochaines mesures non conventionnelles qu’elles vont adopter, certains pays voisins de la zone euro ont déjà opté, pour leur part, pour un resserrement de leur politique monétaire. C’est le cas en Suède et au Danemark où les banques centrales ont donné, au cours de la semaine écoulée, un nouveau tour de vis sur la voie de la normalisation de leur politique monétaire.

En Suède, après une contraction de 3,4% en 2009, la demande interne s’est nettement redressée et devrait s’inscrire en hausse de plus de 3% cette année. Par ailleurs, le nombre d’heures travaillées et l’emploi ont progressé, tandis que le taux de chômage a cessé d’augmenter et recule même depuis quelques mois. La confiance des ménages, pourtant largement endettés, et celle des entreprises demeurent ainsi à des niveaux élevés, très proches encore des pics atteints au cours de ce cycle. Enfin, la gestion rigoureuse de l’Etat a évité tout dérapage des finances publiques au cours de la récession. Dans ces conditions, les autorités monétaires estiment que les tensions inflationnistes, bien qu’actuellement modérées, devraient se renforcer à moyen terme. Le 26 octobre, la Banque centrale de Suède a donc décidé de relever le taux Repo de 25 points de base à 1%. Il s’agit de la troisième hausse depuis juillet 2010. Toutefois, le ralentissement de la demande mondiale, couplé à la fermeté de la couronne suédoise et à la modération des coûts unitaires du travail, devrait limiter les pressions haussières sur les prix. Par conséquent et compte tenu des perspectives de ralentissement mondial, il est peu probable que la Banque centrale de Suède relève ses taux aussi rapidement en 2011 qu’au cours des quatre derniers mois.

Au Danemark, pour la deuxième fois en quinze jours, la Banque centrale, inquiète du resserrement de l’écart de taux à trois mois avec la zone euro et de son effet sur la stabilité de la couronne danoise contre la devise européenne1, a relevé, jeudi 28 octobre, de 10 points de base, à 0,70%, son taux officiel sur les certificats de dépôt. La reprise économique ne devrait pas pâtir, outre mesure, de cette décision. Après près de 2% cette année, la croissance ralentirait, toutefois, en 2011, sous l’effet des efforts de consolidation budgétaire, qui, bien que limités par rapport à certains autres pays européens, pèseront sur la demande interne.

Somme toute, la Banque centrale européenne ne devrait pas emboîter le pas de ses consoeurs nordiques dans les prochains mois. En effet, les inquiétudes des marchés financiers, concernant la dette souveraine de certains pays périphériques de la zone euro, pourraient être ravivées dès l’année prochaine. En particulier, compte tenu du ralentissement anticipé de la demande mondiale, l’activité en Grèce, en Espagne et au Portugal devrait à nouveau se contracter en 2011 sous l’effet des programmes de consolidation budgétaire, hypothéquant d’autant les objectifs affichés. Dans ces conditions, il est peu probable que la BCE décide d’un relèvement du taux Refi dans l’immédiat. A contrario et en l’absence de tensions inflationnistes, elle maintiendrait le cap d’une sortie progressive de politique de crise, restant attentive aux développements sur les marchés financiers.

NOTES

  1. Tout comme la Lituanie, la Lettonie et l’Estonie, le Danemark participe au SME-II au taux central de 7,46038 DKK pour un euro, avec une bande de fluctuation de plus ou moins 2,25%.

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