par Marie-Pierre Ripert, économiste chez Natixis
Si nous nous attendions à un été animé sur les marchés, la réalité a finalement dépassé nos attentes. L’été a en effet été caractérisé par l’intensification de la crise des dettes souveraines avec la contagion à l’Italie et l’Espagne et par l’abaissement de la note de la dette fédérale américaine par l’agence de notation S&P.
Associées à des statistiques économiques défavorables, ces mauvaises nouvelles ont engendré un mouvement de fuite vers la qualité, caractérisé par la chute des marchés risqués. Après un tel été, la rentrée 2011 s’annonce compliquée pour les décideurs économiques : les gouvernements et les banquiers centraux vont devoir faire face au ralentissement de leur économie, à la nécessité de consolider leur politique budgétaire et au possible retour du risque déflationniste.
Par ailleurs, les situations politiques sont très complexes des deux côtés de l’Atlantique, avec en Europe, la nécessité de sauver l’euro et aux Etats-Unis la nécessité de trouver des compromis sur la politique budgétaire en pleine période préélectorale.
Sur le front de la croissance économique, les statistiques publiées au cours de l’été ont montré que le ralentissement de l’économie mondiale amorcé au premier semestre allait se poursuivre en deuxième partie d’année. Les indicateurs de confiance ont chuté aux Etats-Unis avec un ISM manufacturier à 50,6 en août (vs 55,3 en juin) et la confiance des ménages (Conference Board) qui s’est écroulée de près de 15pts en août. En zone euro, les sentiments économiques ont également baissé cet été. Même l’Allemagne a commencé à montrer des signes de faiblesse, avec un indice IFO en baisse de 4 pts à 108,7 en août. Si le scénario d’un retour en récession ne nous semble toujours pas le plus probable avec la désinflation attendue au S2-11, la fin des effets négatifs de la catastrophe japonaise et de probables nouvelles mesures monétaires, la croissance devrait continuer d’être faible fin 2011 et en 2012 avec le ralentissement du commerce mondial, la poursuite de la consolidation budgétaire dans bon nombre de pays et les effets négatifs de la crise financière, en particulier le risque de « credit crunch » qui pourrait se matérialiser avec la fragilisation du secteur bancaire. Les émergents ne sont pas immunisés et montrent également des ralentissements marqués, ce qui constitue une différence de taille avec la situation qui prévalait mi-2010.
Par ailleurs, le risque inflationniste va s’estomper avec la modération du prix des matières premières. Le risque désinflationniste domestique dans les pays développés risque fort de réapparaître. Une fois le « pass through » de la hausse passée du prix des matières premières absorbé, les inflations sous-jacentes pourraient repartir à la baisse et le risque de déflation réapparaître dans certains pays.
En conséquence, les politiques monétaires pourraient devenir encore plus expansionnistes. Les banquiers centraux ont déjà fait volte-face cet été : aux Etats-Unis, on ne parle plus de « stratégies de sortie » mais la Fed communique à nouveau sur les outils à sa disposition pour assouplir encore la politique monétaire : elle a d’ailleurs déjà utilisé le premier, la communication, en annonçant lors du dernier FOMC du 9 août que le taux des Fed funds resterait inchangé au moins jusque mi-2013. Elle envisage également de modifier la structure de son bilan ou de l’augmenter si nécessaire.
Un QE3 nous semble de plus en plus probable. En zone euro, après la hausse de 25pb début juillet, la BCE a été contrainte de réintroduire les mesures exceptionnelles d’allocation de la liquidité sur du 3 et 6 mois début août et de réactiver ses achats de titres publics pour contrer les attaques sur les dettes italienne et espagnole. Le SMP est passé de 74 Md€ début août à 115 Md€ début septembre. Par ailleurs, devant le Parlement le 29 août, JC Trichet a annoncé que l’appréhension du risque inflationniste était sous revue suggérant l’abandon du biais haussier lors du prochain Comité le 8 septembre. Bis repetita de l’automne 2008 ?
Enfin, les problèmes politiques vont rester sur le devant de la scène. En zone euro, si d’importantes avancées ont été réalisées avec le sommet du 21 juillet (possibilité de la Facilité Européenne de stabilité Financière d’acheter des titres publics sur le marché secondaire), des propositions pour plus de fédéralisme lors du sommet franco-allemand, le retour de la BCE pour contrer les attaques sur certaines dettes, les problèmes de fond ne sont pas réglés : certains pays ne sont toujours pas solvables et leur imposer des plans drastiques de consolidation budgétaire ne les aide pas ; les gouvernements ne se sont toujours pas mis d’accord sur la mise en place d’ « eurobonds »… Aux Etats-Unis, la situation est également dégradée avec la très grande difficulté à trouver des compromis et la période préélectorale qui s’ouvre ne va vraisemblablement pas aider.